Insee Flash GuyaneUn recul de l’activité économique de 25 % pendant le confinement

Matthieu Cornut et Jean Louis (INSEE), David Farderl (IEDOM)

La situation inédite de confinement de la population, du 17 mars au 11 mai 2020, est à l’origine d’un recul de l’activité économique de 25 % par rapport à une situation dite « normale », sans confinement. Cette crise économique est en grande partie causée par la baisse drastique de la consommation des ménages et le report des activités spatiales. Les mesures d’aides aux entreprises mises en place par l’État ont permis d’aider les entreprises : en ajustant leurs effectifs par exemple avec le dispositif de chômage partiel et en soutenant leur trésorerie avec le prêt garanti de l’état.

Matthieu Cornut et Jean Louis (INSEE), David Farderl (IEDOM)
Insee Flash Guyane No 128- Juin 2020

Selon nos premières estimations, le confinement entraîne un recul de l'activité économique de 25 % pendant cette période (soit un impact de - 4 % sur le PIB en 2020) (figure 1). En particulier, durant cette période, la consommation des ménages recule de 22 % en volume et les stocks s’accumulent. En parallèle, les exportations guyanaises, essentiellement constituées par le spatial, s’effondrent (-75 %). En lien avec l’incertitude autour de la crise sanitaire, les investissements reculent également (- 20 %).

Figure 1Sans rattrapage, le confinement aura un impact sur le PIB de – 4 % en 2020Evolution des différents agrégats du PIB pendant la période de confinement

Sans rattrapage, le confinement aura un impact sur le PIB de – 4 % en 2020
impact du confinement (en volume %) Impact en évolution Impact PIB sur l'année Impact en millions €
PIB -25,4% -3,9% -163
Consommation finale -15,1% -2,6% -108
dont Conso Ménages -22,4% -2,2% -92
Investissement -20,1% -0,9% -38
Variation de Stocks n.c. 1,9% 81
Solde du commerce extérieur 37,7% -2,4% -99
Exportations -75,4% -4,5% -187
Importations -17,4% 2,1% 89
  • Note de lecture : Pendant le confinement, l’activité économique diminue de 19,6 % en volume par rapport à une situation normale
  • Sources : Comptes économiques, traitement Cerom, commerce extérieur, ICA

Un recul de l’activité économique

En Guyane, la crise entraîne une baisse de 25 % de l’activité économique. Le recul de l’activité se traduit par un choc d’ampleur variable selon les secteurs. Les valeurs ajoutées du transport/entreposage s’effondrent (-223 %). Les secteurs du commerce, de la réparation automobile et de l’industrie ont aussi une activité en baisse (respectivement - 36 %, - 59 % et - 75 %). En particulier, 3 760 salariés et 660 non-salariés travaillent dans le secteur du commerce non alimentaire et de la réparation d’automobile et sont directement affectés par cette crise.

Le secteur de la construction a mieux résisté en Guyane qu’en France métropolitaine malgré un recul de l’activité de 31 %. La plupart des travaux ont repris rapidement comme l’aménagement des berges du canal Laussat et de la ZAC Palika. L’activité de ce secteur est habituellement perturbée par la pluviométrie en avril et en mai. Cette année encore, certains chantiers ont été arrêtés par les fortes pluies. L’impact du confinement est ainsi atténué.

Sans activités spatiales, les exportations plongent

Pendant le confinement, le centre spatial guyanais arrête ses activités opérationnelles. Tous les lancements sont reportés. Cet arrêt a des répercussions dans toutes les branches de l’économie au travers des entreprises fournisseuses. La campagne de lancements interrompue mi-mars n’a redémarré que le 21 avril avec les équipes sédentaires d’Arianespace et du Cnes. Ainsi, la première mission, Vega VV16, aurait lieu fin juin. Les lancements déprogrammés se traduisent par un effondrement des exportations (-75 %). À l’issue de cette période sans lancement, avec les dépenses pré-engagées, les stocks se situent à un niveau haut.

Dans une moindre mesure, les importations baissent en raison du ralentissement de la demande intérieure, notamment les besoins en consommation intermédiaires des entreprises (-17 %). Ainsi, cette crise accroît fortement le déficit de la balance commerciale. Il constitue une partie importante de la baisse du PIB sur l’année (- 2,4 %). Cet impact devrait diminuer au cours de l’année 2020 avec la reprogrammation des lancements .

Une consommation des ménages au ralenti

Du fait du confinement et de la fermeture des commerces non essentiels, la consommation des ménages se contracte de 22 % et contribue fortement au recul de l’économie. La baisse de la consommation constituerait une partie importante de la perte de PIB (-2,2%) sur l’année. Cette baisse de consommation se reflète notamment au travers des montants des transactions par carte bancaire (Pour comprendre). Après une hausse de 20 % la semaine d’avant le confinement par rapport à la même période en 2019 (probablement des stocks alimentaires préventifs des ménages), les transactions bancaires diminuent ensuite de 52 % du 29 mars au 4 avril par rapport à la même période en 2019. La baisse oscille entre – 43 % et - 28 % par semaine pendant la suite du confinement.

Une baisse des revenus contenue

La baisse des revenus est relativement limitée, notamment grâce au mécanisme de chômage partiel et à l’augmentation des prestations sociales. Les employeurs ont rapidement mobilisé le dispositif de chômage partiel afin de maintenir leurs effectifs ou d’anticiper son recours (avec des demandes émanant de 2 050 établissements en mars et 1 960 en avril). Au 21 mai, les demandes sont validées pour 20 090 salariés, soit potentiellement 63 % des salariés du privé. Huit millions d’heures chômées sont demandées, soit 400 heures en moyenne par salarié (soit plus de 11 semaines à 35 heures hebdomadaires). Les entreprises ne demanderont pas toutes l’indemnisation de l’ensemble des heures autorisées du fait de la reprise d’activité totale ou partielle qu’ont pu assurer certaines d’entre elles. Au 21 mai les demandes d’indemnisation confirmées concernent seulement 19 % des heures demandées (1,5 millions d’heures).

Ainsi, une baisse limitée des revenus conjuguée à une forte baisse de la consommation entraîne une hausse de l’épargne estimée à 52 % pendant le confinement.

Par ailleurs, une aide exceptionnelle de 150 euros (+ 100 euros par enfant à charge) est versée le 15 mai pour aider les ménages les plus modestes. En Guyane, 29 120 familles en ont bénéficié pour un montant total de 9,9 M€. De plus, l’État finance une partie du coût des repas ou collations servis dans les écoles, collèges et lycées pour 21 210 familles (1 M€). Le Gouvernement met en place un financement de 1,9 M€ pour l’aide alimentaire d’urgence en Guyane. Par exemple, près de trois tonnes de produits frais ont été collectés auprès des agriculteurs de Guyane et distribués le 24 avril aux personnes en situation de précarité.

À destination des entreprises, le dispositif de prêt garanti par l’État (PGE) permet de soutenir leur trésorerie. Ainsi, au 12 juin 2020, 625 entreprises bénéficient d’un PGE, pour un montant de 122 M€. D’autres mesures d’accompagnement sont mises en place pour soutenir les entreprises comme les reports de charge, un fonds de solidarité, un report de paiement des dettes douanières et un remboursement d’excédent d’impôt. Au 22 avril en Guyane, des charges fiscales sont reportées et des délais de paiement octroyés pour un montant global d’environ 2 millions d’euros. Au 10 avril, 390 entreprises bénéficient d’un fonds de solidarité pour un montant total de 560 000 euros. La collectivité territoriale de Guyane et les communautés d’agglomération ont aussi abondé un « fonds d’urgence économique des territoires de Guyane » d’environ 10 millions d’euros. Ce fonds vise à soutenir les TPE et PME en difficultés.

Pour comprendre

Les estimations des agrégats économiques sont réalisées à l’aide du modèle « quasi-comptable » de type keynésien utilisé habituellement pour calculer la croissance et adapté pour l’occasion. L’impact de la crise sanitaire se mesure par la différence entre une situation « normale », sans confinement, comparée à la même situation affectée d’hypothèses de baisses d’activité concomitantes à la crise sanitaire toutes choses égales par ailleurs. Les hypothèses résultent notamment de l’exploitation des indices du climat des affaires réalisé par l’Iedom, du commerce extérieur des douanes, ainsi que des statistiques sur le chômage partiel transmises par la Dieccte.

Les données sur les transactions bancaires proviennent de Cartes Bancaires CB et couvrent l’essentiel des transactions par cartes bancaires. Elles sont tirées d’une extraction de transactions anonymisées et agrégées à l’échelle départementale afin de respecter les exigences de confidentialité.

Ces informations sont sujettes à certaines limites. Les données utilisées concernent tout détenteur de carte bancaire CB sur le territoire français, ce qui, outre les ménages, peut recouvrir aussi des entreprises. Ces données ne recouvrent pas les transactions réalisées par d’autres moyens de paiement (espèces, chèque, ticket restaurant, etc.). De plus, à l’inverse des données utilisées à l’échelle nationale, notamment dans l’estimation de la perte de consommation des ménages, les données départementales intègrent certaines transactions non assimilables à de la consommation (dons à des associations, achat de timbres fiscaux, etc.). Enfin, les transactions à distance (notamment celles sur internet) ne sont pas prises en compte.