Plusieurs employeurs au cours d’une année ou l’emploi « éclaté » : situation transitoire, complément d’activité ou précarité durable
En 2014, 16 % des salariés du privé ont eu plusieurs employeurs au cours de l’année. L’année suivante, 60 % d’entre eux sont toujours dans cette situation d’emploi « éclaté ».
5,7 % des salariés sont en emploi éclaté de manière transitoire ; cette situation concerne plutôt les jeunes, notamment lorsqu’ils s’insèrent dans la vie active. Pour les autres, cette situation est durable : soit en complément d’une activité principale (1,2 % des salariés), notamment pour les plus diplômés et les mieux rémunérés ; soit dans le cadre d’emploi éclaté durablement précaire (8,3 %), situation qui touche plus particulièrement les personnes moins qualifiées. Au‑delà du profil individuel des salariés, le champ professionnel dans lequel ils évoluent compte également : l’emploi éclaté durablement précaire est plus fréquent dans l’hébergement et la restauration ou les secteurs recourant à l’intermittence et au travail saisonnier.
Les souhaits professionnels des salariés et leur rapport à la formation dépendent aussi étroitement de la configuration d’emploi dans laquelle ils évoluent. Les salariés en emploi éclaté durablement précaire, qui déclarent pénibles leurs conditions de travail et incertaines leurs perspectives d’emploi, sont ceux qui accèdent le moins facilement à la formation.
- L’emploi éclaté se démarque de l’emploi avec employeur unique : moins qualifié, moins diplômé, plus jeune et plus féminisé
- Encadré 1 - L’emploi éclaté : définition, sources et champs
- Encadré 2 - Méthodologie
- Les parcours conduisant à un CDI : des profils proches des salariés avec un employeur unique
- L’enchaînement de contrats à durée limitée concerne surtout les plus jeunes
- Le cumul d’un CDI et de contrats à durée limitée et à faible volume horaire concerne des salariés plutôt qualifiés et diplômés
- Le cumul de deux CDI, parfois plus, concerne plutôt des emplois non qualifiés
- Une combinaison discontinuité‑cumul, faite de contrats à faible volume horaire : plus de femmes
- Selon son caractère plus ou moins durable, l’emploi éclaté s’inscrit dans trois voies distinctes
- Les souhaits professionnels et les appréciations portées sur l’emploi occupé dépendent étroitement des configurations d’emploi
- La demande effective de formation tient à une accessibilité différente selon les configurations d’emploi
- 1,5 fois moins de chance de se former pour les salariés en emploi éclaté durablement précaire que pour les salariés à employeur unique
- La proportion de salariés ayant suivi exclusivement des formations obligatoires et réglementaires varie du simple au triple selon la configuration d’emploi
- Les objectifs des formations suivies résonnent avec les configurations et les souhaits professionnels
L’emploi éclaté se démarque de l’emploi avec employeur unique : moins qualifié, moins diplômé, plus jeune et plus féminisé
En 2014, une très large majorité des salariés du privé (84 %) n’ont connu tout au long de l’année qu’un seul employeur. Toutefois, si la figure du salarié doté d’un emploi unique et durable reste très largement prédominante sur le marché du travail, elle perd peu à peu du terrain au profit d’histoires d’emploi plus complexes. Au‑delà du statut, de la catégorie socioprofessionnelle, du temps de travail et du salaire, le nombre d’employeurs au cours d’une année représente une dimension majeure de la vie professionnelle d’un salarié. La multiplicité d’employeurs peut être appréhendée à un moment donné (simultanéité) ou au cours d’une année donnée (discontinuité), en intégrant les attributs des emplois afférents à chacun d’eux. Le couplage des sources sociales sur l’emploi et les salaires et du dispositif d’enquêtes sur les formations et les itinéraires des salariés (Defis) permet de décrire les salariés du privé liés à plus d’un employeur au cours d’une année, qualifiés ici de « salariés en emploi éclaté » (encadré 1).
Les salariés en emploi éclaté occupent des emplois moins qualifiés que les autres salariés : 55 % d’entre eux ont exercé au moins un emploi d’ouvrier ou d’employé non qualifié dans l’année, contre 20 % des salariés à employeur unique. Ils sont en moyenne beaucoup plus jeunes : en 2014, 38 % ont moins de 30 ans contre 20 % des salariés à employeur unique. Enfin, l’emploi éclaté est nettement plus féminisé : 52 % contre 37 % (figure 1).
Cinq parcours‑types d’emploi éclaté se détachent (encadré 2) : 2 % des salariés ont une situation qui se stabilise au cours de l’année en débouchant sur un CDI ; 3 % enchaînent des contrats à durée limitée ; 3 % cumulent un CDI et des contrats à durée limitée et faible volume horaire (moins de 140 heures dans l’année) ; 4 % cumulent deux CDI ou plus ; enfin, 4 % combinent discontinuité et cumul.
tableauFigure 1 - Caractéristiques des salariés en emploi éclaté et unique en 2014
Emploi éclaté | Employeur unique ou non-emploi | Ensemble des salariés | |||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Enchaînement de contrats à durée limitée | Cumul d'un CDI et de contrats à durée limitée | Cumul de CDI | Combinaison discontinuité-cumul | Enchaînement contrat à durée limitée et CDI ou CDI et CDI | Ensemble emploi éclaté | Employeur unique | Bascule vers le non-emploi en 2014 (chômage ou inactivité, dont retraite) | ||
Répartition des salariés | 3 | 3 | 4 | 4 | 2 | 16 | 78 | 7 | 100 |
Proportion de femmes | 50 | 51 | 58 | 65 | 28 | 52 | 37 | 45 | 40 |
Âge en janvier 2014 | |||||||||
De 15 à 29 ans | 59 | 38 | 10 | 47 | 40 | 38 | 20 | 27 | 23 |
De 30 à 39 ans | 21 | 33 | 26 | 15 | 30 | 24 | 23 | 16 | 23 |
De 40 à 49 ans | 14 | 18 | 37 | 21 | 21 | 23 | 33 | 15 | 30 |
50 ans ou plus | 6 | 10 | 28 | 17 | 8 | 15 | 24 | 42 | 24 |
En formation initiale en janvier 2014 | 27 | 8 | 0 | 14 | 13 | 12 | 3 | 10 | 5 |
Plus haut diplôme | |||||||||
Aucun ou brevet des collèges | 3 | 4 | 26 | 16 | 13 | 13 | 11 | 14 | 12 |
CAP, BEP | 30 | 18 | 24 | 25 | 16 | 23 | 29 | 31 | 28 |
Niveau Bac | 22 | 27 | 20 | 22 | 17 | 22 | 20 | 28 | 21 |
Bac +2, Bac +3, Bac +4 | 33 | 25 | 24 | 19 | 31 | 26 | 27 | 17 | 26 |
Master ou plus | 12 | 21 | 5 | 16 | 23 | 15 | 12 | 8 | 12 |
Ne sait pas | 0 | 5 | 1 | 3 | 1 | 2 | 1 | 0 | 1 |
En 2014, au moins un emploi de… | |||||||||
Cadre | 8 | 29 | 12 | 17 | 30 | 18 | 19 | 11 | 18 |
Profession intermédiaire | 33 | 32 | 19 | 34 | 30 | 30 | 21 | 15 | 22 |
Employé qualifié | 51 | 55 | 27 | 58 | 27 | 44 | 20 | 10 | 23 |
Ouvrier qualifié | 27 | 22 | 19 | 28 | 27 | 24 | 25 | 17 | 25 |
Employé non qualifié | 34 | 40 | 42 | 50 | 19 | 38 | 12 | 17 | 16 |
Ouvrier non qualifié | 34 | 21 | 42 | 29 | 14 | 29 | 9 | 10 | 12 |
Ensemble emploi non qualifié | 60 | 53 | 60 | 62 | 28 | 55 | 20 | 27 | 26 |
Salaire net annuel médian (en euros)¹ | 12 900 | 18 400 | 20 300 | 11 600 | 20 300 | 15 700 | 22 500 | /// | 21 300 |
- 1. Le salaire annuel net n'est pas calculé en équivalent temps plein. Il dépend donc du nombre d'heures travaillées.
- /// : absence de résultat due à la nature des choses.
- Note : la somme des répartitions des catégories socioprofessionnelles sur l'année 2014 est aussi supérieure à 100 dans le cas d'un parcours chez un employeur unique, car un même salarié peut changer de profession/statut chez un même employeur.
- Lecture : 52 % des salariés en emploi éclaté en 2014 sont des femmes contre 37 % des salariés à employeur unique.
- Champ : ensemble des salariés en décembre 2013 des entreprises du champ Defis, voir encadré 1.
- Sources : Insee, déclarations annuelles de données sociales 2014 ; Céreq-France compétences, Defis, volet salariés, 2016.
Encadré 1 - L’emploi éclaté : définition, sources et champs
Définition de l’emploi « éclaté »
L’emploi éclaté est défini comme la situation professionnelle d’un salarié lié à plus d’un employeur au cours d’une année.
Cherchant un vocable à même de recouvrir l’emploi discontinu et la pluriactivité, le terme d’« emploi éclaté » est apparu comme le plus pertinent pour rendre compte de la pluralité des employeurs impliqués, sur de courtes périodes, dans les vies professionnelles des personnes concernées. Ce terme a fait l’objet d’une contribution commandée par le Commissariat général au Plan, dans le cadre de la préparation du 8e plan, en 1980 [Ouvrir dans un nouvel ongletBroudic P., Merle V., Vanderpotte G.,1982].
L’introduction aux deux textes qui composaient cette contribution s’achevait par : « C’est sans doute une des faiblesses de ces rapports que de ne pas avoir mieux distingué ce qui résulte de tendances à long terme et ce qui s’inscrit plus particulièrement dans la conjoncture de crise que nous traversons. »
Ce qui s’inscrivait en 1980 « dans la conjoncture de crise », s’est installé comme « tendance à long terme ». En 2014, 16 % des salariés relèvent d’une forme d’emploi « éclaté ».
Appariement des enquêtes Defis et des déclarations annuelles de données sociales
Le dispositif d’enquêtes Defis suit une cohorte de salariés sur plusieurs années. 10 915 individus ont répondu dans le cadre des vagues 1 et 2, sur lesquelles se fonde notre analyse. L’échantillon des salariés est représentatif de l’ensemble des salariés qui travaillaient en décembre 2013 dans les entreprises de 10 salariés ou plus, du secteur marchand (hors agriculture). L’enquête concerne un nombre plus restreint de secteurs pour les entreprises de 3 à 9 salariés. Le dispositif Defis fournit des informations socio‑démographiques concernant les salariés (sexe, âge, diplôme le plus élevé, situation familiale, etc.). Il permet aussi d’appréhender le parcours professionnel : périodes de chômage, d’inactivité, et « l’emploi principal ». Les salariés sont questionnés également sur leurs souhaits professionnels et l’appréciation qu’ils ont du poste qu’ils occupent. L’enquête Defis permet de confronter les formations suivies, les souhaits de formation dans les cinq ans à venir et les demandes formulées au cours des douze mois précédant l’enquête.
Les déclarations annuelles de données sociales (DADS) proviennent des déclarations faites chaque année par les entreprises aux administrations sociales. Les millésimes 2014 et 2015 ont été appariés aux enquêtes du dispositif Defis. Les 10 195 salariés du dispositif Defis ont été échantillonnés (voir supra). Ceci permet d’obtenir des informations concernant toutes les séquences d’emplois salariés des individus du champ : dates de début et de fin de séquence, volume horaire, type et nombre d’entreprises, profession et catégorie socioprofessionnelle du salarié, type de contrat et salaire net. Le salaire annuel net correspond à la somme des salaires perçus pendant l’année. Il n’est pas calculé en équivalent temps plein et dépend par conséquent du nombre d’heures travaillées. Ces informations permettent d‘identifier les périodes de cumul de salariat et d’enchaînement de séquences de salariat très courtes.
Encadré 2 - Méthodologie
Dans un premier temps, tous les salariés liés à plus d’un employeur au cours de l’année 2014 ont été sélectionnés. Dans un second temps, leurs itinéraires professionnels entre 2014 et 2015 ont été examinés pour déterminer le caractère durable ou non de cette situation.
Étape 1 : classification des parcours en 2014
Une méthode de classification combinant analyse factorielle et classification ascendante hiérarchique (CAH) permet d’identifier cinq parcours‑types d’emploi éclaté en 2014. Les indicateurs caractéristiques de ce type de parcours qui ont été intégrés à l’analyse permettent d‘apprécier le volume horaire travaillé en CDI et en contrat à durée limitée (CDD, intérim, etc.), le nombre de CDI et de contrats à durée limitée, le nombre d’employeurs au cours de l’année, le nombre de séquences de salariat de moins de 140 heures, ainsi que la part du temps de salariat durant laquelle le salarié travaille dans plusieurs entreprises simultanément.
Les parcours des salariés hors du champ de l’emploi éclaté en 2014 ont été appréhendés via une méthode de mesure de la dissemblance entre trajectoires appelée analyse harmonique qualitative (AHQ). Cette méthode combine aussi analyse factorielle et CAH mais elle se base ici sur des indicateurs construits à partir d’un calendrier mensuel des statuts professionnels. Elle intègre aussi un indicateur du nombre de changements de statut.
L’analyse typologique permet de distinguer cinq parcours‑types des personnes en emploi éclaté en 2014, c’est‑à‑dire ayant eu au moins deux employeurs au cours de l’année. Ces cinq parcours‑types sont :
- discontinuité du parcours ;
- cumul CDI et contrats à durée limitée et à faible volume horaire ;
- cumul de deux CDI ou plus ;
- combinaison discontinuité‑cumul, faite de contrats à faible volume horaire ;
- contrat à durée limitée‑CDI ou CDI‑CDI.
Étape 2 : reclassement de la population en emploi éclaté en 2014 en trois configurations d’emploi éclaté selon les itinéraires professionnels entre 2014 et 2015
Dans la seconde étape, la population initiale est redécoupée en étudiant l’itinéraire entre 2014 et 2015 des salariés en emploi éclaté en 2014.
L’examen des itinéraires de ces salariés appartenant à chacune des cinq classes ci‑dessus, permet d’identifier trois configurations :
- le transit qui regroupe les salariés en emploi éclaté en 2014 et à employeur unique en 2015 ;
- le complément d’activité durable qui regroupe des salariés en cumul de CDI et de contrats à durée limitée et faible volume horaire en 2014 et en 2015 ;
- la précarité durable qui regroupe les salariés en emploi éclaté en 2014 et 2015 (exceptée la configuration « complément d’activité »).
Deux configurations hors emploi éclaté sont identifiées :
- les salariés qui ont basculé vers le non‑emploi en 2014 ou en 2015 ; c’est‑à‑dire
tous les salariés de décembre 2013 (champ de Defis) pour lesquels l’année 2014 ou
2015 est principalement marquée par le chômage ou l’inactivité. Deux critères caractérisent
les bascules vers le non-emploi :
- le nombre d’employeurs : 0 ou 1 ;
- une période longue de chômage ou d’inactivité continue (au moins 6 mois), moins longue pour les retraités dont la situation est de nature à perdurer après la période d’observation ;
- les parcours chez un employeur unique qui regroupent tous les salariés en emploi unique en 2014 (exceptés ceux qui ont basculé vers le non‑emploi en 2015).
Les parcours conduisant à un CDI : des profils proches des salariés avec un employeur unique
En 2014, 2 % des salariés ont une situation qui se stabilise au cours de l’année : elle débouche sur un CDI chez un autre employeur, que leur situation initiale soit un contrat à durée limitée ou un CDI. Leur profil est proche de celui des salariés ayant un employeur unique, mais ils sont plus jeunes (40 % ont moins de 30 ans contre 20 % des salariés à employeur unique) et plus diplômés (54 % ont un diplôme d’un niveau supérieur ou égal à Bac +2 contre 39 % des salariés à employeur unique).
L’enchaînement de contrats à durée limitée concerne surtout les plus jeunes
En 2014, 3 % des salariés enchaînent des contrats à durée limitée. Cette succession de plusieurs contrats au cours de l’année, chez deux ou trois employeurs différents, est parfois entrecoupée de séquences de chômage. Ces salariés sont plus nombreux dans les secteurs des services administratifs et de soutien¹, du commerce, des industries agroalimentaires ou encore de l’hébergement‑restauration. Cet enchaînement concerne principalement des jeunes (59 % ont moins de 30 ans), parfois étudiants, le plus souvent diplômés de niveaux CAP‑BEP et Bac à Bac + 4. Leurs salaires annuels sont plus faibles que ceux des salariés à employeur unique.
En 2015, seuls 26 % d’entre eux sont toujours dans la même situation (figure 2). Ce type de parcours apparaît pour partie comme une voie de transit empruntée par des jeunes, en phase d’insertion dans la vie active, qui accèdent rapidement à un emploi durable plus conforme à leur qualification.
tableauFigure 2 - Caractéristiques des salariés en emploi éclaté en 2014 selon leur parcours en 2015
Parcours en 2014 | Enchaînement de contrats à durée limitée | Cumul d'un CDI et de contrats à durée limitée | Cumul de CDI | Combinaison discontinuité-cumul | Ensemble emploi éclaté | |||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Parcours en 2015 | Enchaînement de contrats à durée limitée | Employeur unique | Cumul d'un CDI et de contrats à durée limitée | Employeur unique | Cumul de CDI | Employeur unique | Combinaison discontinuité-cumul | Employeur unique | Emploi éclaté | Employeur unique |
Répartition parmi les salariés du parcours 2014 | 26 | 39 | 41 | 34 | 55 | 33 | 51 | 18 | 60 | 36 |
Proportion de femmes | 66 | 64 | 49 | 49 | 57 | 63 | 64 | 63 | 53 | 52 |
Âge des salariés en janvier 2014 | ||||||||||
De 15 à 29 ans | 64 | 62 | 15 | 56 | 2 | 20 | 26 | 66 | 33 | 45 |
De 30 à 39 ans | 6 | 23 | 47 | 29 | 25 | 25 | 17 | 19 | 23 | 27 |
De 40 à 49 ans | 18 | 12 | 30 | 7 | 46 | 27 | 27 | 11 | 27 | 18 |
50 ans ou plus | 13 | 3 | 8 | 8 | 28 | 28 | 30 | 4 | 17 | 10 |
Part de salariés toujours en formation initiale en janvier 2014 | 23 | 28 | 1 | 19 | 0 | 0 | 10 | 4 | 10 | 13 |
Plus haut diplôme | ||||||||||
Aucun ou brevet des collèges | 3 | 2 | 1 | 3 | 22 | 30 | 19 | 12 | 14 | 13 |
CAP, BEP | 27 | 25 | 7 | 30 | 25 | 19 | 25 | 17 | 25 | 20 |
Niveau Bac | 15 | 35 | 28 | 18 | 21 | 23 | 20 | 34 | 19 | 26 |
Bac +2, Bac +3, Bac +4 | 38 | 23 | 34 | 24 | 25 | 22 | 21 | 24 | 26 | 25 |
Master ou plus | 16 | 15 | 29 | 13 | 5 | 6 | 15 | 3 | 16 | 13 |
Ne sait pas | 0 | 0 | 1 | 12 | 1 | 0 | 1 | 10 | 1 | 3 |
Au cours de 2014, au moins un emploi de… | ||||||||||
Cadre | 7 | 5 | 47 | 13 | 9 | 20 | 26 | 9 | 19 | 18 |
Profession intermédiaire | 46 | 19 | 39 | 23 | 18 | 23 | 45 | 21 | 33 | 24 |
Employé qualifié | 54 | 72 | 58 | 49 | 25 | 30 | 57 | 45 | 45 | 43 |
Ouvrier qualifié | 22 | 11 | 18 | 33 | 11 | 28 | 30 | 36 | 23 | 26 |
Employé non qualifié | 45 | 40 | 30 | 41 | 43 | 37 | 49 | 34 | 42 | 32 |
Ouvrier non qualifié | 30 | 26 | 14 | 30 | 54 | 23 | 21 | 28 | 33 | 21 |
Ensemble emploi non qualifié | 69 | 58 | 39 | 60 | 66 | 46 | 59 | 43 | 61 | 43 |
Salaire net annuel médian en 2014 (en euros)¹ | 12 000 | 12 700 | 28 800 | 16 900 | 20 300 | 18 800 | 12 500 | 12 300 | 15 800 | 16 400 |
- 1. Le salaire annuel net n'est pas calculé en équivalent temp plein. Il dépend donc du nombre d'heures travaillées.
- Note : la somme des répartitions des catégories socioprofessionnelles sur l'année 2014 est aussi supérieure à 100 dans le cas d'un parcours chez un employeur unique car un même salarié peut changer de profession/statut chez un même employeur au cours de l'année.
- Ce tableau n'expose pas les caractéristiques des salariés qui, en 2015, ont transité vers un parcours marqué par le non-emploi ou vers un autre type de parcours d'emploi éclaté.
- Lecture : parmi les salariés qui ont enchaîné des contrats à durée limitée en 2014, 26 % suivent un parcours identique en 2015 et 39 % ont désormais un employeur unique. 69 % des salariés qui enchaînent des contrats à durée limitée en 2014 et en 2015 ont eu au moins un emploi non qualifié.
- Champ : ensemble des salariés en décembre 2013 des entreprises du champ Defis en emploi éclaté en 2014 qui restent dans le même parcours en 2015 ou qui transitent vers un employeur unique, voir encadré 1.
- Sources : Insee, déclarations annuelles de données sociales 2014 ; Céreq-France compétences, Defis, volet salariés, 2016.
Le cumul d’un CDI et de contrats à durée limitée et à faible volume horaire concerne des salariés plutôt qualifiés et diplômés
En 2014, 3 % des salariés cumulent un CDI et au moins un contrat à durée limitée. Comparés aux autres salariés en emploi éclaté, ils sont plus diplômés (46 % de diplômés du supérieur) et plus souvent cadres (29 % contre 18 % pour l’ensemble). Ils travaillent plus souvent dans des activités scientifiques et techniques², l’enseignement ou encore la santé, l’action sociale et le commerce.
En 2015, 41 % d’entre eux sont toujours dans la même situation. Parmi ceux‑ci, 77 % ont entre 30 et 49 ans et près des deux tiers sont diplômés du supérieur. Il s’agit pour une large part de salariés complétant un CDI par des interventions ponctuelles, en tant qu’expert ou formateur. Cela explique leur salaire annuel médian plus élevé que celui des autres salariés en emploi éclaté. Ceux qui sortent de cette situation pour un salariat à employeur unique, sont plus souvent des jeunes en période d’insertion : 56 % de ceux qui sont passés chez un employeur unique ont au plus 30 ans.
Le cumul de deux CDI, parfois plus, concerne plutôt des emplois non qualifiés
En 2014, 4 % des salariés cumulent deux CDI, parfois plus de deux. Ils sont plus âgés que les autres salariés en emploi éclaté mais aussi que les salariés à employeur unique (près des deux tiers ont 40 ans ou plus), moins diplômés, et exercent plus souvent dans le secteur des services administratifs et de soutien (dont l’intérim), celui de l’hébergement‑restauration, ou encore sont employés directement par un particulier pour des activités d’aide à domicile.
En 2015, 55 % d’entre eux sont toujours dans la même situation. Ces derniers sont encore plus âgés (74 % ont 40 ans ou plus) et leurs emplois sont souvent moins qualifiés. Ceux qui en sortent sont plus jeunes et plus diplômés.
Une combinaison discontinuité‑cumul, faite de contrats à faible volume horaire : plus de femmes
En 2014, 4 % des salariés combinent discontinuité et cumul : ils cumulent et/ou enchaînent de nombreuses séquences d’emploi courtes correspondant à des contrats à faible volume horaire, pour un grand nombre d’employeurs. Les deux tiers sont des femmes. Cette situation correspond à deux populations très différentes : soit il s’agit de salariés sur des emplois non qualifiés (62 %), soit, pour certains d’entre eux, de salariés sur des emplois plus qualifiés, voire hautement qualifiés. Les secteurs des services administratifs et de soutien, de la santé et de l’action sociale, de l’hébergement‑restauration, mais aussi des activités scientifiques et techniques, leur font une large place.
Si les jeunes, parfois étudiants, sont les plus concernés par ce type d’emploi éclaté en 2014, ils sont aussi beaucoup plus nombreux à en sortir : 66 % des sortants ont au plus 30 ans. En revanche, les plus âgés restent plus souvent dans ce parcours : 57 % des restants ont plus de 40 ans. Ce type d’emploi éclaté correspond à trois types de situations selon la position dans le cycle de vie : un primo‑positionnement pour les jeunes diplômés, voire pour les étudiants (et pour ces derniers, il est souvent choisi) ; une situation dont les moins qualifiés peinent à s’extraire, quel que soit leur âge ; enfin, une voie de sortie du marché du travail pour les seniors en fin de vie active qui demeurent en emploi éclaté faute de retrouver un emploi durable.
Selon son caractère plus ou moins durable, l’emploi éclaté s’inscrit dans trois voies distinctes
60 % des salariés en emploi éclaté en 2014 sont toujours dans cette situation l’année d’après (figure 2). Pour chaque profil‑type, la question du maintien dans l’emploi éclaté d’une année sur l’autre est déterminante pour distinguer les situations. Les forces d’inertie inégales des différents types d’emploi éclaté tiennent aux profils des personnes (notamment âge et niveau de diplôme), mais aussi aux champs professionnels dans lesquels ils évoluent. Finalement, quel que soit le profil‑type de 2014, les itinéraires observés correspondent à trois configurations d’emploi éclaté (encadré 2) : celle du transit, comprenant l’insertion des jeunes dans la vie active (5,7 % des salariés en 2014), celle du complément d’activité (1,2 %) et enfin celle de l’emploi éclaté durablement précaire (8,3 %) (au sens où ils restent dans cette configuration pendant deux ans)³ (figure 3).
graphiqueFigure 3 - Cinq configurations de parcours 2014 et 2015
5,7 % des salariés sont en « emploi éclaté de transit ». Pour eux, l’emploi éclaté est une étape transitoire vers le salariat unique : en emploi éclaté en 2014 (quelle qu’en soit la forme), les salariés concernés ne le sont plus en 2015. Ces salariés sont plus jeunes que les autres salariés en emploi éclaté : en 2014, 45 % d’entre eux ont moins de 30 ans (figure 4). À l’opposé, les plus de 50 ans ne représentent que 10 % de cette catégorie, alors qu’ils composent 15 % de l’ensemble des salariés en emploi éclaté en 2014.
Les autres salariés sont en emploi éclaté durable : ils l’étaient en 2014 et le sont toujours en 2015. Parmi eux, une catégorie rassemble ceux dits en « emploi éclaté de complément » : ces salariés en CDI complètent leur emploi principal par une activité ponctuelle et/ou de moindre ampleur [Ouvrir dans un nouvel ongletSimic et al., 2002]. Elle rassemble 1,2 % des salariés. Ils sont plus diplômés que les salariés avec un employeur unique : près des deux tiers d’entre eux ont un diplôme de niveau Bac +2 ou plus. Ils sont également plus souvent d’âges médians : 77 % d’entre eux ont de 30 à 49 ans et les plus âgés ne représentent que 8 % de cette catégorie. Leur rémunération annuelle médiane est relativement plus élevée (28 800 euros en 2014) que celle des salariés relevant des autres configurations et des salariés à employeur unique⁴ (22 600 euros en 2014 pour ces derniers).
Enfin, une autre configuration rassemble les salariés dits en « emploi éclaté durablement précaire » : ces salariés restent en emploi éclaté, sans qu’il s’agisse de compléter un CDI par une activité ponctuelle. Cette catégorie rassemble 8,3 % des salariés. Le caractère « précaire » renvoie aux profils‑types des salariés concernés ainsi qu’au type de contrats et aux salaires ; il suggère que les personnes concernées les subissent plus qu’elles ne les choisissent. Ainsi, il s’agit pour une large part de salariés exerçant des emplois non qualifiés (64 %), dans des secteurs recourant intensément aux contrats à durée limitée, comme l’hébergement‑restauration (12 %). Ainsi, l’emploi éclaté peut devenir durable en raison du champ professionnel où le recours à l’intermittence [Ouvrir dans un nouvel ongletD’Agostino et Théry, 2016] et à la saisonnalité [Ouvrir dans un nouvel ongletLimon, 2019] est important, ou encore où le turn‑over est élevé [Ouvrir dans un nouvel ongletNkuitchou Nkouatchet, 2005]. Le maintien en emploi éclaté durablement précaire tient également à l’âge. 35 % ont au plus 30 ans : l’emploi éclaté durablement précaire correspond aux situations professionnelles plus instables des jeunes, notamment les étudiants qui exercent des activités salariées parallèlement à la poursuite de leurs études [Ouvrir dans un nouvel ongletPinto, 2014]. Les étudiants représentent ainsi 11 % des salariés en emploi éclaté durablement précaire en 2014. Par ailleurs, 18 % des personnes en emploi éclaté durablement précaire ont 50 ans ou plus ; cette situation correspond au repositionnement contraint des salariés les plus âgés qui y restent durablement, faute de retrouver un emploi standard après une rupture professionnelle [Ouvrir dans un nouvel ongletD’Amours et al., 2002].
La suite de ce dossier porte sur les salariés en emploi éclaté en 2014 et toujours en emploi en 2015, reclassés selon les trois configurations définies sur la base de leurs parcours en 2014 et 2015, soit : l’emploi éclaté de transit, l’emploi éclaté de complément et l’emploi éclaté durablement précaire.
tableauFigure 4 - Caractéristiques des salariés selon la configuration du parcours 2014 et 2015
Emploi éclaté durablement précaire | Emploi éclaté de transit | Emploi éclaté de complément durable | Employeur unique en 2014¹ | Ensemble des salariés | |
---|---|---|---|---|---|
Proportion de femmes | 54 | 52 | 49 | 37 | 40 |
Âge des salariés en janvier 2014 | |||||
Entre 15 et 29 ans | 35 | 45 | 15 | 20 | 23 |
Entre 30 et 39 ans | 20 | 27 | 47 | 24 | 23 |
Entre 40 et 49 ans | 26 | 18 | 30 | 34 | 30 |
50 ans ou plus | 18 | 10 | 8 | 23 | 24 |
Part de salariés en formation initiale en janvier 2014 | 11 | 13 | 1 | 3 | 5 |
Plus haut diplôme | |||||
Aucun ou brevet des collèges | 15 | 13 | 1 | 11 | 12 |
CAP, BEP | 27 | 20 | 7 | 29 | 28 |
Niveau Bac | 18 | 26 | 28 | 20 | 21 |
Bac +2, Bac +3, Bac +4 | 25 | 25 | 34 | 27 | 26 |
Master ou plus | 14 | 13 | 29 | 13 | 12 |
Ne sait pas | 1 | 3 | 1 | 1 | 1 |
Au cours de 2014, au moins un emploi de… | |||||
Cadre | 15 | 18 | 47 | 19 | 18 |
Profession intermédiaire | 33 | 24 | 39 | 20 | 22 |
Employé qualifié | 43 | 43 | 58 | 20 | 23 |
Ouvrier qualifié | 24 | 26 | 18 | 25 | 25 |
Employé non qualifié | 43 | 32 | 30 | 12 | 13 |
Ouvrier non qualifié | 36 | 21 | 14 | 9 | 12 |
Ensemble emploi non qualifié | 64 | 43 | 39 | 20 | 23 |
Salaire net annuel médian en 2014 (en euros)² | 14 500 | 16 400 | 28 800 | 22 600 | 21 300 |
- 1. Hors ceux qui basculent en non-emploi en 2015.
- 2. Le salaire annuel net n'est pas calculé en équivalent temp plein. Il dépend donc du nombre d'heures travaillées.
- Note : la somme des répartitions des catégories socioprofessionnelles sur l'année 2014 est aussi supérieure à 100 dans le cas d'un parcours chez un employeur unique car un même salarié peut changer de profession/statut chez un même employeur au cours de l'année. Par ailleurs, pour des raisons de lisibilité du tableau, la colonne concernant la configuration de parcours marqué par le non-emploi n'est pas présentée. Le champ de l'ensemble des salariés concerne aussi ces salariés.
- Lecture : 13 % des salariés en emploi éclaté de transit n'ont pas de diplôme ou le brevet des collèges.
- Champ : ensemble des salariés en décembre 2013 des entreprises du champ Defis, voir encadré 1.
- Sources : Insee, déclarations annuelles de données sociales 2014 ; Céreq-France compétences, Defis, volet salariés, 2016.
Les souhaits professionnels et les appréciations portées sur l’emploi occupé dépendent étroitement des configurations d’emploi
En 2015, interrogés sur leurs souhaits d’évolution professionnelle pour les cinq ans à venir, les salariés, dans leur ensemble, envisagent prioritairement une « évolution du contenu de leur activité » (68 %), de « prendre davantage de responsabilités » (53 %) ou encore de se « laisser plus de temps pour leur vie personnelle » (52 %) (figure 5). Ces proportions varient toutefois selon les configurations d’emploi. Les souhaits professionnels formulés sont très liés aux appréciations portées sur les conditions d’exercice de l’emploi (conditions de travail et satisfaction perçues)⁵.
Les salariés en emploi éclaté durablement précaire déclarent plus souvent avoir des conditions de travail pénibles. 64 % ont des horaires décalés et 67 % des gestes répétitifs (contre respectivement 49 % et 51 % pour les salariés à employeur unique). 28 % soulignent le risque de perte d’emploi qui les menace (18 % des salariés en emploi unique). Aussi, ils envisagent plus souvent « de trouver un emploi ou de changer d’entreprise » (52 % contre 38 % des salariés à employeur unique). Le souhait d’intégrer la fonction publique est également plus fréquent : 31 % contre 21 % pour les salariés à employeur unique⁶.
Les salariés en emploi éclaté de transit formulent le plus souvent une appréciation intermédiaire entre celle des salariés en emploi éclaté durablement précaire et celle avec employeur unique. Ils se particularisent en éprouvant plus souvent de l’ennui dans leur travail (20 % contre 11 % des salariés à employeur unique), de la non‑satisfaction dans leur situation professionnelle (39 %) et une propension beaucoup plus forte que les autres catégories à souhaiter trouver un emploi ou changer d’entreprise : 64 % contre 38 % à employeur unique.
Enfin, les salariés en emploi éclaté de complément ont des appréciations bien plus positives de leur situation que les autres salariés en emploi éclaté mais aussi que les salariés avec employeur unique. Ainsi, seuls 27 % d’entre eux ont des conditions de travail pénibles et 75 % déclarent utiliser pleinement leurs compétences (contre respectivement 41 % et 70 % de ceux avec employeur unique). Ils sont aussi plus ambitieux : 69 % d’entre eux souhaitent gagner en responsabilités, contre 53 % de ceux à employeur unique.
tableauFigure 5 - Souhaits d'évolution professionnelle, sécurité d'emploi et satisfaction des salariés
Emploi éclaté durablement précaire | Emploi éclaté de transit | Emploi éclaté de complément durable | Employeur unique en 2014¹ | Ensemble des salariés | |
---|---|---|---|---|---|
Sécurité d'emploi perçue | |||||
Le salarié déclare un risque de perte d'emploi dans l'année suivante | 28 | 26 | 15 | 18 | 21 |
Conditions de travail et satisfaction perçues | |||||
… a régulièrement des horaires décalés, irréguliers ou travaille de nuit | 64 | 64 | 61 | 49 | 52 |
…son travail consiste à répéter une même série de gestes | 67 | 68 | 40 | 51 | 54 |
... utilise pleinement ses compétences | 66 | 61 | 75 | 70 | 69 |
... s'ennuie souvent dans son travail | 13 | 20 | 10 | 11 | 12 |
... conditions de travail pénibles | 46 | 45 | 27 | 41 | 43 |
… est non satisfait de sa situation professionnelle | 30 | 39 | 20 | 22 | 24 |
Souhaits des salariés dans les 5 prochaines années | |||||
Prendre davantage de responsabilités | 53 | 57 | 69 | 53 | 53 |
Faire évoluer le contenu de son activité | 59 | 73 | 75 | 70 | 68 |
Changer de métier ou de profession | 39 | 44 | 29 | 35 | 36 |
Trouver un emploi ou changer d'entreprise | 52 | 64 | 56 | 38 | 42 |
Intégrer la fonction publique | 31 | 25 | 24 | 21 | 22 |
Créer son entreprise | 22 | 21 | 23 | 17 | 18 |
Avoir plus de temps pour sa vie personnelle | 46 | 48 | 39 | 54 | 52 |
- 1. Hors ceux qui basculent en non-emploi en 2015.
- Note : pour des raisons de lisibilité du tableau, la colonne concernant la configuration de parcours marqué par le non-emploi n'est pas présentée. Le champ de l'ensemble des salariés concerne aussi ces salariés.
- Lecture : 45 % des salariés en emploi éclaté de transit déclarent des conditions de travail pénibles. 64 % déclarent souhaiter trouver un emploi ou changer d'entreprise.
- Champ : ensemble des salariés en décembre 2013 des entreprises du champ Defis, voir encadré 1.
- Sources : Insee, déclarations annuelles de données sociales 2014 ; Céreq-France compétences, Defis, volet salariés, 2016.
La demande effective de formation tient à une accessibilité différente selon les configurations d’emploi
Passer du souhait de formation à la demande ne va pas de soi. En témoigne la confrontation des souhaits mis en avant et des demandes de formation formulées, qui ne coïncident pas : 68 % des salariés déclarent souhaiter se former dans les cinq ans à venir, mais seuls 29 % en ont formulé la demande au cours des douze mois précédant l’enquête (figures 6 et 7). Ces écarts varient selon les configurations d’emploi : les salariés en emploi éclaté durablement précaire, proches de la moyenne en matière de souhait (66 %), formulent nettement moins de demandes que la moyenne ; c’est le cas de 17 % d’entre eux contre 32 % des salariés avec employeur unique.
Comment expliquer ces différences ? D’une part, l’information sur les formations est inégalement partagée. Si 20 % de l’ensemble des salariés déclarent ne pas avoir été informés de leurs droits à la formation, la proportion grimpe à 35 % pour les salariés en emploi éclaté durablement précaire, soit deux fois plus que pour les salariés à employeur unique (18 %). D’autre part, demander une formation tient pour partie à l’information mais aussi, une fois informé, à la possibilité de faire la demande. Or, 41 % des salariés en emploi éclaté durablement précaire déclarent être dans l’impossibilité de formuler une demande de formation, contre 27 % en moyenne et 22 % pour les salariés à employeur unique.
tableauFigure 6 - Souhaits de formation selon la configuration de parcours d'emploi éclaté
Emploi éclaté durablement précaire | 66 |
---|---|
Emploi éclaté de transit | 71 |
Emploi éclaté de complément durable | 90 |
Employeur unique en 2014¹ | 69 |
Ensemble des salariés | 68 |
- 1. Hors ceux qui basculent en non-emploi en 2015.
- Note : pour des raisons de lisibilité, la colonne concernant la configuration de parcours marqué par le non-emploi n'est pas présentée. Le champ de l'ensemble des salariés concerne aussi ces salariés.
- Lecture : 66 % des salariés en emploi éclaté durablement précaire déclarent souhaiter se former dans les 5 années suivant l'interrogation.
- Champ : ensemble des salariés en décembre 2013 des entreprises du champ Defis, voir encadré 1.
- Sources : Insee, déclaration annuelle de données sociales 2014 ; Céreq-France compétences, Defis, volet salariés, 2016.
graphiqueFigure 6 - Souhaits de formation selon la configuration de parcours d'emploi éclaté
tableauFigure 7 - Demandes de formation et information des salariés selon la configuration de parcours d'emploi éclaté
Emploi éclaté durablement précaire | Emploi éclaté de transit | Emploi éclaté de complément durable | Employeur unique en 2014¹ | Ensemble des salariés | |
---|---|---|---|---|---|
A formulé une demande de formation au cours de l'année précédente | 17 | 21 | 25 | 32 | 29 |
Déclare ne pas pouvoir faire de demandes de formation | 41 | 44 | 35 | 22 | 27 |
Déclare ne pas être informé des possibilités de formation | 35 | 23 | 12 | 18 | 20 |
- 1. Hors ceux qui basculent en non-emploi en 2015.
- Note : pour des raisons de lisibilité, la colonne concernant la configuration de parcours marqué par le non-emploi n'est pas présentée. Le champ de l'ensemble des salariés concerne aussi ces salariés.
- Lecture : 17 % des salariés en emploi éclaté durablement précaire déclarent avoir fait une demande de formation au cours de l'année précédente.
- Champ : ensemble des salariés en décembre 2013 des entreprises du champ Defis, voir encadré 1.
- Sources : Insee, déclarations annuelles de données sociales 2014 ; Céreq-France compétences, Defis, volet salariés, 2016.
graphiqueFigure 7 - Demandes de formation et information des salariés selon la configuration de parcours d'emploi éclaté
1,5 fois moins de chance de se former pour les salariés en emploi éclaté durablement précaire que pour les salariés à employeur unique
Globalement, quel que soit l’itinéraire professionnel, « la formation va à la formation » : la probabilité de se former s’élève significativement avec le niveau du diplôme initial [Ouvrir dans un nouvel ongletLambert et Marion‑Vernoux, 2014]. Les diplômés de Master ou plus ont 1,4 fois plus de chance de se former que les titulaires du seul baccalauréat (figure 8).
Ceci étant, toutes choses égales par ailleurs (âge, diplôme, catégorie socioprofessionnelle, volume d’heures travaillées, etc.), la probabilité d’accès à la formation varie selon la configuration d’emploi. Ainsi, les salariés en emploi éclaté durablement précaire ont une bien moindre probabilité d’accès à la formation que leurs homologues relevant d’une autre configuration : sur la période 2014‑2015, ils ont 1,5 fois moins de chance de se former que les salariés à employeur unique. La situation professionnelle, et non pas seulement le profil des salariés, explique pour une large part les écarts observés. Ces constats corroborent les travaux examinant la formation selon le type de parcours [Ouvrir dans un nouvel ongletMelnik‑Olive et Stephanus, 2019].
tableauFigure 8 - Probabilité pour les salariés d'avoir été formés en 2014 ou 2015
Odds ratio | |
---|---|
Niveau de diplôme | |
Aucun diplôme ou brevet | 0,7* |
CAP, BEP | 0,7** |
Niveau Bac | Réf. |
Bac +2, bac +3, bac +4 | ns |
Master ou plus | 1,4** |
Configuration d'emploi éclaté | |
Emploi éclaté durablement précaire | 0,7* |
Emploi éclaté de transit | ns |
Emploi éclaté de complément durable | ns |
Employeur unique en 2014¹ | Réf. |
Parcours de non-emploi | 0,7* |
- 1. Hors ceux qui basculent en non-emploi en 2015.
- Note : les rapports de chance sont étudiés toutes choses égales par ailleurs. Sont prises en compte, en plus des résultats présentés ici le sexe, l'âge ainsi que les caractéristiques des emplois : PCS, secteur d'activité, type de contrat et nombre d'heures travaillées.
- * : significatif à 10 % ; ** : significatif à 5 % ; ns : non significatif.
- Lecture : les salariés en emploi éclaté durablement précaire ont moins de chance d'avoir été formés en 2014 et 2015 que les salariés à employeur unique.
- Champ : ensemble des salariés en décembre 2013 des entreprises du champ Defis, voir encadré 1.
- Sources : Insee, déclarations annuelles de données sociales 2014 ; Céreq-France compétences, Defis, volet salariés, 2016.
La proportion de salariés ayant suivi exclusivement des formations obligatoires et réglementaires varie du simple au triple selon la configuration d’emploi
20 % des salariés formés ne l’ont été que sous le coup d’une obligation réglementaire. Pour les salariés en emploi éclaté, la participation à des formations exclusivement réglementaires (habilitations, formations « hygiène et sécurité ») varie du simple au triple selon la configuration d’emploi. Ainsi, seuls 8 % des salariés en emploi éclaté de complément formés et 16 % des salariés en emploi éclaté durablement précaire formés n’ont suivi que des formations réglementaires, contre 20 % des salariés avec employeur unique et 26 % des salariés en emploi éclaté de transit (figure 9). De fait, les entreprises de services, surreprésentées au sein de la configuration des salariés en emploi éclaté durablement précaire, sont celles qui financent le moins de formations réglementaires⁷ [Ouvrir dans un nouvel ongletBeraud, 2018].
tableauFigure 9 - Type de formation suivie selon les configurations de parcours d'emploi éclaté
Emploi éclaté durablement précaire | Emploi éclaté de transit | Emploi éclaté de complément durable | Employeur unique en 2014¹ | Ensemble des salariés | |
---|---|---|---|---|---|
Part des formés ayant suivi exclusivement des formations réglementaires | 16 | 26 | 8 | 20 | 20 |
Salariés formés ayant suivi au moins une formation dont l'objectif est | |||||
être plus efficace au travail | 73 | 86 | 83 | 78 | 78 |
accompagner un changement dans son activité | 60 | 69 | 55 | 47 | 49 |
prendre davantage de responsabilités | 44 | 46 | 42 | 38 | 39 |
changer de métier ou profession | 27 | 20 | 10 | 12 | 15 |
éviter de perdre son emploi | 7 | 14 | 4 | 10 | 10 |
mieux connaître son environnement de travail | 75 | 62 | 41 | 63 | 63 |
renforcer l'esprit d'équipe | 47 | 36 | 27 | 37 | 37 |
trouver un emploi ou créer une entreprise | 16 | 12 | 1 | 7 | 9 |
Salariés formés ayant suivi au moins une formation en | |||||
Droit individuel à la formation (DIF) | 11 | 10 | 28 | 20 | 20 |
Congé individuel de formation (CIF) | 6 | 2 | 2 | 4 | 4 |
- 1. Hors ceux qui basculent en non-emploi en 2015.
- Note : pour des raisons de lisibilité du tableau, la colonne concernant la configuration de parcours marqué par le non-emploi n'est pas présentée. Le champ de l'ensemble des salariés concerne aussi ces salariés.
- Champ : ensemble des salariés en décembre 2013 des entreprises du champ Defis qui ont été formés entre janvier 2014 et l'été 2015, voir encadré 1.
- Sources : Insee, déclarations annuelles de données sociales 2014 ; Céreq-France compétences, Defis, volet salariés, 2016.
Les objectifs des formations suivies résonnent avec les configurations et les souhaits professionnels
Les actions de formation, définies par des objectifs, des modalités et des durées diversifiées composent un ensemble hétérogène [Ouvrir dans un nouvel ongletLambert et Marion‑Vernoux et al., 2014]. En témoignent plus particulièrement les objectifs des formations suivies.
Pour les salariés qui ont bénéficié d’une ou de plusieurs actions de formation, la hiérarchie des objectifs assignés à la formation diffère peu selon les configurations d’emploi éclaté. Les actions d’adaptation au poste de travail, orientées par un enjeu de professionnalisation, sont plus souvent citées : « être plus efficace au travail » (78 %) et « mieux connaître son environnement de travail » (63 %). A contrario, les actions orientées par un enjeu de sécurisation de l’emploi « éviter de perdre son emploi (10 %) et « trouver un emploi ou créer une entreprise » (9 %) sont globalement peu citées.
Cependant, la configuration d’emploi imprime sa marque sur les objectifs visés qui résonnent avec les situations et les souhaits professionnels. Soumis à des mobilités externes récurrentes, les salariés en emploi éclaté durablement précaire suivent plus souvent des formations en lien avec le changement professionnel : pour « accompagner un changement dans son activité » (60 % contre 49 % en moyenne), « changer de métier ou de profession » (27 % contre 15 % en moyenne), « trouver un emploi ou créer une entreprise » (16 % contre 9 % en moyenne). Ils se forment moins souvent par le biais du Droit individuel à la formation⁸ (11 % contre 20 % des salariés formés en moyenne)⁹. Quant aux salariés en emploi éclaté de transit, ils se démarquent de la tendance générale avec des parts de formations visant à « être plus efficace dans son travail » (86 %) ou encore à « accompagner un changement dans votre activité » (69 %) très supérieures à la moyenne.
Définitions
Contrats à durée limitée : contrat à durée déterminée (CDD), contrat d’intérim, occasionnel, à l’acte, contrat aidé, d’apprentissage, de service civique, convention de stage et autres contrats de travail temporaire. Le contour des contrats à durée limitée est donc ici un peu plus large que dans le reste de l’ouvrage (voir annexe Glossaire), puisqu’il va au‑delà des CDD, de l’intérim et de l’apprentissage.
Contrats à faible volume horaire : tous les contrats dont le volume horaire travaillé sur l’année est égal ou inférieur à 140 heures. Il peut s’agir de CDI.
Beraud D., « Ouvrir dans un nouvel ongletLes formations obligatoires : bénéficiaires, mode d’organisation, place dans l’entreprise – Exploitation du volet « salariés » de l’enquête Defis », Céreq Études n° 16, juin 2018.
D’Agostino A., Théry M., « Ouvrir dans un nouvel ongletLa pluriactivité dans le spectacle vivant, quels effets sur la précarité salariale ? », Céreq Bref n° 343, mars 2016.
D’Amours M., avec la collaboration de Lachance E., Crespo S., Lesemann F., « Ouvrir dans un nouvel ongletDiversification et fragmentation du travail. Le passage de l’emploi salarié typique à des formes de travail atypique chez les travailleurs de plus de 45 ans », Cahiers du CRISES, coll. « Études théoriques » n° ET0204, avril 2002.
Fournier C., Lambert M., Marion‑Vernoux I., « À quoi rêvent les jeunes salariés ? Qualité du travail, aspirations professionnelles et souhaits de mobilité des moins de 30 ans », Économie et Statistique, Insee, juillet 2020.
Guillaneuf J., « Changer d’emploi : un projet aux motivations diverses mais qui se concrétise peu à court terme », in Emploi, chômage, revenus du travail, coll. « Insee Références », édition 2018.
Lambert M., Marion I. (coord.) et al., Ouvrir dans un nouvel ongletQuand la formation continue – Repères sur les pratiques de formation des employeurs et des salariés, Céreq, avril 2014.
Limon É., « Ouvrir dans un nouvel ongletQuelle place occupe l’emploi saisonnier en France ? », Dares Analyses n° 057, décembre 2019.
Melnik‑Olive É., Stephanus C., « Ouvrir dans un nouvel ongletLa formation en entreprise accompagne les promotions mais fait défaut aux plus fragiles », Céreq Bref n° 374, mars 2019.
Meunier F., Novelli A., « Ouvrir dans un nouvel ongletEmploi éclaté hommes dissociés ? », Économie et planification, La documentation française, Paris, 1982.
Nkuitchou Nkouatchet R., « Ouvrir dans un nouvel ongletLa précarité de l’emploi au service de la prospérité du fast-food », Sociologie du travail Volume 47. Issue 4, p. 470‑484, octobre‑décembre 2005.
Pinto V., Ouvrir dans un nouvel ongletÀ l’école du salariat, les étudiants et leurs petits boulots, coll. « Le lien social », éditions PUF, Paris, 2014.
Simic M., Sethi S., “Ouvrir dans un nouvel ongletPeople with second jobs”, Labour market trends, Office for National Statistics, p. 239‑247, London, May 2002.
Stephanus C., « Ouvrir dans un nouvel ongletTrajectoires professionnelles et dynamiques de formation des salariés – Suivi longitudinal de l’enquête DEFIS : premiers indicateurs 2013‑2016 », Céreq Études n° 17, juin 2018.
1. Les services administratifs et de soutien comprennent l’intérim mais aussi les services liés à la sécurité, au nettoyage, les centres d’appels, les organisations de salons professionnels et congrès, etc.
2. Ces activités recouvrent les activités juridiques et comptables, le conseil de gestion, la recherche et développement, la publicité et d’autres types de conseils et expertises.
3. Les salariés transitant vers des parcours marqués par le non‑emploi en 2015 ont été exclus du champ (0,6 %).
4. La référence retenue est la cohorte des salariés à employeur unique en 2014. Sont exclus les salariés de 2014 qui basculent, en 2015, en parcours de non‑emploi. En effet, il s’agit ici de comparer la situation des seules personnes en emploi.
5. Cela rejoint les conclusions d’une récente étude sur les aspirations des salariés en lien avec leurs conditions de travail [Fournier et al., 2020].
6. Ce qui rejoint les conclusions de Guillaneuf [2018].
7. Ces secteurs sont également ceux où sont moins imposées de formations réglementaires, à l’exception de la restauration.
8. Remplacé par le compte personnel de formation en 2015.
9. En raison, notamment, de leur récent passé professionnel qui fait que leurs comptes sont moins crédités que ceux de la grande majorité des salariés à employeur unique.