Insee Flash Ile-de-FranceEntre 2013 et 2015, les écarts de revenus se sont creusés entre départements franciliens

Théodora Allard

En Île-de-France, le niveau de vie médian est le plus élevé de toutes les régions métropolitaines en 2015, mais les inégalités y restent également les plus fortes. Celles-ci ont peu évolué entre 2013 et 2015 à l’échelle de la région, mais se sont accentuées entre les départements. En effet, le niveau de vie a davantage progressé dans les départements franciliens les plus favorisés que dans les autres, tant pour les ménages les plus modestes que pour les plus aisés.

Théodora Allard
Insee Flash Ile-de-France No 39- Février 2019

Le niveau de vie le plus élevé de France

En 2015, la moitié des Franciliens dispose d’un de plus de 1 880 € mensuels, soit 22 600 € annuels. Ce niveau de vie annuel médian, le plus élevé des régions de France, est supérieur de 2 000 € à celui observé au niveau national (figure 1). Toutefois, entre 2013 et 2015, il a augmenté plus modérément pour les Franciliens (+ 260 €) que pour l’ensemble des Français (+ 380 €).

Figure 1Un niveau de vie plus élevé en Île-de-France qu'en France métropolitaine, mais une plus forte pauvreté

Un niveau de vie plus élevé en Île-de-France qu'en France métropolitaine, mais une plus forte pauvreté
Niveau de vie annuel médian (en €) Rapport interdécile (D9/D1) Taux de pauvreté (en %)
2013 2015 2013 2015 2013 2015
Paris 25 980 26 430 6,6 6,5 16,2 16,2
Hauts-de-Seine 25 790 26 230 4,9 5,0 12,1 12,4
Yvelines 25 420 25 620 3,9 3,9 9,3 9,7
Essonne 22 820 22 980 3,6 3,6 12,3 12,9
Seine-et-Marne 22 010 22 340 3,2 3,2 11,4 11,8
Val-de-Marne 21 530 21 730 4,2 4,2 15,8 16,8
Val-d'Oise 20 780 21 000 3,8 3,7 16,7 17,1
Seine-Saint-Denis 16 750 16 760 4,0 4,0 27,8 29,0
Île-de-France 22 380 22 640 4,5 4,5 15,0 16,0
France métropolitaine 20 190 20 570 3,5 3,5 14,5 14,9
  • Source : Insee, FiLoSoFi 2013 et 2015.

Des disparités de niveaux de vie encore plus fortes entre les départements franciliens

En 2015, l’Île-de-France reste la région française la plus inégalitaire. Elle est composée de départements où le niveau de vie médian est le plus élevé de France métropolitaine (Paris, Hauts-de-Seine, Yvelines, Essonne et Seine-et-Marne), mais également de celui où il est le plus faible (Seine-Saint-Denis). De même, le niveau de vie au-dessus duquel se trouvent les 10 % des ménages les plus aisés est 4,5 fois supérieur à celui au-dessous duquel figurent les 10 % les plus modestes, soit un point de plus qu’au niveau national.

Entre 2013 et 2015, ce rapport interdécile est stable en Île-de-France, comme en France. Il évolue peu dans la plupart des départements franciliens, reflétant une stabilité des inégalités au sein même des territoires. Cependant, les inégalités ont plutôt tendance à s’accentuer entre ces départements en raison de dynamiques spatiales et sociales différenciées, affectant l’ensemble des ménages, qu’ils soient aisés ou modestes.

Un niveau de vie médian en hausse dans les départements les plus favorisés

Ainsi, les niveaux de vie annuels ont davantage progressé dans les départements où ils étaient déjà les plus élevés (+ 450 € pour le niveau de vie médian à Paris et dans les Hauts-de-Seine, + 330 € en Seine-et-Marne), pour les populations les plus modestes comme les plus aisées. Dans les Yvelines, au troisième rang des départements aisés, l’augmentation du niveau de vie a été cependant plus modérée (+ 200 €).

À Paris, le niveau de vie des 10 % des ménages les plus modestes a progressé quatre fois plus vite que dans la région, mais est toujours inférieur à celui observé au niveau francilien. Ce constat est probablement à relier aux effets de gentrification dans certains quartiers du nord-est parisien. Dans ce contexte, le taux de pauvreté est resté stable à Paris alors qu’il a progressé dans tous les autres départements franciliens. Dans le même temps, le niveau de vie des ménages parisiens les plus aisés a continué de s’accroître fortement.

La situation est assez similaire dans les Hauts-de-Seine, où les niveaux de vie sont davantage tirés à la hausse par les populations les plus aisées. Dans les Yvelines, le niveau de vie augmente de façon plus homogène pour les différentes catégories de populations (modestes et aisées) et dans de plus faibles proportions.

Une paupérisation accrue dans les départements les plus vulnérables

Dans les départements où la pauvreté est plus prégnante (à l’exception de Paris), le niveau de vie médian de la population a augmenté de façon plus modérée que dans les autres départements. En Seine-Saint-Denis, il a même stagné. Si la situation s’est améliorée pour les ménages les plus aisés vivant dans ce département, elle s’est dégradée pour les ménages les plus en difficulté. En effet, le niveau de vie annuel des 25 % des ménages les plus modestes a diminué alors qu’il est en hausse dans la région (respectivement - 28 € et + 56 €) (figure 2). Les écarts de niveaux de vie des populations les plus modestes se sont donc accrus au sein de la région.

Figure 2Des hausses de niveaux de vie inégales selon les départementsÉvolution des trois quartiles de niveau de vie annuel entre 2013 et 2015

en euros
Des hausses de niveaux de vie inégales selon les départements (en euros)
3ᵉ quartile 2ᵉ quartile 1ᵉʳ quartile
France métropolitaine 354 381 168
Île-de-France 176 260 56
Paris 396 450 271
Hauts-de-Seine 494 438 228
Seine-Saint-Denis 153 17 -28
Val-de-Marne 206 200 8
Seine-et-Marne 243 332 168
Yvelines 115 196 131
Essonne 9 159 -2
Val-d'Oise 151 223 85
  • Source : Insee, FiLoSoFi 2013 et 2015.

Figure 2Des hausses de niveaux de vie inégales selon les départementsÉvolution des trois quartiles de niveau de vie annuel entre 2013 et 2015

  • Source : Insee, FiLoSoFi 2013 et 2015.

De fortes inégalités de niveaux de vie entre les intercommunalités

Entre 2013 et 2015, la pauvreté gagne du terrain dans les territoires les plus vulnérables, situés en particulier en Seine-Saint-Denis et dans quelques communautés de communes limitrophes de grande couronne. C’est le cas par exemple des établissements publics territoriaux (EPT) de Plaine Commune et de Paris Terres d’Envol, où les taux de pauvreté progressent de façon significative entre 2013 et 2015. Ils y atteignent des niveaux très supérieurs à ceux de la moyenne régionale (38 % à Plaine Commune). Les populations les plus modestes ont tendance à se paupériser davantage dans certains territoires, tels que Boucle Nord de Seine et Roissy Pays de France. Dans toutes ces zones, le niveau de vie des 10 % des ménages les plus modestes est très inférieur au même indicateur calculé au niveau régional.

À l’inverse, le niveau de vie des populations vivant dans les territoires les plus favorisés, localisés à Paris et dans sa partie ouest, augmente sensiblement entre 2013 et 2015. Outre la capitale, il s’agit des EPT des Hauts-de-Seine (à l’exception de Boucle Nord de Seine), Saint Germain Boucles de Seine, Versailles Grand Parc, Haute Vallée de Chevreuse, Cœur d’Yvelines et Gally Mauldre.

Définitions

Niveau de vie : revenu disponible du ménage divisé par le nombre d’unités de consommation (UC). Le niveau de vie est donc le même pour tous les individus d’un même ménage. Le nombre d’UC est calculé selon l’échelle d’équivalence dite de l’OCDE modifiée : le premier adulte compte pour 1, les autres personnes de 14 ans ou plus pour 0,5 et les enfants de moins de 14 ans pour 0,3.

Le revenu disponible est le revenu à la disposition du ménage pour consommer et épargner. Il comprend les revenus d’activité, les retraites et pensions, les revenus du patrimoine, les revenus financiers et les prestations sociales reçues. Au total de ces ressources, quatre impôts directs sont déduits : l’impôt sur le revenu, la taxe d’habitation, la contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS).

La médiane du revenu disponible par UC (ou niveau de vie médian) partage les personnes en deux groupes : la moitié des personnes appartient à un ménage qui dispose d’un revenu par UC inférieur à cette valeur et l’autre moitié présente un revenu par UC supérieur.

Les déciles de niveau de vie sont les valeurs-seuils qui, lorsque l’on ordonne la population par niveau de vie croissant, la partitionnent en dix sous-populations de taille égale. La médiane constitue donc le cinquième décile. Les 10 % les plus pauvres sont sous le 1er décile, les 10 % les plus riches au-dessus du 9e décile. De même, les quartiles partagent la population en quatre parts égales.

Le taux de pauvreté correspond à la proportion d’individus dont le niveau de vie est inférieur à 60 % du niveau de vie médian national.

Pour en savoir plus

Bayardin V., Chemineau D., Glachant E., Guérin D., Herviant J., Jabot D., Martinez C., « En Île-de-France, la pauvreté s’est intensifiée dans les territoires déjà les plus exposés », Insee Analyses Île-de-France n° 76, décembre 2017.

Boussad N., Martinez C. Moreau É., « Métropole du Grand Paris : des écarts de revenus encore élevés malgré la redistribution », Insee Analyses Île-de-France n° 54, février 2017.

Caenen Y., Decondé C., Eloy P., Jabot D., Jouny L., Martinez C., Ouardi S., « Une mosaïque sociale propre à Paris », Insee Analyses Île-de-France n° 53, février 2017.