Insee Analyses GuyaneLa consommation des ménages et l’investissement public limitent les effets de la dégradation de la balance commerciale en 2017 Les comptes économiques de la Guyane en 2017

Matthieu Cornut, Insee

En 2017, la croissance guyanaise est négative (– 1,9 %) après plusieurs années de hausse consécutive. La balance commerciale se dégrade sous l’effet conjugué de la baisse de la production due aux mouvements sociaux et de la bonne tenue de la consommation des ménages qui s’inscrit en hausse de 3 % sur un an. Ainsi, le total des importations est en hausse de 5,3 %, tandis que le total des exportations chute de 3,8 %. Les prix repartent légèrement à la hausse (+ 1,0 %), après deux années de légère baisse (– 0,2 % en 2016 et – 0,1 % en 2015).

L’activité spatiale reste très dynamique avec 11 lancements, 20 satellites mis en orbite et une charge utile stable. Elle génère un chiffre d’affaires en hausse et entraîne une contribution positive des lancements spatiaux aux exportations, et donc à la croissance.

L’investissement, et en particulier l’investissement public, confirme sa bonne tenue en augmentant de 3,4 % après le pic à + 7,7 % de l’année précédente.

Matthieu Cornut, Insee
Insee Analyses Guyane No 32- Novembre 2018

En 2017, le produit intérieur brut (PIB) de la Guyane baisse de 1,9 % en volume. Avec une population qui progresse de 2,8 %, le PIB par habitant chute de 4,5 % en volume et s’établit à 15 339 euros, contre 34 151 euros sur la France entière. En Guadeloupe, le PIB par habitant s’établit à 23 152 euros et en Martinique à 23 188 euros.

La balance commerciale se dégrade nettement et contribue au recul du PIB

Les importations sont en hausse de 5,3 % en volume, sous l’effet conjugué du maintien de la consommation des ménages, de l’investissement et de la faible capacité de production des entreprises guyanaises affectée par le mois de blocage économique. Les importations liées au spatial (éléments de lanceurs et de satellites) baissent de 7,2 %. Hors spatial, en réponse aux besoins des investissements, le montant total des importations de biens manufacturés augmente de 5,6 %. Celui des importations de denrées alimentaires, boissons et produits à base de tabac est en hausse de 3,8 %.

Le volume des exportations chute de 3,8 %, bien que celles liées au spatial restent stables (+ 0,5 %). En effet, l’activité spatiale reste très dynamique en 2016, avec 11 lancements, pour 20 satellites et ATV envoyés dans l’espace.

Hors spatial, le montant des exportations recule de 23,7 %, principalement du fait de conteneurs non réexpédiés, même si l’ensemble des secteurs est concerné par cette baisse des exportations. La filière aurifère tire tout de même son épingle du jeu, puisque la valeur des exportations d’or progresse de 13,8 %, pour atteindre 48 millions d’euros.

Les dépenses des touristes, comptabilisées en exportations, augmentent légèrement (+ 1,6 %). Malgré un nombre de rotations aériennes fortement réduit pendant les barrages, le nombre de passagers reste stable en 2017 (– 0,3 %). Les compagnies les plus impactées par les mouvements sociaux sont Air Guyane (– 8 %) et Surinam Airways (– 36,4 %). Le trafic transatlantique, même freiné par les mouvements sociaux, termine l’année sur une orientation positive (+ 1,4 %).

Figure 1La croissance est négative en 2017Les principaux agrégats et leur évolution (en million d’euros courants et en %)

La croissance est négative en 2017
Millions d’euros courants Évolution en %
2017 Volume Prix Valeur Contribution
Produit intérieur brut 4 262 -1,9 0,0 -1,9 -1,9
Consommation des ménages 2 519 3,0 1,0 4,0 1,6
Consommation des administrations publiques 1 876 -2,1 0,7 -1,5 -0,9
Investissement 1 215 3,4 1,1 4,6 0,9
Imports de biens et services 2 985 5,3 2,0 7,4 -3,3
Exports de biens et services 1 593 -3,8 0,4 -3,4 -1,4
Variation de stocks 41 1,2 /// /// 1,2
  • Source : Insee, CEROM, Comptes rapides.

Figure 2Le taux de croissance guyanais impacté par les mouvements sociauxTaux de croissance du PIB en volume (en %)

Le taux de croissance guyanais impacté par les mouvements sociaux
Guyane France
2013 1,0 0,6
2014 3,8 0,9
2015 0,9 1,1
2016 3,6 1,2
2017 -1,9 2,2
  • Note : les estimations antérieures à 2017 sont révisées, voir encadré méthodologique en fin de document.
  • Source : Insee, CEROM, Comptes rapides.

Figure 2Le taux de croissance guyanais impacté par les mouvements sociauxTaux de croissance du PIB en volume (en %)

  • Note : les estimations antérieures à 2017 sont révisées, voir encadré méthodologique en fin de document.
  • Source : Insee, CEROM, Comptes rapides.

Figure 3La balance commerciale se dégradeÉvolution des échanges extérieurs en valeur (en %)

La balance commerciale se dégrade
Imports Exports
2013 7,0 5,1
2014 -5,7 4,4
2015 5,1 4,9
2016 2,1 -0,6
2017 7,4 -3,4
  • Source : Insee, CEROM, Comptes rapides.

Figure 3La balance commerciale se dégradeÉvolution des échanges extérieurs en valeur (en %)

  • Source : Insee, CEROM, Comptes rapides.

L’investissement est soutenu par le secteur public

L’investissement augmente de 3,4 %, pour une contribution à + 0,9 point à la croissance. Cette progression consolide la forte hausse (+ 7,7 %) de l’année passée. Le secteur public est le principal moteur de l’investissement en Guyane : l’investissement public augmente de 16,5 %, avec la construction du Centre Hospitalier de l’Ouest Guyanais, les chantiers liés à l’arrivée prochaine d’Ariane 6 et les nombreuses constructions de logements sociaux démarrées en 2016, dont l’activité se prolonge en 2017.

Enfin, l’encours des crédits à l’investissement, accordés aux entreprises, progresse à un rythme de plus en plus élevé : + 13,2 % après + 8,9 % en 2016. Cette progression est principalement soutenue par les investissements immobiliers des bailleurs sociaux.

Figure 4L'investissement confirme sa bonne santéÉvolution de l’investissement en volume (en %)

L'investissement confirme sa bonne santé
Guyane
2013 0,8
2014 2,7
2015 -5,0
2016 7,5
2017 3,4
  • Source : Insee, CEROM, Comptes rapides.

Figure 4L'investissement confirme sa bonne santéÉvolution de l’investissement en volume (en %)

  • Source : Insee, CEROM, Comptes rapides.

La consommation des ménages progresse malgré les mouvements sociaux

La consommation des ménages accélère encore à + 3,0 % après + 4,9 % en 2016, a un rythme supérieur à la croissance démographique (+ 2,7 %), le tout dans un contexte de hausse des prix à + 1,0 %. Bien que contribuant à une hausse des importations, cette consommation dynamique permet de limiter la baisse du PIB. Elle contribue pour + 1,6 point à la croissance.

Les immatriculations de véhicules de tourisme neufs augmentent de 4,1 %, confirmant le regain de forme du secteur. Les importations de biens électriques et ménagers repartent à la hausse (+ 16,0 %) et se rapprochent ainsi de leur niveau de 2014. Cela confirme que la consommation des ménages se traduit plus par une hausse des importations que de la production locale.

Le taux de chômage reste stable et structurellement élevé, à 22 % de la population active. Le nombre de demandeurs d’emploi en fin de mois (DEFM) des catégories ABC augmente de 3,1 % et s'élève à 25 200 personnes. Au premier trimestre 2017, marqué par le début des mouvements sociaux, l’emploi salarié a d’abord connu un trou d’air et s’est replié de 2,6 % par rapport au trimestre précédent. Il est ensuite reparti à la hausse les trois trimestres suivants. Au final, le volume de l’emploi salarié progresse de 1,6 % sur un an. Il s’agit de la plus forte hausse annuelle de l’emploi depuis 2014.

Les dépenses des administrations publiques sont en baisse

La consommation des administrations publiques connaît une baisse de 2,1 %. Elle contribue négativement à la croissance, pour – 0,9 point. Malgré cela, les charges de personnel continuent de progresser (+ 4,4 %) dans le secteur des administrations publiques, la sécurité sociale et l’enseignement, avec un point d’indice de la fonction publique qui augmente de 0,9 %.

Les prix repartent légèrement à la hausse

Les prix à la consommation augmentent en moyenne de 1,0 %, après trois années de stabilité. Cette évolution est similaire à celle observée aux Antilles et en France métropolitaine.

Le secteur des services est le principal contributeur à cette hausse : il représente près de la moitié de la consommation des ménages. Les produits pétroliers y contribuent également avec une évolution de 5,1 %.

Les prix de l’alimentation augmentent modérément, à + 0,6 % pour une contribution de + 0,1 point à l’inflation. Cela est principalement imputable aux produits frais, dont les prix augmentent de 2,6 %.

Les prix des produits manufacturés restent stables grâce à la baisse des prix de produits de santé (– 3,2 %) qui tempère la hausse des autres produits manufacturés.

Figure 5Les prix repartent à la hausseÉvolution de l’indice des prix, moyenne annuelle (en %)

Les prix repartent à la hausse
Guyane France
2013 1,4 0,9
2014 0,5 0,5
2015 -0,1 0,0
2016 -0,1 0,2
2017 0,8 1,0
  • Source : Insee, CEROM, Comptes rapides.

Figure 5Les prix repartent à la hausseÉvolution de l’indice des prix, moyenne annuelle (en %)

  • Source : Insee, CEROM, Comptes rapides.

Comme aux Antilles, la croissance chute en Guyane l’année du mouvement social

En 2009 aux Antilles et en 2017 en Guyane, les mouvements sociaux se sont traduits par des blocages et par la limitation, voire l’arrêt, des activités dans certains secteurs comme les transports, la construction, l’hôtellerie/restauration, l’administration.

Dans des économies d’une taille plus importante et plus diversifiées que la Guyane ou les Antilles, les mouvements sociaux ne débouchent pas sur des blocages aussi intenses et ont des impacts macroéconomiques plus limités.

Indéniablement, le conflit social qui a paralysé la Guyane en mars et avril 2017 a eu un impact négatif sur la création de richesses sur le territoire. Alors que la croissance était nettement positive, elle devient négative, perdant 5,5 points par rapport à 2016.

À titre de comparaison, durant les conflits sociaux de 2009, la Guadeloupe a perdu 5,9 points de croissance, passant de + 1,1 % en 2008 à – 4,8 % en 2009 et la Martinique a perdu - 6,2 points, passant de – 0,3 % en 2008 à – 6,5 % en 2009.

Le secteur spatial en 2017

Le programme de lancement 2017, qui prévoyait 11 lancements et la mise en orbite de 20 satellites, a été respecté en dépit des mouvements sociaux. Six Ariane 5, deux Soyouz et trois Vega ont été lancées avec succès.

Les ambitieux chantiers du Centre Spatial Guyanais (CSG) se poursuivent, notamment la construction de la nouvelle zone de lancement pour Ariane 6 et la rénovation du Centre Technique.

L’activité spatiale joue un rôle important dans l’économie de la Guyane, puisqu’elle génère directement et indirectement environ 15 % de la création de richesses du territoire depuis le début des années 2000.

Figure 6Moins de satellites, mais autant de lancementsNombre de lancements de fusées, nombre de satellites ou ATV envoyés dans l'espace (charge utile en tonne)

Moins de satellites, mais autant de lancements
Nom du lanceur Nationalité Nombre de lancements Nombre de satellites ou ATV lancés Charge utile (tonne)
2016 2017 2016 2017 2016 2017
Ariane 5 Europe 7 6 14 14 55,5 51
Soyuz Russe 2 2 7 2 3,9 5,5
Vega Italien 2 3 6 4 2 2,9
Total 11 11 27 20 61,4 59,4
  • Source : Arianespace.

Plan d’urgence Guyane - Des engagements financiers aux effets étalés dans le temps

Adopté à la suite des mouvements sociaux de mars-avril 2017, le plan d’urgence Guyane prévoit, entre autres, un engagement pluriannuel de l’État pour un montant total de 1 085 milliard d’euros, couvrant les secteurs clés de l’économie guyanaise.

Une partie de ces engagements se traduit par des renforcements d’effectifs, mais également par des subventions permettant des investissements comme, par exemple l’augmentation de 50 M€ par an pendant cinq ans pour la construction de collèges et lycées. Certains engagements, enfin, sont exceptionnels et ponctuels, par exemple l’aide d’urgence au Centre Hospitalier de Cayenne de 20 M€ pour le paiement des fournisseurs, ou encore la transformation du prêt de 53 M€ de la Collectivité Territoriale en subvention exceptionnelle.

Certaines subventions ont été octroyées et versées en 2017. Tous ces engagements ne sont pas visibles instantanément dans les comptes économiques : il s’agit de transferts d’un point de vue comptable. Les effets seront plus visibles dans les années à venir, lorsque les investissements rendus possibles par les subventions se seront concrétisés dans les carnets de commandes, et par la mise en paiement des travaux effectués par les entreprises de Guyane.

Pour comprendre

Les comptes économiques rapides : une estimation précoce de la croissance

Produits par l’Insee, en partenariat avec l’AFD et l’Iedom dans le cadre du projet Cerom, les comptes rapides 2017 de la Guyane reposent sur une modélisation macroéconomique alimentée par les premières données disponibles de l’année écoulée. Il ne s’agit pas des comptes définitifs : les estimations pourront faire l’objet d’une révision lorsque la totalité des données de l’année seront connues.

Les comptes économiques passent en base 2014

À partir de cette année, les comptes économiques sont réalisés en base 2014. Les changements de base sont opérés régulièrement afin de tenir compte de l'évolution du fonctionnement de l'économie. Le présent changement intègre les modifications conceptuelles et méthodologiques introduites par la mise à jour du Système Européen des Comptes paru en 2010 (SEC 2010). En particulier, le champ des dépenses comptabilisées en investissements est élargi pour inclure les dépenses en recherche et développement, ainsi que les systèmes d'armes. Le trafic de stupéfiants et la production de la banque centrale sont également pris en compte. Toutes les recommandations du SEC 2010 n'ont néanmoins pas été transcrites dans les comptes des Antilles et de la Guyane, soit qu'ils relèvent de la prérogative nationale, soit qu'ils ne sont pas jugés pertinents au niveau régional.

Les changements introduits par une base sont tels que deux comptes de bases différentes ne sont pas comparables en niveaux. Pour assurer la comparabilité des séries de comptes du passé avec la série de comptes élaborée dans la base actuelle, il est nécessaire de recalculer entièrement les premiers selon les concepts et méthodes retenus dans la base actuelle. Il n’est donc pas pertinent de comparer les chiffres publiés aujourd’hui en base 2014 avec les chiffres publiés précédemment en base 2005 ou 1995. Afin d'effectuer des comparaisons spatiales ou temporelle, il faut disposer de l'ensemble des données rétropolées en base 2014 que l’Insee mettra prochainement à disposition.

Des comptes rapides issus d’une modélisation de l’économie guyanaise

Le modèle utilisé pour construire les comptes rapides est un modèle macro-économique, de type keynésien, dit « quasi-comptable ». Il permet de projeter les comptes économiques d’une année donnée à partir d’hypothèses d’évolutions de l’offre et de la demande de biens et services. Aux Antilles-Guyane, ce modèle est construit avec 22 branches et 22 produits. Le modèle est basé sur le TES (Tableau des Entrées-Sorties) de la Comptabilité Nationale. En effet, ces relations comptables permettent d’assurer la cohérence du modèle en décrivant les équilibres nécessaires entre les ressources et les emplois pour chaque opération. La projection du compte se fait selon la méthode de Leontief, fondée sur les interactions entre branches, et celle de Keynes, fondée sur l’interaction revenu-consommation.

Définitions

Le Produit intérieur brut (PIB) mesure la richesse produite sur un territoire donné, grâce à la somme des valeurs ajoutées des biens et services produits sur le territoire. Il est publié en volume et en valeur.

L’évolution en volume ou en « euros constants » permet de mesurer l’évolution du PIB d’une année sur l’autre, indépendamment de l’évolution des prix. Elle décrit l’évolution des quantités produites et fournit la croissance de l’économie.

L’évolution du prix du PIB mesure l’évolution de tous les prix présents dans l’économie : prix à la consommation des ménages (IPC), prix à la consommation des administrations, prix de l’investissement et prix du commerce extérieur.

L’évolution globale (volume et prix) fournit l’évolution du PIB en valeur.

Comptes rapides pour l’Outre-mer (Cerom) : les comptes économiques rapides de Guyane sont construits dans le cadre du projet tripartite Comptes rapides pour l’Outre-mer (Cerom) entre l’Insee, l’AFD et l’IEDOM. Ils reposent sur une modélisation macroéconomique alimentée pas les premières données disponibles de l’année écoulée. Il ne s’agit donc pas d’un compte définitif. Les estimations pourront faire l’objet d’une révision lorsque la totalité des données de l’année seront connues.

Pour en savoir plus

« Les comptes économiques de la Guyane » consultables sur Ouvrir dans un nouvel onglethttp://www.cerom-outremer.fr/cerom/.

« Rapport annuel 2017 de l’Iedom en Guyane », édition 2018 sur Ouvrir dans un nouvel ongletwww.iedom.fr/.

« Bilan économique 2017 de Guyane », Insee Conjoncture n° 4, mai 2018.

« Comptes économiques de Guadeloupe en 2017 », Insee Analyses n° 32, octobre 2018.

« Comptes économiques de Martinique en 2017 », Insee Analyses n° 28, octobre 2018.