« Être au foyer » : toujours une affaire de femmes

En Corse, 57 890 femmes de 15 à 64 ans vivent en couple en 2014. Parmi elles, 9 910, soit 17,1 %, sont des « femmes au foyer » : elles sont inactives (ni en emploi, ni au chômage) mais ne sont ni étudiantes, ni retraitées. Seuls 180 hommes âgés de 15 à 64 ans et vivant en couple sont dans ce cas, soit 0,3 %. Renoncer à exercer une activité professionnelle est une situation essentiellement féminine au sein du couple. Il n’y a pas d’égalité dans ce domaine en Corse comme en France de province où les messieurs sont à peine 0,2 % à rester au domicile.

La Corse se caractérise toutefois par l’ampleur du phénomène chez les femmes. Il s'agit de la région où les femmes au foyer sont les plus présentes devant les Hauts-de-France (14,3 %) et loin de la moyenne de province (9,7 %) (figure 1).

Sur la dernière décennie, la proportion de femmes au foyer diminue cependant plus vite dans la région : en 2006, 24 % des femmes en couple étaient concernées contre 14 % en moyenne de province. Ce recul est lié à la progression de l’activité féminine pendant la période. Toutefois, à partir de 25 ans, le taux d’activité régional des femmes en couple reste plus bas que celui des femmes célibataires qui exercent plus souvent une activité rémunérée car elles sont seules à subvenir aux besoins financiers du ménage.

Les comportements d’activité étant liés au niveau de formation, une femme au foyer sur deux n’est pas diplômée contre une sur quatre en moyenne pour l’ensemble des femmes insulaires vivant en couple (figure 2). De plus, la présence d’enfants dans le foyer favorise l’absence d’activité professionnelle : 41 % des femmes au foyer ont au moins deux enfants, soit 10 points de plus qu’en moyenne.

Plus elles avancent en âge, plus elles sont nombreuses : une femme au foyer sur trois a plus de 55 ans. Les générations les plus âgées sont en effet moins présentes sur le marché de l'emploi.

Les femmes au foyer sont également plus souvent issues de l’immigration : une sur trois est immigrée.

En outre, un tiers des femmes au foyer ont un conjoint ouvrier. En revanche, celles unies à un homme cadre ou de profession intermédiaire sont sous-représentées : appartenir à un foyer où le conjoint a une catégorie socioprofessionnelle élevée ne semble pas avoir un effet désincitatif sur l’activité des femmes.

Leur présence est plus ou moins marquée sur le territoire insulaire. Elles sont surreprésentées sur la côte orientale (figure 3). Cette zone cumule plusieurs facteurs : secteur agricole peu pourvoyeur d’emplois féminins et fort taux d’immigrées, plus enclines à rester au foyer. De même, elles sont fréquentes dans les zones de Porto-Vecchio et de Sartène-Propriano, en lien avec un secteur de la construction développé et une forte part d'immigrées. En revanche, elles sont moins présentes dans la zone d’emploi d’Ajaccio, conséquence d’un peuplement jeune. Les zones côtières de l’ouest sont d’ailleurs les zones à plus fort taux d’activité chez les femmes en couple (70 %). Enfin, les communes de l’intérieur comptent peu de femmes au foyer, du fait notamment d'une part importante de retraitées.

Plusieurs facteurs impactent donc le fait d’être femme au foyer, mais le plus important est le nombre d’enfants. Ainsi, à autres caractéristiques égales (méthodologie), il est 3,5 fois plus probable pour une femme avec deux enfants de moins de 6 ans d’être au foyer que pour une femme sans enfant (figure 4). De nombreuses femmes décident ainsi de se retirer du marché du travail à l’arrivée du second enfant, par choix familial ou par contrainte (difficultés d’allier travail-famille-coûts de garde).

La probabilité relative d’être femme au foyer augmente avec l'âge : à caractéristiques équivalentes, il est 3 fois plus probable pour une femme âgée entre 55 et 64 ans d’être au foyer que pour celle âgée entre 35 et 44 ans. Le changement de mentalité entre générations, l'activité moindre des plus âgées et les difficultés rencontrées par les seniors sur le marché du travail peuvent expliquer ce comportement.

L’origine culturelle joue aussi fortement sur l’activité féminine. Ainsi, une femme immigrée aura 2,7 fois plus de probabilités d’être au foyer qu'une femme non issue de l’immigration. Tout aussi déterminant est le niveau de diplôme : il est 2,5 fois plus probable pour une femme sans diplôme d’être au foyer par rapport à une femme diplômée. Le manque de qualification diminuant les chances d’accéder à un emploi, une femme sans diplôme serait plus encline à renoncer au marché du travail.

La catégorie socioprofessionnelle du conjoint est le facteur le moins déterminant. Avoir un conjoint employé ou de profession intermédiaire réduit de moitié l'opportunité d’être femme au foyer.