Economie et Statistique / Economics and Statistics n° 497-498 Le théorème de la décentralisation s’applique-t-il aux collectivités locales françaises ? Un test empirique sur les compétences intercommunales

Quentin Frère et Lionel Védrine

Economie et Statistique / Economics and Statistics
Paru le :Paru le07/02/2018
Quentin Frère et Lionel Védrine
Economie et Statistique / Economics and Statistics- Février 2018

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Question clé

Échelon majeur de la gouvernance territoriale en Europe, l’intercommunalité offre aux communes la possibilité d’exercer et de financer collectivement certaines compétences. En France, l’intercommunalité fédérative (qui dispose de ses propres pouvoirs fiscaux) s’est développée en parallèle à la coopération intercommunale de type associatif. La loi de réforme des collectivités territoriales (RCT) de 2010, confortée par la loi de nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) de 2015, marque un tournant majeur dans la coopération intercommunale et rend obligatoire le regroupement des communes au sein d’établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre. A l’aube de cette nouvelle phase, cet article étudie les déterminants des choix des communes de transférer telle ou telle compétence au niveau intercommunal. Quel est le rôle des économies liées à la taille ? Comment sont prises en compte les différences de préférences des citoyens selon les territoires ?

Méthodologie

Des modèles probit et probit spatiaux sont estimés sur 2 453 EPCI à fiscalité propre au 1er janvier 2012 pour 10 compétences différentes, afin d’identifier les facteurs influençant la décision de les transférer au niveau intercommunal, avant que la loi RCT ne produise pleinement ses effets. L’hétérogénéité spatiale des préférences des citoyens est mesurée avec un ensemble d’indicateurs composites de leurs caractéristiques sociodémographiques construits à l’aide d’une méthode d’analyses en composante principale.

Principaux résultats

Quatre principaux résultats empiriques se dégagent :

  • L’hétérogénéité spatiale des préférences des citoyens freine le transfert de compétences depuis les communes vers le niveau intercommunal.
  • Les économies de taille et le besoin de coordination des choix publics locaux prédestinent certaines compétences à être exercées au niveau intercommunal, notamment dans le domaine de l’aménagement de l’espace (tels la création et l’entretien d’équipements sportifs), du logement et de l’habitat (tel le programme local d’habitat) et de l’urbanisme (tels le schéma de cohérence territoriale et la création de zone d’aménagement concerté).
  • Les intercommunalités composées de petites communes ont une probabilité plus élevée de se voir confier certaines compétences.
  • Le choix des communes de transférer une compétence au niveau intercommunal est fortement influencé par celui des intercommunalités voisines par effet de mimétisme.

Ces résultats soulignent le bien-fondé du théorème de décentralisation pour guider les choix de coopération intercommunale.

Principaux messages

L’article met en évidence l’importance de l’arbitrage des communes entre économies de taille et coût de l’hétérogénéité des préférences des citoyens dans leurs choix de transfert de compétences aux intercommunalités. Alors que les lois RCT et NOTRe renforcent le pouvoir décisionnel de l’Etat au détriment de ceux des communes dans la gestion de leurs communes afin de rationaliser la carte des intercommunalités, les résultats présentés devraient permettre d’apporter des éléments d’éclairage aux récents choix relatifs aux intercommunalités dans cette nouvelle phase : ont-ils pour unique objectif l’optimisation de la dépense publique locale, ou visent-ils aussi à tenir compte de l’hétérogénéité des territoires et ainsi des préférences de leurs citoyens ?

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