Insee AnalysesLe jour de carence dans la fonction publique de l’État : moins d’absences courtes, plus d’absences longues

Alexandre Cazenave-Lacroutz et Alexandre Godzinski, division Redistribution et politiques sociales, Insee

Un jour de carence pour arrêt maladie a été instauré dans la fonction publique au 1er janvier 2012, puis supprimé au 1er janvier 2014. D’après l’enquête Emploi, la mise en place de ce dispositif n’a pas significativement modifié la proportion d’agents de la fonction publique de l’État absents pour raison de santé une semaine donnée. En revanche, la mesure a modifié la répartition des absences par durée. En particulier, les absences pour raison de santé de deux jours ont fortement diminué, tandis que celles d’une semaine à trois mois ont augmenté. La mesure a également eu des effets hétérogènes : les absences courtes ont davantage baissé chez les femmes, chez les jeunes et chez les employés travaillant peu de jours par semaine.

Alexandre Cazenave-Lacroutz et Alexandre Godzinski, division Redistribution et politiques sociales, Insee
Insee Analyses No 36- Novembre 2017

L’enquête Emploi permet de mesurer les absences pour raison de santé

La loi de finances pour 2012 a instauré un jour de carence pour arrêt maladie dans la fonction publique « par mesure d’équité entre secteur privé et secteur public » (encadré 1). Cette mesure a pris effet au 1er janvier 2012. Elle a ensuite été supprimée par la loi de finances pour 2014 au regard de son absence de « réelle efficacité » dans la prévention de l’absentéisme (encadré 1). Elle a ainsi pris fin au 1er janvier 2014.

En l’absence de jour de carence, les agents de la fonction publique de l’État reçoivent leur salaire pendant les trois premiers mois d’un arrêt maladie. En présence du jour de carence, le premier jour d’arrêt maladie n’est pas rémunéré. Le but de cette analyse est d’étudier l’effet de ce dispositif sur les absences pour raison de santé dans la fonction publique de l’État.

L’enquête Emploi (sources et méthodes) permet de réaliser une telle étude. En effet, elle présente deux avantages majeurs. En premier lieu, elle permet de s’intéresser aux absences pour raison de santé, et non pas aux seuls arrêts maladie au sens administratif. Elle peut donc prendre en compte, par exemple, les cas où un agent pose une journée de réduction du temps de travail (RTT) quand il est malade, pour éviter une éventuelle retenue de salaire. En revanche, il est impossible d’évaluer par ce biais l’effet financier du dispositif, car la déclarée à l’employeur n’est pas connue. En deuxième lieu, l’enquête Emploi permet de mesurer les absences pour raison de santé de manière comparable dans la fonction publique de l’État et dans le secteur privé. En effet, le questionnaire de l’enquête ne dépend pas du secteur d’activité de la personne sondée.

Le jour de carence n’a pas modifié la part d’agents absents pour raison de santé une semaine donnée

Un indicateur simple des absences pour raison de santé est la . Il s’agit de la part des agents qui sont absents pour raison de santé au moins une partie de la semaine étudiée. L’enquête Emploi permet de la mesurer de façon homogène entre la fonction publique de l’État et le secteur privé.

Le niveau de la prévalence des absences pour raison de santé est plus élevé dans le secteur privé que dans la fonction publique de l’État. Cette différence de niveau découle notamment des caractéristiques observées des individus et de leur poste (Inan, 2013).

Les tendances temporelles de la prévalence sont quant à elles comparables entre la fonction publique de l’État et le secteur privé avant l’introduction du jour de carence (figure 1), à l’exception de l’évolution entre 2008 et 2009. Ces deux années ont en effet été marquées par l’accord national interprofessionnel applicable en juillet 2008, qui a élargi l’accès à l’indemnisation complémentaire par l’employeur dans le secteur privé, et par la crise économique.

Figure 1 - Prévalence des absences pour raison de santé

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Figure 1 - Prévalence des absences pour raison de santé (en %) - Lecture : en 2014, 2,91 % des agents de la fonction publique de l'État ont été absents pour raison de santé au moins une partie de la semaine de référence.
Fonction publique de l’État Secteur privé
2006 2,61 3,25
2007 2,77 3,18
2008 2,71 3,20
2009 2,82 3,51
2010 2,84 3,45
2011 2,79 3,61
2012 2,75 3,41
2013 2,78 3,58
2014 2,91 3,68
  • Lecture : en 2014, 2,91 % des agents de la fonction publique de l'État ont été absents pour raison de santé au moins une partie de la semaine de référence.
  • Source : Insee, enquête Emploi.

Figure 1 - Prévalence des absences pour raison de santé

  • * Accord national interprofessionnel.
  • Lecture : en 2014, 2,91 % des agents de la fonction publique de l'État ont été absents pour raison de santé au moins une partie de la semaine de référence.
  • Source : Insee, enquête Emploi.

Cette comparabilité des tendances nous amène à faire l’hypothèse que, sans le jour de carence, les absences dans la fonction publique de l’État auraient évolué comme dans le secteur privé, que l’on considère ici comme un groupe « de contrôle » ou « témoin » (sources et méthodes).

Or, la prévalence a continué à évoluer de manière comparable dans le secteur privé et la fonction publique de l’État, y compris pendant la période d’application du jour de carence. Le dispositif n’a donc pas conduit à une variation significative de la prévalence des absences pour raison de santé une semaine donnée.

En revanche, au sein de la fonction publique de l’État, la répartition des absences par durée a changé pendant la période d’application du jour de carence : il y a eu moins d’absences de deux jours et plus d’absences d’une semaine à trois mois (encadré 2). Ces résultats sont cohérents avec plusieurs études s’intéressant à l’effet d’un jour de carence en France ou à l’étranger (encadré 3).

Les absences pour raison de santé de deux jours ont fortement diminué avec le jour de carence

Le jour de carence a conduit à une baisse importante des absences de deux jours. Dans la fonction publique de l’État, leur prévalence a diminué fortement les deux années d’application de la mesure, alors qu’elle est restée assez stable dans le secteur privé (figure 2). D’après les calculs exploitant cette comparaison et tenant compte des caractéristiques des personnes interrogées (sources et méthodes), la prévalence des absences de deux jours aurait diminué de plus de 50 % en raison de la mesure (Cazenave-Lacroutz et Godzinski, 2017).

L’effet dissuasif du jour de carence sur le fait de commencer un arrêt maladie peut expliquer cette baisse. Il agirait surtout en cas d’affection bénigne, correspondant aux absences les plus courtes (de deux ou trois jours). Cependant, la part des absences d’une journée (encadré 2) ne change pas. En effet, pour éviter une retenue de salaire due au jour de carence, les agents peuvent préférer substituer à un arrêt maladie un autre type d’absence (jour de RTT, jour de congé annuel, autorisation d’absence…).

Figure 2 - Prévalence des absences pour raison de santé de deux jours

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Figure 2 - Prévalence des absences pour raison de santé de deux jours (en %) - Lecture : en 2014, 0,31 % des agents de la fonction publique de l'État ont été absents pour raison de santé deux jours durant la semaine de référence.
Fonction publique de l’État Secteur privé
2006 0,21 0,18
2007 0,24 0,17
2008 0,23 0,15
2009 0,22 0,20
2010 0,27 0,18
2011 0,25 0,19
2012 0,13 0,18
2013 0,14 0,18
2014 0,31 0,17
  • Lecture : en 2014, 0,31 % des agents de la fonction publique de l'État ont été absents pour raison de santé deux jours durant la semaine de référence.
  • Source : Insee, enquête Emploi.

Figure 2 - Prévalence des absences pour raison de santé de deux jours

  • Lecture : en 2014, 0,31 % des agents de la fonction publique de l'État ont été absents pour raison de santé deux jours durant la semaine de référence.
  • Source : Insee, enquête Emploi.

Les absences pour raison de santé d’une semaine à trois mois ont augmenté avec le jour de carence

En revanche, la prévalence des absences d’une semaine à trois mois a augmenté dans la fonction publique de l’État pendant la période d’application du jour de carence et diminué après sa suppression (figure 3). Ces variations sont significatives quand on les compare avec celles du secteur privé. D’après les calculs tenant compte de l’évolution des absences dans le secteur privé et des caractéristiques des personnes interrogées, la prévalence des absences d’une semaine à trois mois aurait augmenté de 25 % sous l’effet de la mesure (Cazenave-Lacroutz et Godzinski, 2017).

Figure 3 - Prévalence des absences pour raison de santé d'une semaine à trois mois

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Figure 3 - Prévalence des absences pour raison de santé d'une semaine à trois mois (en %) - Lecture : en 2014, 1,39 % des agents de la fonction publique de l'État ont été absents pour raison de santé durant toute la semaine de référence et pour une durée d'absence totale d'une semaine à trois mois.
Fonction publique de l’État Secteur privé
2006 1,33 1,84
2007 1,54 1,84
2008 1,34 1,84
2009 1,43 1,96
2010 1,45 2,02
2011 1,41 2,07
2012 1,44 1,94
2013 1,59 2,01
2014 1,39 1,98
  • Lecture : en 2014, 1,39 % des agents de la fonction publique de l'État ont été absents pour raison de santé durant toute la semaine de référence et pour une durée d'absence totale d'une semaine à trois mois.
  • Source : Insee, enquête Emploi.

Figure 3 - Prévalence des absences pour raison de santé d'une semaine à trois mois

  • Lecture : en 2014, 1,39 % des agents de la fonction publique de l'État ont été absents pour raison de santé durant toute la semaine de référence et pour une durée d'absence totale d'une semaine à trois mois.
  • Source : Insee, enquête Emploi.

Cette hausse des absences longues pourrait s’expliquer par trois mécanismes. Tout d’abord, le jour de carence engendre un coût fixe pour le salarié à chaque prise d’arrêt maladie. Un agent n’a donc pas intérêt à hâter son retour au travail avant d’avoir la certitude d’être guéri. Ainsi, il peut trouver prudent de prolonger son arrêt, pour éviter une rechute synonyme d’une nouvelle pénalité. Ensuite, du fait de ce coût fixe, certains agents connaissant un problème de santé pourraient hésiter à s’arrêter de travailler pour se soigner. Leur état de santé se dégraderait et conduirait in fine à des arrêts plus longs. Enfin, la mise en place d’un jour de carence pourrait générer chez des agents prenant un arrêt maladie le sentiment d’être injustement mis à contribution, les conduisant, par réaction, à prolonger un peu cet arrêt. Ces hypothèses ne sont ni exclusives ni exhaustives et aucun élément ne permet à ce stade de les confirmer ou infirmer.

Les absences courtes baissent davantage chez les femmes, les jeunes et les employés travaillant peu de jours par semaine

Les effets estimés du jour de carence varient selon plusieurs des caractéristiques individuelles des salariés. Les absences de deux jours diminuent plus fortement pour les employés jeunes que pour les employés plus âgés. Leur baisse est également plus marquée pour les personnes travaillant peu de jours par semaine. Ces agents pourraient changer l’organisation de leur semaine de travail en cas d’indisposition passagère.

Les femmes et les hommes ont des comportements différents. Les femmes diminuent significativement leurs absences de deux jours et elles les diminuent davantage que les hommes. Les hommes augmentent significativement leurs absences d’une semaine à trois mois, mais la différence avec les femmes n’est pas statistiquement significative pour ces absences longues.

Les motifs de l’introduction et de la suppression du jour de carence

Dans la loi de finances pour 2012, l’amendement introduisant le jour de carence pour arrêt maladie dans la fonction publique indiquait qu’il était introduit « par mesure d’équité entre secteur privé et secteur public ». Dans le secteur privé, la sécurité sociale prévoit trois jours de carence en cas d’arrêt maladie. Ces trois jours peuvent être compensés partiellement ou complètement par les entreprises. En 2009, les deux tiers des employés du secteur privé bénéficiaient ainsi d’une couverture totale de ces trois premiers jours (Perronnin, Pierre et Rochereau, 2012).

L’exposé des motifs du projet de loi de finances pour 2014 indiquait que « l’instauration du délai de carence n’a pas eu les effets escomptés et n’a pas permis de réduire significativement l’absentéisme dans la fonction publique. (…) Dès lors, le présent article propose de supprimer le délai de carence, qui est appliqué aux fonctionnaires sans aucune forme de compensation, et sans réelle efficacité ».

Le jour de carence a modifié la répartition des absences par durée

Les impacts de la mise en place et du retrait du jour de carence sont notamment observables sur la répartition par durée des absences en cours une semaine donnée. Durant les deux années d’application du jour de carence, deux changements importants sont visibles sur la distribution des absences de la fonction publique de l’État, mais pas sur celle du secteur privé (figures a et b). Tout d’abord, la part des absences courtes diminue, particulièrement celles de deux jours, voire de trois jours. De plus, la part des absences d’une semaine à trois mois augmente. Aucun changement n’apparaît sur les absences d’une journée.

Figure a - Distribution par durée des absences pour raison de santé en cours pendant la semaine de référence

Figure a - Distribution par durée des absences pour raison de santé en cours pendant la semaine de référence ( ) -
2014 2013 2012 2011 2010
Fonction publique de l’État (en nombre d'absence)
Absences d'un jour 25 105 26 298 25 863 29 483 37 093
Absences de deux jours 27 966 11 922 10 766 21 099 22 369
Absences de trois jours 14 231 8 200 12 135 12 501 11 105
Absences de quatre à sept jours 6 234 8 343 9 553 11 005 5 935
Absences d'une semaine à trois mois 125 166 135 267 116 507 116 575 122 223
Absences de plus de trois mois 62 410 46 359 47 992 40 925 40 994
Fonction publique de l’État (en %)
Absences d'un jour 9,6 11,1 11,6 12,7 15,5
Absences de deux jours 10,7 5,0 4,8 9,1 9,3
Absences de trois jours 5,5 3,5 5,4 5,4 4,6
Absences de quatre à sept jours 2,4 3,5 4,3 4,8 2,5
Absences d'une semaine à trois mois 47,9 57,2 52,3 50,3 51,0
Absences de plus de trois mois 23,9 19,6 21,5 17,7 17,1
  • Source : Insee, enquête Emploi.

Figure a - Distribution par durée des absences pour raison de santé en cours pendant la semaine de référenceFonction publique de l’État

  • Source : Insee, enquête Emploi.

Figure b - Distribution par durée des absences pour raison de santé en cours pendant la semaine de référence

Figure b - Distribution par durée des absences pour raison de santé en cours pendant la semaine de référence ( ) -
2014 2013 2012 2011 2010
Secteur privé (en nombre d'absence)
Absences d'un jour 162 030 138 939 156 043 150 954 130 774
Absences de deux jours 112 081 110 914 112 625 124 640 111 127
Absences de trois jours 98 800 110 673 94 275 91 001 85 883
Absences de quatre à sept jours 68 503 70 975 75 638 84 954 73 057
Absences d'une semaine à trois mois 1 274 179 1 255 433 1 246 773 1 327 659 1 266 596
Absences de plus de trois mois 650 272 548 125 507 089 534 597 502 253
Secteur privé (en %)
Absences d'un jour 6,8 6,2 7,1 6,5 6,0
Absences de deux jours 4,7 5,0 5,1 5,4 5,1
Absences de trois jours 4,2 5,0 4,3 3,9 4,0
Absences de quatre à sept jours 2,9 3,2 3,4 3,7 3,4
Absences d'une semaine à trois mois 53,9 56,2 56,9 57,4 58,4
Absences de plus de trois mois 27,5 24,5 23,1 23,1 23,1
  • Source : Insee, enquête Emploi.

Figure b - Distribution par durée des absences pour raison de santé en cours pendant la semaine de référenceSecteur privé

  • Source : Insee, enquête Emploi.

Des résultats en cohérence avec les études récentes

Les effets estimés dans cette étude sont cohérents avec les rares études empiriques sur le sujet. Ces dernières tendent à montrer que la présence d’un jour de carence décourage la prise d’arrêts, mais qu’en cas d’arrêt, celui-ci dure plus longtemps.

En Suède, en 1987, un jour de carence avait été supprimé dans le secteur privé. Par suite, la prise d’arrêts maladie avait augmenté, mais la durée des arrêts avait baissé. Au total, le nombre de jours d’arrêts avait diminué (Pettersson-Lidbom et Thoursie, 2013). Lorsque le jour de carence avait ensuite été rétabli en 1993, une étude de cas avait établi que les agents de la Poste suédoise avaient pris moins d’arrêts, mais davantage d’arrêts de plus de 15 jours (Voss, Floderus et Diderichsen, 2001).

En France, à la suite d’une mobilité professionnelle géographique, quand les employés du secteur privé bénéficient, à la place du régime général, du régime d’Alsace-Moselle (où il n’y a pas de jour de carence), ils prennent plus souvent des arrêts maladie. Mais ils ne prennent pas significativement plus de jours d’arrêt maladie par an (Davezies et Toulemon, 2015).

Sources

Données

Cette évaluation utilise l’enquête Emploi de l’Insee. Cette enquête vise à observer la situation des personnes sur le marché du travail. Plus de 100 000 personnes sont contactées chaque trimestre pendant six trimestres consécutifs. L’enquête permet de suivre les absences au travail pour raison de santé lors de la semaine de référence de l’interrogation, définie comme la semaine précédant l’interrogation. Ces absences sont mesurées de façon déclarative et homogène entre les employés des différents secteurs. Elles incluent vraisemblablement les congés de maladie ordinaire, mais se rapportent probablement à un plus large. Cette enquête a déjà été utilisée pour étudier les absences pour raison de santé, par exemple par Inan (2013).

Champ

Le champ de l’étude est la fonction publique de l’État. Les fonctions publiques territoriale et hospitalière ont été exclues du champ d’investigation pour plusieurs raisons. En premier lieu, il semble que la mesure ait été appliquée de façon très variable dans la fonction publique territoriale. Ensuite, le secteur privé ne constituait pas un bon groupe de contrôle pour la fonction publique hospitalière. Enfin, les fonctions publiques territoriale et hospitalière possédaient déjà en partie d’autres mécanismes incitatifs visant à diminuer les absences (par exemple, des primes de service dépendant du nombre de jours d’absence).

Méthode de la différence de différences

La méthode de la différence de différences consiste à comparer les évolutions de la variable d’intérêt (ici les absences) d’un groupe dit « traité », ici la fonction publique de l’État, avec celle d’un groupe dit « non traité » ou « de contrôle », ou encore « témoin », ici le secteur privé. La mesure étudiée modifie l’indemnisation du premier jour d’arrêt maladie pour le groupe traité, mais pas pour le groupe de contrôle. L’utilisation du groupe de contrôle pour estimer l’effet de la mesure permet de neutraliser les effets conjoncturels affectant de la même manière les deux groupes (il y a par exemple des variations temporelles dans l’ampleur des épidémies).

Cette méthode repose sur l’hypothèse dite de « tendance commune » : en l’absence de la mesure dont on évalue l’effet (ici le jour de carence), l’évolution (non observée) des absences dans la fonction publique de l’État aurait été la même que l’évolution (observée) des absences dans le secteur privé (qui n’a pas connu de réforme du jour de carence).

Dans sa version la plus simple, la méthode de « différence de différences » consiste à comparer les différences de moyennes de la variable d’intérêt hors et pendant la période d’application de la mesure étudiée, entre le groupe traité et le groupe de contrôle.

Les résultats présentés tiennent compte, en plus, des caractéristiques individuelles des personnes interrogées : les caractéristiques observées, telles que l’âge ou le sexe, et inobservées, via un effet fixe individuel (Cazenave-Lacroutz et Godzinski, 2017).

Définitions

Absences pour raison de santé : l’enquête Emploi ne donne pas une mesure directe des arrêts pour congé maladie. Deux séries de questions permettent de recueillir des informations sur les absences en lien avec la santé. Celles-ci sont déclarées par les salariés et ne correspondent pas nécessairement à des absences pour lesquelles un médecin a prescrit un arrêt de travail.

Aux salariés qui ont travaillé au moins une heure au cours de la semaine de référence, il est demandé s’ils ont été absents « pour maladie ou accident du travail », et si oui, pendant combien de jours durant la semaine de référence. Aux salariés qui n’ont pas travaillé du tout pendant la semaine de référence, il est demandé s’ils ont eu « un congé maladie (y compris pour garde d’enfant) ou un accident du travail », et si oui, quelle est sa durée estimée.

L’analyse présentée porte sur les absences pour raison de santé, définies comme une réponse positive à l’une de ces deux questions. Ces absences sont différentes des congés maladie recensés dans les sources administratives. Tout d’abord, elles sont moins sensibles à un changement de motif administratif déclaré en cas d’absence. Ensuite, elles intègrent aussi les accidents du travail qui ont suscité un arrêt de travail. Ce second point constitue ici une erreur de mesure, puisque les accidents du travail ne sont pas soumis au jour de carence ; toutefois, ils restent très minoritaires par rapport aux arrêts de travail pour congé maladie. Enfin, les durées recensées peuvent être imprécises. Pour les réponses à la première série de questions, la durée déclarée peut être inférieure à la durée effective de l’absence, si celle-ci concerne également une autre semaine. Pour la deuxième série de questions, la durée déclarée pendant l’absence peut être différente de la durée effective ; en effet, la date prévue de retour au travail peut évoluer après la réponse à l’enquête selon l’état de santé du salarié.

Ces différences de définition des absences (principalement la première mentionnée) par rapport à une source administrative empêchent d’évaluer l’impact financier de la mesure. Par exemple, lorsqu’un agent déclare à l’enquêteur une absence de deux jours pour raison de santé, il peut avoir fourni un avis d’arrêt de travail pour congé maladie à son employeur. Mais il pourrait avoir préféré poser des journées de congés (congés annuels, RTT…), surtout en présence d’un jour de carence. Il n’est donc pas possible de savoir si une journée de rémunération a été déduite de la paie de l’agent.

Prévalence des absences pour raison de santé : proportion des employés qui sont absents pour raison de santé, au moins une partie de la semaine de référence considérée. Cette notion se distingue de l’incidence, proportion des employés qui débutent une absence pendant la période considérée.

Pour en savoir plus

Cazenave-Lacroutz A. et Godzinski A., « Effects of the one-day waiting period for sick leave on health-related absences in the French central civil service », Documents de travail Insee-Dese n° G2017/06, 2017 (à paraître).

Davezies L. et Toulemon L., « Ouvrir dans un nouvel ongletDoes moving to a system with a more generous public health insurance increase medical care consumption? », Annals of Economics and Statistics/Annales d’Économie et de Statistique n° 119-120, pp. 179-205, 2015.

Inan C., « Ouvrir dans un nouvel ongletLes absences au travail des salariés pour raisons de santé : un rôle important des conditions de travail », Dares Analyses n° 9, février 2013.

Perronnin M., Pierre A. et Rochereau T., « Ouvrir dans un nouvel ongletL’enquête Protection sociale complémentaire d’entreprise 2009 », Les rapports de l’Irdes n° 554, (biblio n° 1890), juillet 2012.

Pettersson-Lidbom P. et Thoursie P. S., « Ouvrir dans un nouvel ongletTemporary disability insurance and labor supply: evidence from a natural experiment », Scandinavian Journal of Economics, volume 115 (2), pp. 485-507, 2013.

Voss M., Floderus B. et Diderichsen F., « Ouvrir dans un nouvel ongletChanges in sickness absenteeism following the introduction of a qualifying day for sickness benefit - findings from Sweden Post », Scandinavian Journal of Public Health, volume 29 (3), pp. 166-174, 2001.