Femmes et hommes en Guyane : regard sur la parité aux différents âges de la vie
En Guyane, les inégalités entre les femmes et les hommes s’observent aux différents âges de la vie. En matière d’éducation, d’insertion professionnelle, d’emploi ou de conditions de vie, les différences entre les deux sexes sont d’amplitude variable, mais presque toujours le plus souvent défavorables aux Guyanaises. Moins présentes dans les filières les plus sélectives, davantage au chômage ou en emploi sous-qualifié, moins bien payées, elles réussissent mieux leur scolarité et vivent plus longtemps que les Guyanais.
La Guyane a longtemps été la seule région française où les hommes étaient plus nombreux que les femmes. Ce déséquilibre est issu de l'histoire coloniale, démographique et sociale : des bagnes guyanais à l'émigration économique, les migrations vers la Guyane sont essentiellement composées d'hommes. Du XIXe siècle jusqu'à aujourd'hui, les activités spécifiques guyanaises comprennent le système pénitentiaire et des métiers marqués par la forte proportion d'hommes (notamment liés aux activités aurifères et aujourd'hui aux activités spatiales). Mais ces dernières années, la part des femmes est en hausse, signe d'une sédentarisation des ménages guyanais et d'une moindre importance des migrations par rapport à l'ensemble de la population. En 2013, les femmes sont désormais aussi nombreuses que les hommes : 122 400 femmes pour 121 700 hommes.
Dans cette étude, les écarts régionaux entre les sexes sont comparés à ceux de la France hexagonale et les inégalités mesurées par le biais de nombreux indicateurs, si bien que, selon les domaines, les différences de situation entre les femmes et les hommes sont parfois plus accentuées ou au contraire moins prononcées. En Guyane comme dans les autres départements d’outre-mer (DOM), les écarts observés entre les deux sexes vont dans le même sens que ceux observés dans l’ensemble de la France pour la plupart des indicateurs, mais leur intensité diffère fréquemment.
En matière d’éducation, la parité n’est pas atteinte
Si les inégalités de réussite, de niveau scolaire et d’orientation entre les sexes se sont réduites au cours des dernières décennies, des écarts persistent à l’âge des études. En Guyane comme dans les autres régions françaises, les filles réussissent mieux leur scolarité que les garçons jusqu’à la fin du cursus du secondaire, elles poursuivent aussi leurs études plus longtemps mais s’orientent moins fréquemment vers les filières les plus sélectives.
La Guyane est la seule région française où les garçons sont davantage scolarisés. En 2013, leur taux de scolarisation est plus important que celui des filles (1,1 point en faveur des garçons contre 2,2 en faveur des filles en moyenne hexagonale). Les taux de scolarisation à 17 ans des garçons comme des filles sont très inférieurs à la moyenne hexagonale de 10,7 et 14 points. De nombreux jeunes quittent la Guyane pour trouver un emploi en France hexagonale et, dans une moindre mesure, pour poursuivre leurs études.
Lorsqu’elles sont encore scolarisées, les filles réussissent mieux leur baccalauréat que les garçons en Guyane comme dans toutes les régions françaises. Le taux de réussite au baccalauréat des filles est un peu plus élevé que celui des garçons mais l’écart entre les deux sexes est bien inférieur à la moyenne hexagonale. En Guyane, le taux de réussite au baccalauréat 2014 des filles (75,4 %) est supérieur de 2 points à celui des garçons (73,4 %). En revanche, les taux de réussite au baccalauréat des filles et des garçons sont en Guyane largement inférieurs à la moyenne hexagonale de 15,7 et 13,1 points, et les plus bas de toutes les régions. L’organisation de coopération et de développement économique (OCDE) pointe globalement une « insuffisance de la performance des garçons » et tente d’expliquer l’écart entre les filles et les garçons par des différences de comportements, d’engagement vis-à-vis de l’école, d’activités privilégiées par les uns et les autres en dehors du temps scolaire.
Les garçons, quant à eux, sont plus nombreux à étudier en classe préparatoire aux grandes écoles (CPGE). En 2013, la part d’étudiants en CPGE est en effet plus forte en Guyane que la part d’étudiantes comme dans toutes les régions françaises. En Guyane, l’écart entre les deux sexes s’élève à 1,4 point (contre 1,9 en moyenne hexagonale) et la part d’étudiants comme d’étudiantes en CPGE est quasiment la moins importante de France. La surreprésentation des garçons dans ces filières sélectives est assez élevée en Guyane : 3 % des étudiants sont inscrits en CPGE contre seulement 1,6 % des étudiantes. La parité n’est pas atteinte dans les filières du supérieur et les parcours demeurent différenciés selon le sexe.
L’insertion professionnelle des femmes, encore moins évidente que celle des hommes
Dans toutes les régions, à l’entrée dans l’âge adulte, les jeunes hommes sont plus souvent actifs que les jeunes femmes, mais ils restent vivre plus longtemps chez leurs parents. Les jeunes, surtout lorsqu’ils sont peu ou pas diplômés, connaissent des difficultés croissantes pour accéder à l’emploi et sont enclins à retarder leur entrée dans la vie active. L’accès à l’emploi, une fois la formation initiale achevée, n’est pas toujours garanti pour les jeunes guyanais.
La différence entre les jeunes hommes et les jeunes femmes vivant encore chez leurs parents n’est pas très marquée en Guyane, contrairement aux Antilles. En 2013, 22,7 % des hommes âgés de 25 à 29 ans vivent encore chez leurs parents, contre seulement 12,6 % des femmes. En France hexagonale, la part de jeunes du même âge vivant chez leurs parents est légèrement plus faible (20,9 % des hommes, 10,5 % des femmes), mais l’écart femmes-hommes quasiment le même. Les filles quittent généralement plus tôt le domicile parental que les garçons. Ainsi, entre 25 et 29 ans, près de neuf jeunes guyanaises sur dix ne vivent déjà plus chez leurs parents contre un peu plus des trois quart des jeunes guyanais. Les jeunes femmes partent les premières car, en moyenne, elles vivent en couple et ont des enfants plus tôt.
En matière d’insertion professionnelle, la Guyane se distingue de la France hexagonale par des taux d’activité beaucoup plus faibles entre 25 et 29 ans, inférieurs de 18 points chez les femmes et jusqu’à 21 points chez les hommes en 2013. C’est d’ailleurs la région française où ce taux est le plus faible pour les deux sexes. En revanche, la Guyane présente des taux d’activité relativement homogènes selon le sexe (4,1 points contre 7,1 en moyenne hexagonale). En Guyane comme aux Antilles, les différences d’accès au marché du travail entre les femmes et les hommes sont bien plus réduites car les taux d’activité masculins sont particulièrement faibles.
Si l’écart entre les deux sexes est faible en termes de taux d’activité, il est renforcé par des situations bien plus fréquentes chez les jeunes femmes de sous-qualification de l’emploi au regard de leur niveau de diplôme. Le taux de déclassement (définitions) touche en effet un peu plus les jeunes femmes de 25 à 29 ans que les jeunes hommes du même âge en Guyane. Les différences entre les deux sexes en matière de déclassement se situent en-dessous de la moyenne hexagonale (6,9 points contre 6,1 en moyenne hexagonale en 2012). Cette situation est en effet moins fréquente en Guyane car le niveau de formation de la population est faible. Les taux de déclassement des jeunes hommes comme des jeunes femmes sont d'ailleurs les moins élevés de France (35,1 % pour elles, 28,2 % pour eux). Le déclassement est toutefois particulièrement fort en début de parcours professionnel, si bien que les jeunes sont parmi les plus touchés.
En 2013, les jeunes guyanais âgés de moins de 30 ans sont particulièrement concernés par le chômage. Le taux de chômage au sens du Recensement de la population est très élevé chez les hommes et encore davantage chez les femmes : 33,6 % d’entre eux contre 42,9 % d’entre elles. Cet écart entre les deux sexes est le plus prononcé de France (9,3 points contre 1,5 en moyenne hexagonale). L’entrée dans la vie active des jeunes guyanaises est souvent plus difficile que pour les jeunes guyanais car beaucoup d’entre elles sont déjà mères. En France hexagonale, la proportion de jeunes au chômage est beaucoup plus faible. En Guyane, l’écart entre les deux sexes est le plus prononcé de France (9,3 points contre 1,5 en moyenne hexagonale), ce qui souligne les difficultés rencontrées par les jeunes en Guyane dans la recherche d’un emploi.
Les inégalités face à l’emploi sont toujours défavorables aux femmes
En matière d’emploi et de conditions d’emploi, la parité entre les actives et les actifs n’est pas respectée, en Guyane comme dans les autres régions françaises. À l’âge actif, les écarts sont toujours défavorables aux femmes.
En 2013, dans l’ensemble des régions, les femmes âgées de 30 à 65 ans ont des revenus salariaux annuels inférieurs à ceux des hommes du même âge et ont accès à une gamme moins large de métiers. Comme dans les autres DOM mais de façon encore plus marquée, la Guyane se distingue par de faibles écarts de revenus entre les sexes (11,2 points en faveur des hommes contre 27 en moyenne hexagonale). Les revenus salariaux des actifs guyanais sont inférieurs à ceux des métropolitains, tandis que ceux des actives guyanaises sont supérieurs. En Guyane, la gamme de métiers est la plus réduite de France hexagonale pour les hommes et pour les femmes. Tandis que 14 familles professionnelles (FAP) concentrent la moitié des hommes actifs occupés contre 19 en moyenne hexagonale, seules 8 FAP concentrent la moitié des femmes actives occupées contre 12 en moyenne hexagonale. La faible rémunération des femmes est surtout liée à leurs conditions d’emploi et au fait, notamment, qu’elles travaillent plus souvent à temps partiel que les hommes.
Sur le plan familial, la monoparentalité touche beaucoup plus souvent les femmes, partout en France, et particulièrement dans les DOM. En 2013, la proportion d’hommes en situation de monoparentalité est faible en Guyane, mais la plus élevée de France (4,4 % des 30-65 ans contre 2,4 % en moyenne hexagonale). A contrario, la monoparentalité touche plus d’un quart des femmes du même âge contre seulement 10 % en moyenne hexagonale. L’écart femmes-hommes le plus marqué, après les Antilles, concerne la Guyane : 21 points en faveur des femmes contre seulement 7,6 en moyenne hexagonale. C’est la part de ménages composés d’une famille monoparentale qui distingue le plus les structures familiales des DOM de celles de la France hexagonale. À l’origine de cette situation, moins de mariages qu’en France hexagonale et davantage de naissances issues de couples non constitués, avec une part très importante d’enfants non reconnus par le père et de maternités précoces avant 20 ans.
Les femmes et les hommes ont des conditions de vie proches
À 65 ans, quand vient l’âge de la retraite, l’espérance de vie, partout plus élevée pour les femmes que pour les hommes comme aux autres âges de la vie, se traduit par une plus forte proportion de femmes âgées vivant seules à leur domicile ou, dans une moindre mesure, en institution.
En 2014, l’espérance de vie à 65 ans des femmes et des hommes de Guyane est inférieure à la moyenne hexagonale de 0,9 an pour elles et 1,3 pour eux (22,4 ans pour les Guyanaises, 18 ans pour les Guyanais). L’écart constaté entre les deux sexes est en Guyane le plus élevé de France (4,4 points en faveur des femmes contre 4 en France hexagonale).
En Guyane, une minorité de seniors vivent seuls. En 2013, ce mode de vie concerne uniquement 31,2 % des femmes âgées de 65 ans et plus et encore moins d’hommes du même âge (23,1 %). L’écart entre les deux sexes est le plus faible de France (8,1 points en faveur des femmes en Guyane contre 23,2 en moyenne hexagonale). Les seniors sont par ailleurs très peu nombreux à vivre en institution et même parmi les moins nombreux de France : à peine plus de femmes que d’hommes (2,9 % contre 2,1 %), comme en France hexagonale (7,2 % contre 4 %). Pour des raisons économiques, sociales et/ou liées à des traditions culturelles, plusieurs générations peuvent cohabiter au sein d’un même ménage. Dans les DOM, c’est souvent le cas des jeunes adultes avec leur(s) parent(s).
tableauFigure 1 – En Guyane, la monoparentalité concerne principalement les femmesMesure des inégalités aux différents âges de la vie selon le sexe, en Guyane et en France hexagonale en 2013 (1)
Guyane | France hexagonale | |||
---|---|---|---|---|
Femmes | Hommes | Femmes | Hommes | |
Àge des études (moins de 25 ans) | ||||
Taux de scolarisation à 17 ans (en %) | 80,4 | 81,5 | 94,4 | 92,2 |
Taux de réussite au baccalauréat** (en %) | 75,4 | 73,4 | 91,1 | 86,5 |
Part des étudiants en CPGE (en %) | 1,6 | 3,0 | 2,6 | 4,5 |
Àge adulte (25-29 ans) | ||||
Part de personnes vivant chez leurs parents (en %) | 12,6 | 22,7 | 10,5 | 20,9 |
Taux de chômage au sens du RP (en %) | 42,9 | 33,6 | 18,2 | 16,7 |
Taux d'activité (en %) | 69,4 | 73,5 | 87,4 | 94,5 |
Taux de déclassement* (en %) | 35,1 | 28,2 | 45,7 | 39,6 |
Àge actif (30-65 ans) | ||||
Taux d'activité (en %) | 68,9 | 74,2 | 74,1 | 81,7 |
Revenu salarial annuel (en €) | 24 562 | 27 672 | 20 629 | 28 271 |
Nombre de FAP qui concentrent 50 % des actifs occupés | 8 | 14 | 12 | 19 |
Part de personnes en situation de monoparentalité (en %) | 25,4 | 4,4 | 10,0 | 2,4 |
Àge de la retraite (plus de 65 ans) | ||||
Espérance de vie à 65 ans** (en année) | 22,4 | 18,0 | 23,3 | 19,3 |
Part de personnes vivant seules (en %) | 31,2 | 23,1 | 42,0 | 18,8 |
Part de personnes vivant en institution (en %) | 2,9 | 2,1 | 7,2 | 4,0 |
- (1) Sauf mention contraire : * en 2012, ** en 2014
- Sources : Insee, Recensement de la population, Estimations de population, DADS, État civil - DEPP, SIES
graphiqueFigure 2 – En Guyane, les femmes sont 1,4 fois plus nombreuses que les hommes à vivre seulesSituation des femmes par rapport à celle des hommes selon divers indicateurs, en Guyane et en France hexagonale en 2013 (1)
graphiqueFigure 3 – En Guyanee, l’écart femmes-hommes relatif au taux de chômage est plus marqué qu’en France hexagonaleSituation des jeunes : position relative de la Guyane par rapport à la France hexagonale, selon l’écart femmes-hommes en 2013 (1)
Parité entre hommes et femmes
La notion de parité constitue le fondement des politiques de lutte contre les inégalités entre les hommes et les femmes.
Au nom de ce principe, plusieurs lois visant à réduire les disparités dans les domaines de l’éducation, de l’emploi, des salaires, de la représentation des femmes dans les instances de pouvoir politique et économique ont été édictées.
Ces lois permettent ainsi d’avancer vers la parité hommes-femmes :
- les femmes mariées peuvent disposer librement de leur salaire (1907) ;
- les femmes obtiennent le droit de vote et l’éligibilité (1944) ;
- le préambule de la Constitution pose le principe de l’égalité des droits entre les hommes et les femmes (1946) ;
- le principe de l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes pour un travail de valeur égale est reconnu (1972) ;
- les lois du 6 juin 2000, du 10 juillet 2000, du 11 avril 2003, du 31 janvier 2007 et du 28 février 2008 favorisent l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives.
Plus récemment, la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 « pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes » a pour objectif de consolider les droits des femmes et en garantir l’effectivité lorsqu’elle n’est pas acquise, d’ouvrir de nouvelles perspectives à l’égalité et de créer les conditions d’expérimentation utiles pour faire avancer l’égalité.
Sources
L’espérance de vie est calculée à partir de l’État civil.
Le taux de réussite au baccalauréat et la part des étudiants en CPGE mobilisent les données du ministère de l’Éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche (Sous-direction des systèmes d’information et des études statistiques, SIES).
Le revenu salarial annuel est connu grâce aux déclarations annuelles de données sociales (DADS).
Tous les autres indicateurs sont issus du Recensement de la population.
Définitions
Les personnes ayant un niveau de diplôme supérieur au niveau le plus courant de leur catégorie socioprofessionnelle sont considérées comme étant en situation de déclassement.
Cette étude distingue quatre grands âges de la vie : l’âge des études (moins de 25 ans), l’âge adulte (25-29 ans), l’âge actif (30-65 ans) et l’âge de la retraite (plus de 65 ans).
Pour en savoir plus
Femmes et hommes - Regards sur la parité, Insee Références, édition 2012
Indicateurs régionaux sur les inégalités entre les femmes et les hommes, Chiffres détaillés, avril 2016
Des inégalités femmes-hommes marquées, dont certaines s’accentuent, Insee Flash Guyane n°34, mars 2016