Insee Flash RéunionLe Nord et l'Ouest tirent leur épingle du jeu Arrivées d’emplois à La Réunion

Gaëlle Rabaey, Sébastien Seguin, Insee

Si l'économie productive est moins développée à La Réunion qu'en moyenne nationale, l'emploi y est très dynamique : + 6 % entre 2008 et 2013. Pour autant les arrivées d'emplois décidées par des employeurs extérieurs sont peu nombreuses comparativement aux zones d’emploi de métropole. En lien avec les structures locales de l'emploi, le Nord et à un degré moindre l'Ouest concentrent les arrivées d'emplois qualifiés. Les spécificités géographiques des zones d’emploi de La Réunion sont par ailleurs peu favorables à l'arrivée de résidents, retraités, navetteurs ou touristes.

Gaëlle Rabaey, Sébastien Seguin, Insee
Insee Flash Réunion No 79- Novembre 2016

Pour mieux comprendre les évolutions d'emploi à l’échelle des territoires, une première approche, fréquemment utilisée par les économistes, consiste à partitionner les activités économiques en deux grandes sphères (). La sphère productive regroupe les activités potentiellement exportatrices de biens et services : agriculture, industrie, commerce de gros et services aux entreprises. La sphère présentielle, tournée vers la satisfaction des besoins des personnes présentes, résidents ou touristes, regroupe notamment le commerce de détail, la santé et l’action sociale, l’éducation, les services aux particuliers, l’administration et la construction. L’économie présentielle correspond à des activités nécessitant une proximité forte avec la population, tandis que l’économie productive, ouverte à la concurrence internationale, sert des besoins au-delà de la zone et présente un ancrage territorial plus ténu.

L'emploi dans la sphère productive progresse à La Réunion

Comme dans les autres départements d'outre-mer, l'économie productive est moins développée à La Réunion qu'en moyenne nationale, en lien avec un développement économique plus tardif et des handicaps naturels, notamment l’éloignement de la métropole et la taille du marché : 22 % des emplois relèvent de la sphère productive, contre 34 % au niveau national (figure 1). La faible ouverture vers l'extérieur de l'économie réunionnaise, en particulier vers ses voisins de l'océan Indien, explique aussi sans doute en partie le poids limité de cette économie productive. Pour autant, l'emploi est très dynamique dans cette sphère sur la période récente, en particulier dans le Sud de l’île : il a ainsi progressé de 6,2 % à La Réunion entre 2008 et 2013, alors qu'il diminuait de 1,5 % en moyenne nationale. La croissance de l'emploi régional dans cette sphère est même plus forte que dans la sphère présentielle.

Figure 122 % des emplois dans la sphère productive à La Réunion - Répartition et évolution de l'emploi dans les sphères d'activité

22 % des emplois dans la sphère productive à La Réunion - Répartition et évolution de l'emploi dans les sphères d'activité
Répartition de l'emploi Évolution 2008-2013 de l'emploi
Présentielles Productives Ensemble Présentielles Productives
en %
Nord 79,7 20,3 2,2 1,6 4,3
Ouest 73,5 26,5 4,0 3,2 6,1
Sud 79,8 20,2 9,5 9,8 8,5
Est 81,3 18,7 5,2 5,3 5,1
La Réunion 78,4 21,6 5,3 5,0 6,2
France métropolitaine 65,6 34,4 0,7 1,9 - 0,0
  • Source : Insee, recensements de la population 2008 et 2013.

Malgré ce dynamisme, les quatre zones d'emploi réunionnaises bénéficient relativement peu d’arrivées d’emplois productifs décidés par des employeurs extérieurs, ces arrivées étant un levier de développement des territoires. La zone d'emploi de l'Ouest ne fait pas exception, alors que l'économie productive y est pourtant davantage développée que la moyenne régionale (26,5 % contre 21,6 %), en lien avec la présence du complexe industrialo-portuaire (figure 2). Les zones d'emploi réunionnaises ont néanmoins gagné des places au niveau national entre 2008 et 2013, en particulier celles du Nord et du Sud (+ 40 places environ au sein des 321 zones d’emplois), ce qui témoigne du regain d'activité économique récent de La Réunion (suite à la crise économique de 2008).

Figure 2Le Nord attire des actifs qualifiés - Indicateurs mesurant la capacité des zones d'emploi à attirer des ressources extérieures en 2013

Le Nord attire des actifs qualifiés - Indicateurs mesurant la capacité des zones d'emploi à attirer des ressources extérieures en 2013 - Lecture : les indicateurs sont appréciés en niveau en 2013 par rapport à la moyenne nationale des zones d'emploi. Le signe ++ signifie que la zone d'emploi est sensiblement au-dessus de la moyenne nationale. Inversement, le signe -- signifie un positionnement de la zone nettement au-dessous de la moyenne, tandis que le signe = indique un positionnement proche de la moyenne.
Emplois productifs (*) Actifs qualifiés Retraités Navetteurs
Nord - - + + - - -
Ouest - = - - -
Sud - - - - - - - -
Est - - - - - - -
  • * décidés par des centres de décision extérieurs à la zone d'emploi
  • Lecture : les indicateurs sont appréciés en niveau en 2013 par rapport à la moyenne nationale des zones d'emploi. Le signe ++ signifie que la zone d'emploi est sensiblement au-dessus de la moyenne nationale. Inversement, le signe -- signifie un positionnement de la zone nettement au-dessous de la moyenne, tandis que le signe = indique un positionnement proche de la moyenne.
  • Sources : Insee, Sirene - Clap - Lifi - recensement de la population 2013.

Le Nord et l'Ouest concentrent les arrivées d’emplois qualifiés

En s’appuyant sur les professions exercées par les actifs travaillant sur le territoire et en les regroupant en quinze fonctions, transversales à la fois aux secteurs d’activité économique et aux niveaux de qualification, une deuxième approche permet de mieux comprendre les mécanismes à l’œuvre en termes de dynamique d’emplois au sein des zones d'emploi réunionnaises.

Celles-ci présentent ainsi des structures d'emploi très différentes les unes des autres. Les fonctions qu'on peut qualifier de « stratégiques » (conception-recherche, prestations intellec-tuelles, commerce inter-entreprises, gestion et culture-loisirs), qui emploient davantage de cadres et sont plus présentes dans les métropoles et grandes agglomérations, sont nettement plus répandues dans la zone d'emploi du Nord, à Saint-Denis et Sainte-Marie principalement. En particulier, la fonction « gestion » prédomine dans l'agglomération dionysienne (figure 3), ce qui reflète la concentration des sièges sociaux ou d’administrations d’entreprises, mais également d’activités informatiques, financières, de banques, d’assurances ou de communication. À l'inverse, le poids des services à la population est plus élevé dans le Sud et l'agriculture plus présente à l'Est et dans le Sud ; or ces fonctions nécessitent moins de main-d'œuvre qualifiée.

Ces fortes disparités de structure d’emplois expliquent pour l'essentiel les différences en termes d’attractivité d'actifs qualifiés (cadres et personnels de conception-recherche du secteur privé). En 2013, la zone Nord est celle qui compte le plus d’actifs qualifiés à La Réunion (5,2 %) et elle en attire nettement plus que les autres zones. Dans une moindre mesure, la zone d'emploi de l'Ouest tire aussi son épingle du jeu en matière d'attractivité, en lien notamment avec l'activité économique générée par le port.

Au sein des zones d'emploi ultra-marines, l'attractivité de ces deux zones d'emploi réunionnaises reste néanmoins très éloignée de celle de Kourou, qui abrite le centre spatial guyanais et attire ainsi des ressources humaines hautement qualifiées et spécialisées (1re place sur les 321 zones françaises). Le Nord de La Réunion se situe ainsi en 3e position des zones d'emploi ultra-marines sur ce critère, juste derrière celles de Kourou et de Cayenne en Guyane. La zone d’emploi Nord se classe néanmoins dans les 50 premières françaises.

Des spécificités peu favorables à l'arrivée de résidents

L'évolution de l'emploi dans la sphère présentielle est d'autant plus forte que la population qui y réside augmente de façon soutenue, ce qui est le cas à La Réunion (+ 0,7 % par an entre 2008 et 2013, contre + 0,5 % en France métropolitaine). La croissance annuelle moyenne de l'emploi dans cette sphère est d'ailleurs très proche de celle de la population. Mais elle est aussi corrélée à l’arrivée de résidents, en particulier de retraités, de personnes qui travaillent en dehors du territoire (les « navetteurs ») et de touristes. Ceux-ci perçoivent des revenus à l'extérieur de la zone d'emploi et stimulent l’économie du territoire en les dépensant localement. Mais les spécificités géo-graphiques de La Réunion (éloignement de la métropole, insularité) limitent l’arrivée de telles ressources extérieures.

Ainsi, la configuration montagneuse de La Réunion et son caractère insulaire constituent des handicaps à la mobilité des « navetteurs » entre zones d’emploi. Toutefois, l’ouverture en juin 2009 de la route des Tamarins, qui relie l’Ouest au Sud-ouest de l'île, a favorisé l’installation croissante de « navetteurs » au Nord et à l'Ouest. Ces deux zones ont ainsi gagné environ 60 places au classement des zones d'emploi françaises sur ce critère entre 2008 et 2013, passant respectivement de la 298e place à la 240e et de la 260e à la 194e.

Bien qu'en métropole les retraités privilégient les façades littorales et un cadre de vie agréable, ils sont peu nombreux à s'installer à La Réunion, l'éloignement géographique constituant également un frein important. Enfin, l'emploi dans la sphère présentielle n'est guère soutenu par l'arrivée des résidents temporaires que sont les touristes, qui consomment au cours de leur séjour et participent ainsi également au cycle économique. Malgré la richesse de son patrimoine naturel, l'île de La Réunion attire en effet relativement peu de touristes, en lien notamment avec la concurrence d'autres îles touristiques de l’océan Indien et un coût du transport élevé. De surcroît, le tourisme à La Réunion étant principalement affinitaire, les consommations des touristes sont assez limitées. Au final, les dépenses touristiques à La Réunion ne représentent que 1,8 % du produit intérieur brut de l’île, soit un poids très éloigné de celui du tourisme dans une île comme la Corse par exemple (un tiers environ). 

Figure 3L’emploi dans la fonction « gestion » est concentré au Nord

en %
L’emploi dans la fonction « gestion » est concentré au Nord (en %)
Nord Ouest Sud Est
Administration publique 14,9 9,4 12,1 13
Services de proximité 10,5 12,4 12,5 11
Gestion 15,8 10,5 8,8 7,9
Santé, action sociale 9,4 8,8 10,2 9,3
Éducation, formation 7,8 8,4 9,3 11,5
Entretien, réparation 7,7 9,2 8,8 9,1
Distribution 7,4 8 9,2 7,9
Bâtiment 5,5 8,4 7,9 9,8
Transport, logistique 7,4 9,1 6,2 6,4
Agriculture 1,1 2,7 5,2 5,7
Prestations intellectuelles* 4,1 3,2 2 1,6
Autres 8,5 9,9 7,8 6,8
  • * dont conception et recherche.
  • Source : Insee, Recensement de la population 2013.

Figure 3L’emploi dans la fonction « gestion » est concentré au NordRépartition de l'emploi par fonctions en 2013 au sein des zones d'emploi

  • * dont conception et recherche.
  • Source : Insee, Recensement de la population 2013.

Définitions

Les concepts de zone d'emploi, de sphère économique et de fonctions remplies par les actifs sont définis sur le site www.insee.fr

Le taux d'arrivée d'emplois représente le nombre moyen de créations et de transferts d'emploi sur le champ des activités dites « productives » dans les établissements de la zone d’emploi, décidés par des employeurs extérieurs, rapporté à l'emploi moyen de la zone.

Le taux d'arrivée d'actifs qualifiés rapporte le nombre d'arrivées d'actifs qualifiés (cadres et de personnels de conception-recherche du secteur privé) au lieu de travail sur une période d’un an au nombre total d'emplois de la zone.

Le taux d'arrivée de retraités est calculé en rapportant le nombre de retraités venus habiter dans la zone d’emploi sur une période d’un an à la population totale.

Le taux d'installation d'actifs résidant nouvellement dans la zone d’emploi et qui travaillent en dehors (navetteurs) rapporte le nombre d'actifs venus habiter depuis un an dans la zone d'emploi, et qui travaillent ailleurs, à la population totale.

Pour en savoir plus

Sourd C., « Arrivées d'emplois et de résidents - Un enjeu pour les territoires , Insee Première n° 1622, novembre 2016 ;

Duplouy B (dir.),« Bilan économique 2015 : la croissance se maintient » Insee Conjoncture Réunion n° 2, juin 2016 ;

Brasset M. et Fagnot O.,« Le poids de la fonction publique et de l'économie résidentielle », Économie de La Réunion n° 128, pp. 25-27, décembre 2006.