58 quartiers de la politique de la ville en Bourgogne-Franche-Comté : un cumul de fragilités
En Bourgogne-Franche-Comté, plus de 140 000 personnes vivent dans 58 quartiers qui relèvent de la politique de la ville. Pour les habitants de ces quartiers, les difficultés sont nombreuses : 44 % d’entre eux vivent sous le seuil de pauvreté. Ils sont aussi moins diplômés que la population de leur unité urbaine d’appartenance et de fait s’insèrent plus difficilement sur le marché du travail : un actif sur quatre occupe un emploi précaire, six femmes sur dix sont sans emploi.
En Bourgogne-Franche-Comté, plus de 140 000 habitants résident dans les 58 quartiers qui relèvent de la politique de la ville. Cette nouvelle géographie prioritaire introduite en 2014 a pour objectif de recentrer l’action publique sur les territoires urbains les plus en difficulté. Ces quartiers ont été définis au sein des unités urbaines (définitions) de plus de 10 000 habitants.
En Bourgogne-Franche-Comté, 25 unités urbaines sont concernées (figure 1). Treize d’entre elles, comme Migennes, Autun, Héricourt ou Vesoul ne comptent qu’un seul quartier de la politique de la ville (QPV). Les plus peuplées en comptent davantage : cinq dans celles de Dijon, de Besançon et de Belfort, sept dans celle de Montbéliard. Les unités urbaines de Louhans et de Delle (partie française) n’en comptent aucun.
graphiqueFigure 1 – Sept quartiers de la politique de la ville à Montbéliard
Un cinquième des habitants de Belfort, Joigny et Saint-Claude
Ces 25 unités urbaines sont hétérogènes sur de multiples critères, notamment sur leur nombre d’habitants et le niveau de revenus (définitions) de leur population. En moyenne dans ces unités urbaines, 13 % de la population vit dans un quartier de la politique de la ville, une proportion qui varie fortement en fonction de leur profil (figure 2).
Dans les unités urbaines les plus pauvres, comme celles de Joigny, Belfort ou Saint-Claude, c’est un habitant sur cinq qui vit dans un QPV. En revanche, ces quartiers concentrent moins d’un habitant sur dix dans des unités urbaines plutôt aisées comme celle de Beaune. Les QPV représentent aussi une faible part de la population dans les unités urbaines où les écarts de revenus sont faibles comme Migennes ou Montceau-les-Mines. En effet, un revenu fiscal médian en décrochage par rapport à son unité urbaine d’appartenance est un critère de définition des QPV (encadré).
graphiqueFigure 2 – Dans l'unité urbaine de Châlon-sur-Saône, 13 % de la population vit dans un quartier de la politique de la ville
Des taux de pauvreté de 30 % à plus de 50 %
La pauvreté monétaire (définitions) est donc, par construction, plus prononcée dans les QPV que dans le reste de l’unité urbaine dont ils relèvent (figure 3). Dans la région, le taux de pauvreté des habitants des QPV s’élève en moyenne à 44 %, alors qu’il n’est que de 16 % dans l’ensemble des unités urbaines dont ils relèvent.
Les QPV des petites unités urbaines de Gray, Luxeuil-les-Bains, Joigny et Dole, se distinguent par des taux de pauvreté très élevés : plus de la moitié des habitants de ces quartiers disposent d’un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté. À Pontarlier, Beaune et Dijon, les taux de pauvreté des QPV sont moins élevés, compris entre 30 % et 40 %.
graphiqueFigure 3 – Des taux de pauvreté dans les QPV supérieurs à 30 % quelle que soit l'unité urbaine
Une personne sur quatre en emploi précaire
Les difficultés rencontrées par la population des QPV ne se limitent pas à la pauvreté monétaire. La précarité y revêt d’autres formes (figure 5). La population s’insère plus difficilement sur le marché du travail : un ménage sur quatre perçoit des allocations chômage contre un sur six dans les unités urbaines d’appartenance. Un habitant sur quatre occupe un emploi précaire (CDD, apprentissage, intérim, stage), soit un écart de onze points avec les unités urbaines dont relèvent ces quartiers. L’accès à l’emploi pour les femmes y est aussi plus difficile : 63 % des femmes de 15 à 64 ans ne sont pas actives en emploi contre 43 % en moyenne dans les unités urbaines d’appartenance. Ce retrait des femmes du marché du travail est d’ailleurs plus prononcé dans la région qu’en moyenne métropolitaine.
Les conditions d’accès à l’emploi sont d’autant plus difficiles dans ces quartiers que les parcours scolaires sont loin d’être sans à-coup : les retards à l’entrée en sixième sont fréquents, huit habitants sur dix n’ont pas de diplôme ou bien un diplôme inférieur au baccalauréat.
graphiqueFigure 5 – Une précarité pas seulement monétaire
Davantage de jeunes et de familles nombreuses
Comme au niveau national, la population des QPV est plus jeune que dans les unités urbaines où ils sont implantés. Les familles sont aussi plus souvent des familles nombreuses ou en situation de monoparentalité (figure 4). La population étrangère y est aussi davantage présente.
De fait les QPV concentrent certaines catégories de population au-delà des 13 % de moyenne pour l’ensemble de la population.
Ainsi, un quart des jeunes de Joigny, Belfort, Sens, ou encore Besançon vit dans un QPV ; et à Saint-Claude, Besançon ou Belfort, plus de 30 % des familles nombreuses habitent un QPV.
De même, les QPV concentrent 40 % de la population étrangère en moyenne, voire plus de 50 % à Mâcon, Belfort, Sens et Lons-le-Saunier.
graphiqueFigure 4 – Caractéristiques de la population des QPV
Un logement social parfois très concentré
La répartition spatiale des populations en situation de précarité est fortement liée à l’implantation du logement social dont les conditions d’attribution dépendent pour partie du niveau de ressources des ménages. Dans les quartiers politique de la ville de la région, la densité de logements sociaux est sensiblement plus marquée avec 97 logements du parc social pour cent ménages contre 76 au niveau national. À l’exception de Pontarlier, l’offre de logement social en QPV est supérieure à la moyenne métropolitaine dans toutes les unités urbaines.
Le logement social est concentré dans les QPV, surtout dans les petites unités urbaines. Ainsi à Saint-Claude, Joigny, Lure et Luxeuil-les-Bains, au moins 60 % des logements sociaux sont implantés en QPV. La concentration est encore plus prononcée à Cosne-Cours-sur-Loire où 86 % de l’habitat social est en QPV. Dans les plus grandes unités urbaines, une part importante du logement social peut être situé hors QPV : seulement 31 % relèvent d’un QPV à Dijon et 54 % à Besançon.
La réforme de la politique de la ville
La loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine du 21 février 2014 a introduit une nouvelle géographie prioritaire de la politique de la ville (figure 1). Celle-ci a pour objectif de recentrer l’action publique sur les quartiers les plus en difficulté. Les quartiers de la politique de la ville (QPV) ont été définis au sein des unités urbaines de 10 000 habitants ou plus sur la base de deux critères. Un QPV doit avoir un nombre minimal d’habitants, et un revenu médian très inférieur à celui de son unité urbaine d’appartenance. Le revenu fiscal a été retenu comme critère synthétique de fragilité suite à la concertation nationale « Quartiers, engageons le changement » conduite en 2012.
Les QPV remplacent les zonages formés par les zones urbaines sensibles (ZUS) et les contrats urbains de cohésion sociale (CUCS). 1 296 QPV sont situés en France métropolitaine, 140 dans les départements d’outre-mer et environ 80 en Polynésie française et à Saint-Martin. Cette étude se limite aux QPV de France métropolitaine, car certaines des données utilisées ne sont pas encore disponibles pour l’outre-mer. La Polynésie française fait partie de l’outre-mer.
Le contrat de ville est l’outil de gouvernance et de stratégie territoriale. Il repose sur trois piliers : le développement de l’activité économique et de l’emploi, la cohésion sociale, et l’amélioration du cadre de vie des habitants des QPV. Il coordonne au niveau de chaque ville les orientations et les engagements des partenaires institutionnels, économiques et associatifs.
graphiqueFigure_6 – Revenus médians dans l'unité urbaine bisontine
graphiqueFigure_7 – Revenus médians dans l'unité urbaine dijonnaise
Sources
Le fichier localisé social et fiscal (Filosofi) de 2012 est issu du rapprochement des données fiscales exhaustives (déclaration de revenus des personnes physiques, taxe d’habitation et fichier d’imposition des personnes physiques) et des données sur les prestations sociales. Ces informations permettent de reconstituer un revenu déclaré (avant impôt) et un revenu disponible (après impôt et y compris prestations sociales) à des niveaux locaux fins.
Les estimations démographiques pour les quartiers de la politique de la ville s’appuient sur le recensement de la population de 2010. Elles fournissent des indicateurs sur la répartition des habitants par âge, situation socioprofessionnelle, diplôme et nationalité ainsi que la répartition des ménages et des logements selon différents critères.
Les données sur le logement social proviennent du répertoire des logements locatifs des bailleurs sociaux (RPLS) du service de l’observation et des statistiques (SOeS) du ministère de l'Environnement, de l'énergie et de la mer. Les données utilisées sont datées du 1er janvier 2013. Les logements du secteur social sont les logements appartenant à des organismes d’habitations à loyer modéré (HLM) ou à d’autres bailleurs de logements sociaux qui sont soumis à la législation HLM pour la fixation de leur loyer, ainsi que les logements en dehors du champ des organismes de HLM mais pratiquant un loyer HLM.
Définitions
Une unité urbaineest une commune ou un ensemble de communes présentant une zone de bâti continu (pas de coupure de plus de 200 mètres entre deux constructions) qui compte au moins 2 000 habitants. Dans cette étude, pour un quartier de la politique de la ville donné, on appelle unité urbaine englobante l’unité urbaine à laquelle il appartient.
Le niveau de vie d’une personne (ou d’un ménage) est égal au revenu disponible du ménage auquel il appartient divisé par le nombre d’unités de consommation (UC) dans ce ménage. Le niveau de vie est donc le même pour toutes les personnes d’un même ménage. On attribue 1 UC au premier adulte du ménage, 0,5 UC aux autres personnes de 14 ans ou plus et 0,3 UC aux enfants de moins de 14 ans. Le niveau de vie médian, qui partage la population en deux, est tel que la moitié des personnes disposent d’un niveau de vie inférieur et l’autre moitié d’un niveau de vie supérieur.
Pauvreté monétaire :une personne (ou un ménage) est considérée comme pauvre lorsque son niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté. Selon des conventions européennes, ce seuil est fixé à 60 % du niveau de vie médian. En France métropolitaine, il est estimé à partir de Filosofi à 11 871 euros annuels en 2012.
Le revenu disponibled’un ménage est le revenu à sa disposition pour consommer et épargner. Il comprend les revenus d’activité (salaires, revenus d’activités non salariées), les revenus de remplacement (retraites et pensions, indemnités de chômage, indemnités de maladie), les revenus du patrimoine (dont en particulier les revenus financiers, qui sont imputés pour ceux qui ne sont pas soumis à déclaration, les revenus fonciers, les revenus accessoires, etc.) et les prestations sociales reçues (prestations familiales, minima sociaux et prestations logements). Au total de ces ressources, quatre impôts directs sont déduits : l’impôt sur le revenu, la taxe d’habitation, la contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS).
Le taux de pauvreté correspond à la proportion de personnes (ou de ménages) dont le niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté.
Pour en savoir plus
Renaud A., Sémécurbe F., Les habitants des quartiers de la politique de la ville : la pauvreté côtoie d’autres fragilités Insee Première n° 1593 mai 2016.
Détroit A., Lecrenais C., Quartiers prioritaires en Bourgogne : une offre et un accès aux services de santé très variables Insee Analyses Bourgogne n° 13 - juin 2015.
Mirault A., Weinachter F., Govignaux O., Pezzoli F., Pauvreté et précarité dans la communauté d’agglomération du Grand Besançon : onze secteurs plus particulièrement concernés Insee Franche-Comté Analyses n° 03 - novembre 2014.