Insee Analyses Hauts-de-FranceTemps d’accès aux services : la densité de population avantage la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie

Frédéric Lejeune, Élisabeth Vilain, Insee

Sept habitants du Nord-Pas-de-Calais-Picardie sur dix vivent dans un territoire densément peuplé ou de densité intermédiaire. Les communes densément peuplées se situent essentiel le ment dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais. Elles sont généralement entourées de communes de densité intermédiaire. Les communes peu denses couvrent la grande majorité de la superficie de chaque département tandis que les communes très peu denses sont principalement localisées dans l’Aisne et la Somme. Ces dernières regroupent seulement 3% de la population régionale sur une surface équivalente au quart du territoire.

L’accès aux services et équipements de la vie courante constitue un élément important de la qualité de vie sur ces espaces. La région dispose ainsi du deuxième meilleur temps d’accès médian aux équipements et services. Le rapport entre les temps d’accès des habitants les plus proches et celui des plus éloignés y est aussi un des plus faibles de France. Les temps de parcours sont en effet 2,6 fois moins longs dans les communes densément peuplées que dans les communes très peu denses. Pour autant, celles-ci sont mieux loties que dans les autres régions de province, grâce à une bonne répartition des pôles d’équipements.

Insee Analyses Hauts-de-France
No 1
Paru le :Paru le06/01/2016
Frédéric Lejeune, Élisabeth Vilain, Insee
Insee Analyses Hauts-de-France No 1- Janvier 2016

En cohérence avec les travaux européens, l'Insee propose une nouvelle approche des territoires. Elle est fondée sur le degré de densité de population, répondant à une approche morphologique qui privilégie le cadre de vie (). Les communes sont réparties en quatre classes de densité. Cette grille de lecture peut être croisée avec d'autres critères pour l'étude des préoccupations en matière d'aménagement et d'égalité des territoires. Il en est ainsi, en particulier, de l'accessibilité aux services et équipements, facteur important dans la qualité de vie des habitants et pour l'attractivité des territoires.

Un tiers des habitants vit dans une commune densément peuplée

L'histoire du peuplement régional rencontre l'histoire économique des territoires. La révolution industrielle du XIXe siècle comme le mouvement de périurbanisation engagé à la fin du XXe siècle ont marqué la carte des densités de population régionale. La nouvelle région Nord-Pas-de-Calais-Picardie se caractérise ainsi par l'urbanisation de ses espaces. Selon la typologie européenne, la population des communes densément peuplées et de densité intermédiaire1 définit la population urbaine.

Les communes densément peuplées concentrent presque le tiers de la population de la nouvelle région (31%), alors qu'elles ne représentent que 2% de sa surface. Ces 83 communes se situent principalement dans le Pas-de-Calais (25) et le Nord (52), couvrant dans ce dernier 8% du territoire et 47% de la population (figure 1). Elles forment des groupes plus ou moins importants au coeur de l'ex-bassin minier et sidérurgique, autour d'Arras ou sur le littoral, centrés sur les trois grands ports. La vaste conurbation de la métropole lilloise intègre, à elle seule, 31 communes densément peuplées pour 48% de la population de ce type d'espace. L'Oise compte seulement quatre de ces communes.

Elles forment la communauté d'agglomération de Creil, regroupant 9% des habitants du département. Deux communes de la Somme sont densément peuplées : Amiens et Rivery, qui la jouxte. Elles rassemblent 24% de la population du département. Aucune commune de l'Aisne n'appartient à cette catégorie.

La plupart des communes densément peuplées sont entourées par d'autres de densité intermédiaire. Celles-ci occupent 13% du territoire de la nouvelle région où réside 38% de la population. Elles couvrent 29% du territoire dans le Nord et 5% dans l'Aisne et la Somme.

1Part de population dans les quatre classes de la nouvelle grille de densité dans les départements du Nord-Pas-de-Calais-Picardie et la France de province

  • Source : Insee, RFL 2011.

La troisième concentration de population dans l'espace plutôt dense

La population des communes denses et de densité intermédiaire représente ainsi 69% de la population du Nord-Pas-de-Calais-Picardie. Cette proportion situe la nouvelle région à la troisième place des régions, derrière Provence-Alpes-Côte d'Azur (83%) et Île-de-France (95%). L'espace ainsi défini concentre également quatre emplois sur cinq. Ainsi 41% de l'emploi est implanté dans les communes densément peuplés avec une surreprésentation des fonctions métropolitaines et de l'administration publique. En outre, 39% des emplois de la nouvelle région sont localisés dans les communes de densité intermédiaire et particulièrement tournés vers les fonctions de fabrication, distribution, logistique et réparation.

Les communes peu denses couvrent les deux tiers du territoire

Les communes peu denses occupent 62% du territoire du Nord-Pas-de-Calais-Picardie. Elles couvrent une surface à peu près équivalente dans les cinq départements et abritent 28% de la population régionale. L'emploi n'est en revanche implanté dans les communes peu denses qu'à hauteur de 18% de l'ensemble régional. Ce poids est bien inférieur à celui de la population, ce qui est à relier à l'important mouvement de navettes domicile-travail vers les pôles d'emploi urbains. En effet, la population des communes peu denses réside pour 69% dans l'espace périurbain, donc sous l'influence de ces pôles. Les activités surreprésentées dans ces communes sont l'agriculture, le BTP et les services de proximité.

Une faible partie de la population vit dans les communes très peu denses

Enfin, 3% de la population réside dans les communes très peu denses. Celles-ci couvrent 23% du territoire du Nord-Pas-de-Calais-Picardie. Cette occupation est très différente selon les départements : 4% dans le Nord, 33% dans la Somme et 40% dans l'Aisne. Dans ces deux derniers, plus de 10% des habitants vivent dans ce type de communes. Seul 1% de l'emploi régional est implanté dans ces communes. Y sont surreprésentés l'agriculture (28% des emplois de ces communes), les services de proximité et le BTP (respectivement 14% et 13%).

Dans les communes peu et très peu denses se posent de nombreuses problématiques liées à la forte dissémination de la population et à l'éloignement des services et équipements dont elle a besoin (figure 2). En effet certains équipements ou services ne peuvent s'installer dans des zones où la population n'est pas suffisamment dense, faute d'un équilibre économique entre offre et demande. Pour autant l'accès à certains services, comme par exemple ceux liés à la santé ou encore l'éducation, constitue une composante primordiale de la qualité de vie de ces populations et, par conséquent, de l'attractivité des territoires.

2Grille communale de densité et part d'équipements parmi les 22 équipements courants

  • Source : Insee, BPE 2013, RFL 2011.

Le troisième temps d'accès moyen aux équipements courants

En moyenne, les habitants du Nord-Pas-de-Calais-Picardie accèdent à un ensemble de 22 services et équipements pour les besoins de la vie courante () en 4,1 minutes. Ce temps moyen, calculé à partir des distances routières, a un caractère théorique car tous les trajets ne se font pas en voiture et n'inclut pas certains critères comme la recherche d'une place de parking ou l'arrêt aux feux rouges. Seuls les habitants d'Île-de-France et Provence-Alpes-Côte d'Azur accèdent en moyenne plus rapidement aux services et équipements. Pour la moitié de la population la plus proche des équipements et services, le temps d'accès en Nord-Pas-de-Calais-Picardie descend à 3,4 minutes, soit un temps inférieur à celui des habitants de Provence-Alpes-Côte d'Azur. Le caractère urbain de la région explique en grande partie sa position dans la hiérarchie des temps d'accès. La région possède également un des réseaux routiers les plus denses de France. De plus, sa géomorphologie constituée de plaines sans obstacle naturel facilite la circulation.

En fonction du territoire où ils vivent, tous les habitants ne mettent pas le même temps pour atteindre chacun des équipements et services sélectionnés (figure 3). Ainsi à l'échelle des départements, les habitants de l'Aisne ont besoin d'un temps 1,5 fois supérieur à celui des habitants du département du Nord pour accéder aux équipements courants. Globalement, en Nord-Pas-de-Calais-Picardie, les 10% de la population les plus proches accèdent 2,8 fois plus rapidement que les 10% les plus éloignés aux équipements courants. Ce rapport est le plus faible au niveau national après celui des Pays de la Loire et de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.

3Taux d'équipement et temps d'accès aux 22 équipements courants rapportés à la moyenne régionale

  • Source : Insee, BPE 2013, distancier Metric.

Les communes densément peuplées sont les mieux équipées

Les communes densément peuplées disposent sur place d'un nombre conséquent d'équipements par le simple jeu de l'offre et la demande de services. Dans ces communes, 88% de la population accède à au moins 20 équipements parmi les 22 sans sortir de sa commune. Proches d'un grand nombre d'équipements, les habitants des communes densément peuplées réduisent de 21% leur temps d'accès par rapport à la moyenne régionale. Le temps d'accès des 10% de la population les plus éloignés est 1,4 fois plus important que celui des 10% les plus proches : c'est dans ces communes que ce ratio est le plus faible, étant donnée la faible disparité des taux d'équipements.

Le même temps d'accès pour les populations urbaines

Les communes de densité intermédiaire disposent en moyenne d'une plus faible variété d'équipements sur place que les communes densément peuplées. Ainsi seulement la moitié de la population de ces communes accède à au moins 20 équipements parmi les 22 sans sortir de sa commune. En outre, 10% de la population de ces communes ne dispose tout au plus que de la moitié des équipements sur place. Cela n'empêche pas les habitants de ces communes d'accéder à l'ensemble des 22 équipements dans des temps similaires à ceux vivant dans des communes densément peuplées. Les distances parcourues peuvent être plus longues, mais le temps consacré est moindre grâce à une plus grande fluidité du réseau routier en heures pleines. Le rapport entre le temps d'accès moyen des 10% de la population les plus éloignés et celui des 10% les plus proches atteint 1,9. L'inégalité d'accès est donc plus grande que dans les communes densément peuplées. Cette différence est liée au temps de trajets des 10% de la population les plus éloignés supérieur de 21% dans ce type de communes à celui mesuré dans les communes densément peuplées.

Forte hétérogénéité des temps d'accès dans les communes peu denses

Les habitants des communes peu denses ajoutent 78% au temps d'accès de ceux qui résident dans les communes de densité intermédiaire ou densément peuplées pour accéder aux 22 équipements courants. Pour la moitié des habitants, moins de 8 équipements et services sont accessibles sans sortir de la commune. Mais les taux d'équipement des communes sont variés. Ainsi, plus du tiers de la population n'accède qu'à moins de 5 équipements parmi les 22 courants tandis que 20% accède directement dans la commune à plus de 15 équipements, voire 20 équipements ou plus pour 6% de la population (figure 4). Cette variété explique probablement pour quoi c'est dans ces communes que le rapport entre le temps moyen d'accès des 10% de la population les plus proches et celui des 10% les plus éloignés est le plus important (2,4).

4Part de population selon le nombre d'équipements courants présents pour chaque classe de la grille de densité en Nord-Pas-de-Calais-Picardie

  • Note de lecture : 88% de la population des communes densément peuplées accèdent à au moins 20 des 22 équipements courants sans quitter leur commune.
  • Source : Insee, BPE 2013.

Des habitants des communes très peu denses finalement asssez peu isolés

La majorité des communes très peu denses ne possède au plus qu'un seul des 22 équipements courants. Leur population se déplace donc plus souvent en dehors de la commune pour les besoins de la vie courante. Les temps de parcours sont alors 2,6 fois plus longs que dans les communes densément peuplées. Toutefois, ce rapport est le deuxième plus faible parmi les régions métropolitaines après la Normandie. Les temps de parcours dans les communes très peu denses de la région sont également les plus faibles de France de province (figure 5).

D'autres facteurs que le nombre d'équipements présents dans les communes ont une influence sur le temps de trajet. Ainsi, la proximité d'une ou plusieurs communes bien dotées en équipements permet aux habitants des communes environnantes et moins bien dotées d'accéder dans des temps plus faibles que si elles étaient complètement isolées. La répartition sur tout le territoire du Nord-Pas-de-Calais-Picardie de communes bien dotées, pôles d'équipements et services, impacte vraisemblablement les temps d'accès des communes les moins bien dotées. Ainsi l'Aisne, où réside la plus forte proportion de population rurale (48% dans les communes peu denses et 12% dans les communes très peu denses) dispose de nombreuses communes bien dotées en équipements et réparties de façon homogène dans le département. Certaines sont des communes de densité intermédiaire comme Laon, Saint-Quentin, Hirson, Tergnier, etc. D'autres sont des communes peu denses qui bénéficient de la présence de nombreux équipements : Sissonne, Ribemont, Crécy ou encore Braine.

5Temps d'accès moyens, en minutes, aux équipements courants dans les communes très peu denses et densément peuplées dans les nouvelles régions

Définitions

La nouvelle grille de densité communale : la Commission européenne a conçu une typologie permet tant de classer les communes selon leur degré d'urbanisation. Elle s'appuie sur la distribution de la population à l'intérieur des communes en découpant le territoire en carreaux de 1 kilomètre de côté. Elle repère ainsi des zones agglomérées. C'est l'importance de ces zones agglomérées au sein des communes qui va permettre de les caractériser (et non la densité communale habituelle).

La nouvelle grille proposée par l'Insee introduit une catégorie supplémentaire pour tenir compte des espaces faiblement peuplés, plus fréquents en France que dans d'autres pays européens. Elle distingue ainsi quatre catégories de communes : les communes densément peuplées, les communes de densité intermédiaire, les communes peu denses et les communes très peu denses

Choix des équipements du panier : les équipements et services qui constituent le panier d'équipements courants ont été retenus en fonction de la proximité, de la mobilité qu'ils impliquent, de l'importance qui leur est donnée au quotidien et de leur fréquence d'usage. Ce panier a été conçu conjointement par l'Insee, l'Institut d'aménagement et d'urbanisme d'Île de France et le Commissariat général à l'égalité des territoires. Le détail de ces paniers est en ligne sur le site de l'Insee. Il comporte entre autres police, gendarmerie, bureau de Poste, supermarchés, boulangerie, école maternelle, collège, médecin, pharmacie, salle ou terrain multisports, …

La base permanente des équipements (BPE) mesure le niveau d'équipements et de services sur un territoire. Le champ actuel recouvre les domaines des services, marchands ou non, des commerces, de la santé et de l'action sociale, de l'enseignement, du sport-loisir, du tourisme, des transports et de la culture.

Calcul des temps d'accès : pour chaque commune, on calcule la moyenne des temps d'accès à chacun des équipements d'un panier. Ces temps d'accès sont calculés à partir du distancier Insee Metric et représentent des temps de parcours par la route en heures pleines. Pour les calculs, la population de chaque commune est prise en compte de sorte qu'une commune très peuplée pèse ra davantage qu'une commune moins peuplée.

Pour en savoir plus

« L'accès aux services, une question de densité des territoires », Insee Première n°1579.

« Une nouvelle approche sur les espaces à faible et forte densité », Insee références, La France et ses territoires, 2015.

« A harmonised definition of cities and rural areas : the new degree of urbanisation », L. Dijkstra, H. Poelman, Working Papers, 2014.