Insee AnalysesLes aides financières à la garde des enfants favorisent-elles l'activité féminine ? L'exemple de la création de la Paje

Pauline Givord (Insee, Division des méthodes appliquées de l'économétrie et de l'évaluation) et Claire Marbot (Insee, Division redistribution et politiques sociales)

La présence de jeunes enfants a un effet important sur l'activité féminine. Les mères conservent très majoritairement une activité professionnelle après la naissance de leur premier enfant, mais les arrêts d'activité sont plus fréquents après le deuxième et surtout le troisième enfant. Ces arrêts d'activité peuvent refléter des choix personnels mais aussi des contraintes liées à la disponibilité et au coût des modes de garde.

Or le coût net pour les familles de la garde d'enfants a nettement diminué en 2004, avec la création de la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje). Celle-ci s'est traduite par une hausse importante des aides à la garde des enfants et une extension des droits à une allocation de base pour les parents de jeunes enfants. Sa mise en place a été progressive, ce qui a créé des écarts temporaires de droits à prestations selon l'année de naissance des enfants. Ces écarts permettent ainsi d'isoler l'impact du coût de la garde des enfants des autres facteurs influant sur l'activité des mères de jeunes enfants et le choix de recourir à une garde payante.

L'introduction de la Paje se serait traduite en moyenne par une augmentation de 1,1 point du taux d'activité des femmes dont le plus jeune enfant est âgé de deux ans. Les effets sont différents selon la taille de la famille. La mise en place de la Paje n'a pas eu d'effet sur le taux d'activité des mères après la naissance de leur premier enfant, mais elle a permis à certaines d'entre elles de ne pas réduire leur volume d'activité. Elle a accru le taux d'activité des mères de deux enfants ou plus de 1,6 point de pourcentage ; cette augmentation d'activité se traduit plutôt par des reprises d'emploi à temps partiel ou sur une partie de l'année seulement.

L'augmentation des allocations paraît avoir incité certaines familles à substituer un mode de garde payant à un mode de garde informel. L'effet de la mise en place de la Paje a en effet été plus élevé sur le recours à une garde payante déclarée que sur l'activité professionnelle des mères de jeunes enfants : + 1,8 point contre + 1,1 point.

Pauline Givord (Insee, Division des méthodes appliquées de l'économétrie et de l'évaluation) et Claire Marbot (Insee, Division redistribution et politiques sociales)
Insee Analyses No 18- Juillet 2014

La présence de jeunes enfants réduit l'activité professionnelle des mères

Parmi l'ensemble des femmes de 20 à 55 ans en couple, 77,4 % déclaraient un revenu d'activité au cours de l'année fiscale 2005 (figure 1), année de montée en régime de la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje). En France, les mères interrompent rarement leur carrière professionnelle dès le premier enfant. Toujours en 2005, ce sont 85,5 % des mères d'un seul enfant d'âge préscolaire (moins de trois ans) vivant en couple qui avaient une activité professionnelle déclarée. Toutefois, les arrêts sont plus fréquents quand la taille de la famille augmente : lorsque le plus jeune a moins de trois ans, 76,2 % des mères de deux enfants et seulement 54,1 % des mères ayant au moins trois enfants déclaraient un revenu d'activité. Ce phénomène était et reste en partie encouragé par l'existence de l'allocation « complément de libre choix d'activité » (CLCA, auparavant dénommée allocation parentale d'éducation), dont peuvent bénéficier les parents d'au moins deux enfants, jusqu'aux trois ans du plus jeune. En 2004, cette allocation a été étendue aux mères d'un seul enfant, mais pour six mois seulement à l'issue du congé maternité.

Les taux d'activité des mères de jeunes enfants sont très différents selon l'âge de ces enfants. L'année de la naissance de l'enfant, la plupart des mères ont exercé une activité professionnelle. À partir de trois ans, les enfants peuvent être scolarisés et leur mère reprend donc plus facilement une activité professionnelle. C'est pour les mères d'enfants âgés d'un ou deux ans que les taux d'activité sont les plus faibles. Ces écarts semblent plutôt stables. En revanche, quel que soit le nombre d'enfants, la présence de jeunes enfants dans le ménage n'a pas d'effet perceptible sur le taux d'activité des pères.

Figure 1Taux d'activité dans les couples selon le nombre d'enfants de moins de trois ans

Taux d'activité dans les couples selon le nombre d'enfants de moins de trois ans
Taille de la famille Part des couples Taux d'activité
Femmes Hommes
Ensemble des couples 100,0 77,4 90,3
Sans enfant 35,2 82,3 84,9
Au moins un enfant de moins de 3 ans 21,8 74,5 94,3
1 enfant 8,1 85,5 93,3
2 enfants 8,7 76,2 95,5
3 enfants et plus 5,1 54,1 94,0
  • Lecture : 76,2 % des femmes dans les couples ayant 2 enfants dont au moins un enfant âgé de moins de 3 ans ont déclaré un revenu d'activité positif sur l'année fiscale 2005.
  • Note : basés sur les revenus d'activité déclarés dans les sources fiscales, ces chiffres ne recoupent pas exactement le concept d'emploi au sens du BIT tel que mesuré dans l'enquête Emploi (voir sources et méthodes). Le taux d'activité masculine est minoré par le fait que le champ comprend les femmes âgées de 20 à 55 ans et leurs conjoints, ceux-ci n'étant pas nécessairement d'âge actif.
  • Champ : couples comprenant une femme âgée de 20 à 55 ans.
  • Source : déclarations fiscales, année 2005.

En 2004, la Paje augmente les aides financières pour les familles de jeunes enfants

L'arrêt d'activité de certaines femmes à la naissance d'un nouvel enfant s'explique en partie par la faible disponibilité des modes de garde d'enfants, et par le coût de ceux qui sont disponibles. En 2007, selon l'enquête « Modes de garde et d'accueil des jeunes enfants » de la Drees, près des deux tiers des enfants de moins de 3 ans étaient gardés principalement par leurs parents, même si cela n'excluait pas une garde à l'extérieur pour une partie de la semaine, par exemple en halte garderie [Ananian et Robert-Bobée, 2009]. Pour le tiers restant, le recours à une assistante maternelle était la solution la plus répandue (c'est le mode de garde principal pour 18 % des enfants de moins de 3 ans) suivie par la fréquentation d'une crèche (10 %) ou la garde à domicile (2 %). En 2005, le nombre de places pour la garde de jeunes enfants, tous modes d'accueil confondus, était de 43 places pour 100 enfants de moins de trois ans ; les deux tiers étaient des places chez une assistante maternelle directement employée par la famille [Bailleau, 2007]. Après trois ans, l'immense majorité des enfants sont scolarisés.

Pour réduire la charge financière liée à la présence de jeunes enfants et le coût du recours à une garde payante, de nombreuses aides financières sont proposées aux familles. Ces aides prennent plusieurs formes, dont les principales sont une allocation de base versée sous condition de ressources, une allocation pour l'emploi d'une assistante maternelle ou une garde à domicile, des exonérations de cotisations sociales et enfin un crédit d'impôt de 50 % des sommes versées dans l'année. Le montant des allocations est différent selon les ressources totales du ménage, mais est aussi fonction des choix d'activité des parents : en particulier, les plafonds sont plus élevés lorsque les deux parents travaillent que lorsqu'un seul d'entre eux a une activité rémunérée.

La réforme de 2004 n'a pas eu d'impact sur les exonérations de charge ou les aides fiscales, mais elle a créé un cadre unifié pour l'ensemble des autres allocations liées à la petite enfance, avec la mise en place de la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje) : prime à la naissance ou à l'adoption, allocation de base, aides à la garde des enfants ou à l'interruption d'activité. Cette intégration s'est accompagnée d'une hausse des aides à la garde des enfants par une assistante maternelle, ainsi que du plafond de ressources pour le versement de l'allocation de base. La somme des allocations reçues par les familles qui font garder leurs enfants a ainsi augmenté de manière très variable selon le niveau de revenu du fait des modifications conjointes des montants et des seuils des tranches. À l'exception des familles les plus aisées (dernier quintile de la distribution de revenus), l'augmentation a été conséquente, pouvant aller jusqu'à 3 500 euros par an (figure 2). À titre de comparaison, la dépense moyenne liée à l'emploi d'une assistante maternelle était de 510 euros par mois en 2007 [Blanpain, 2009]. La création de la Paje a donc réduit substantiellement le coût net du recours à un mode de garde pour la plupart des familles de jeunes enfants.

La réforme est entrée en vigueur de manière progressive sur la base de la date de naissance des enfants. En effet, seules les familles dont le dernier enfant est né après le 1er janvier 2004 ont bénéficié du nouveau système, les autres familles restant éligibles aux allocations de l'ancien système (allocation pour jeunes enfants, APJE qui correspond à la nouvelle allocation de base de la Paje, et aide à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle, Afeama correspondant au complément mode de garde de la Paje).

Figure 2Écart du montant de prestations entre bénéficiaires du nouveau et de l'ancien système, en 2005 (familles avec un enfant de moins de trois ans, selon le percentile de revenu)

euros par an
Écart du montant de prestations entre bénéficiaires du nouveau et de l'ancien système, en 2005 (familles avec un enfant de moins de trois ans, selon le percentile de revenu) (euros par an) - Lecture : avec l'introduction de la Paje, le montant annuel des allocations totales auxquelles ont droit les familles en cas de recours à l'emploi d'une assistance maternelle (allocation de base et pour l'emploi d'une assistante maternelle) a augmenté de 3 500 euros pour les familles comprises entre le troisième et le quatrième quintile de la distribution des revenus, c'est-à-dire entre les 60 % aux revenus les plus bas et les 20 % les plus riches.
percentile de revenu
0
1 1 846
2 1 851
3 1 855
4 1 845
5 1 852
6 1 848
7 1 850
8 1 845
9 1 847
10 1 851
11 1 845
12 1 850
13 1 853
14 1 850
15 1 850
16 1 853
17 1 854
18 2 084
19 2 383
20 2 389
21 2 056
22 1 120
23 1 121
24 1 125
25 1 121
26 1 122
27 1 124
28 1 123
29 1 121
30 1 123
31 1 123
32 1 121
33 1 120
34 1 121
35 1 314
36 1 477
37 1 474
38 1 475
39 1 473
40 1 474
41 1 470
42 1 474
43 1 475
44 1 472
45 1 475
46 1 474
47 1 471
48 1 473
49 1 474
50 1 471
51 1 470
52 1 471
53 1 472
54 1 469
55 1 472
56 1 471
57 1 472
58 1 474
59 2 916
60 3 487
61 3 493
62 3 487
63 3 488
64 3 489
65 3 488
66 3 489
67 3 488
68 3 490
69 3 489
70 3 487
71 3 489
72 3 488
73 3 488
74 3 488
75 3 492
76 3 490
77 3 488
78 3 491
79 3 488
80 3 488
81 3 489
82 3 235
83 205
84 205
85 205
86 205
87 205
88 205
89 205
90 205
91 205
92 205
93 205
94 205
95 205
96 205
97 205
98 205
99 205
100 205
  • Champ : familles avec au moins un enfant de moins de trois ans. On considère le total de l'APJE et de l'Afeama dans l'ancien système, l'allocation de base de la Paje et la Paje-CMG pour le nouveau.
  • Lecture : avec l'introduction de la Paje, le montant annuel des allocations totales auxquelles ont droit les familles en cas de recours à l'emploi d'une assistance maternelle (allocation de base et pour l'emploi d'une assistante maternelle) a augmenté de 3 500 euros pour les familles comprises entre le troisième et le quatrième quintile de la distribution des revenus, c'est-à-dire entre les 60 % aux revenus les plus bas et les 20 % les plus riches.
  • Source : barèmes Caf des allocations, Déclarations fiscales, année 2005

Figure 2Écart du montant de prestations entre bénéficiaires du nouveau et de l'ancien système, en 2005 (familles avec un enfant de moins de trois ans, selon le percentile de revenu)

  • Champ : familles avec au moins un enfant de moins de trois ans. On considère le total de l'APJE et de l'Afeama dans l'ancien système, l'allocation de base de la Paje et la Paje-CMG pour le nouveau.
  • Lecture : avec l'introduction de la Paje, le montant annuel des allocations totales auxquelles ont droit les familles en cas de recours à l'emploi d'une assistance maternelle (allocation de base et pour l'emploi d'une assistante maternelle) a augmenté de 3 500 euros pour les familles comprises entre le troisième et le quatrième quintile de la distribution des revenus, c'est-à-dire entre les 60 % aux revenus les plus bas et les 20 % les plus riches.
  • Source : barèmes Caf des allocations, Déclarations fiscales, année 2005

La hausse des allocations pour les jeunes enfants augmente surtout l'activité des mères de familles nombreuses

Du fait de cette mise en œuvre progressive, pendant quelques années, certaines familles ont bénéficié de ces nouvelles allocations plus généreuses tandis que d'autres familles étaient toujours dans l'ancien système. Cela permet d'estimer l'effet spécifique de la réforme sur les mères d'enfants de deux ans. Cette analyse est menée sur les données des déclarations fiscales qui permettent de mesurer à la fois l'activité, la composition des familles et le recours à des modes de garde payants (voir sources et méthodes).

L'examen visuel des taux d'activité par date et âge de l'enfant permet de préciser le principe de l'évaluation (figure 3). À partir de 2006, la Paje bénéficie à la fois aux mères d'enfants d'un an et de deux ans et leurs taux d'activité évoluent de manière assez parallèle. En revanche, en 2005, les mères d'un enfant de deux ans sont encore dans l'ancien dispositif et leur taux d'activité est plus en retrait par rapport à celles dont le dernier enfant est né un an plus tard. L'évaluation consiste à chiffrer plus précisément cet écart attribuable à la Paje, en contrôlant un certain nombre d'autres déterminants des taux d'activité. Avec cette méthode d'estimation, l'effet de la mise en place de la Paje sur le taux d'activité de ces mères d'un enfant de deux ans se serait élevé à 1,1 point de pourcentage (figure 4).

Une analyse plus détaillée montre que cet effet varie selon la taille de la famille. L'effet de la réforme atteint 1,6 point de pourcentage lorsque l'enfant âgé de deux ans est de rang deux ou plus. Cette reprise d'activité est cependant partielle, puisqu'elle correspond surtout à des revenus annuels inférieurs à un demi-smic annuel (+ 0,8 point), ou compris entre un demi-smic et un smic annuels (+ 0,4 point). L'impact est différent pour les mères d'un seul enfant. Bien qu'il introduise un congé parental de six mois dès le premier enfant, le dispositif de la Paje n'a pas d'effet sur le taux d'activité des mères d'un seul enfant. En revanche, il semble avoir accru leur durée travaillée puisqu'il augmente la proportion de mères d'un seul enfant qui déclarent un revenu au moins égal au smic annuel (+ 0,8 point), au détriment des revenus d'activité inférieurs à ce niveau (- 0,6 point).

La mise en place de la Paje a également eu un effet positif sur le recours à une garde payante. D'après les estimations, la proportion de mères d'un enfant de deux ans qui déclarent une garde payante aurait augmenté en moyenne de 1,8 point sous l'effet de la Paje. Cette progression est plus élevée que celle constatée sur le taux d'emploi. C'est particulièrement le cas pour les mères d'un seul enfant : la mise en place de la Paje expliquerait une augmentation de 1,7 point du taux de recours à une garde payante, alors qu'elle n'aurait pas eu d'effet sur le taux d'activité de ces mères. La réforme pourrait avoir contribué à une substitution de modes de garde payants à des modes de gardes informels (par la famille ou par un tiers). Pour les mères de deux enfants, l'augmentation du recours à une garde payante serait de 2,2 points. Elle est plus faible pour les mères de trois enfants (1,2 point).

Au total, la mise en place de la Paje aurait eu des effets positifs sur l'activité féminine, mais d'ampleur modeste, tout au moins à court terme. Cette modestie des effets s'explique peut-être par le fait que le recours à une garde payante reste contraint par la disponibilité d'un tel mode de garde et que les places disponibles restent très en deçà du nombre d'enfants d'âge préscolaire.

Figure 3Taux d'activité féminine selon la date et l'âge de l'enfant le plus jeune

en %
Taux d'activité féminine selon la date et l'âge de l'enfant le plus jeune (en %) - Lecture : en 2005, les femmes dont le plus jeune enfant est âgé d'un an bénéficient déjà de la Paje et leur taux d'activité est de 73,6 %. Le taux d'activité des mères d'un enfant d'un an ne progresse que faiblement entre 2005 et 2006. Les mères d'un enfant de deux ans n'accèdent à la Paje qu'à partir de 2006, leur enfant étant alors né après le 1er janvier 2004. Le taux d'activité des mères d'un enfant de deux ans progresse sensiblement cette année-là : entre 2005 et 2006, il passe de 68,3 à 69,9 %.
1 an 2 ans
2005 73,6 68,3
2006 74,1 69,9
2007 74,5 70,7
2008 75,3 71,7
2009 75,7 72,1
  • Lecture : en 2005, les femmes dont le plus jeune enfant est âgé d'un an bénéficient déjà de la Paje et leur taux d'activité est de 73,6 %. Le taux d'activité des mères d'un enfant d'un an ne progresse que faiblement entre 2005 et 2006. Les mères d'un enfant de deux ans n'accèdent à la Paje qu'à partir de 2006, leur enfant étant alors né après le 1er janvier 2004. Le taux d'activité des mères d'un enfant de deux ans progresse sensiblement cette année-là : entre 2005 et 2006, il passe de 68,3 à 69,9 %.
  • Champ : ménages comprenant une femme âgée de 20 à 55 ans.
  • Source : déclarations fiscales, années 2005 à 2009.

Figure 3Taux d'activité féminine selon la date et l'âge de l'enfant le plus jeune

  • Lecture : en 2005, les femmes dont le plus jeune enfant est âgé d'un an bénéficient déjà de la Paje et leur taux d'activité est de 73,6 %. Le taux d'activité des mères d'un enfant d'un an ne progresse que faiblement entre 2005 et 2006. Les mères d'un enfant de deux ans n'accèdent à la Paje qu'à partir de 2006, leur enfant étant alors né après le 1er janvier 2004. Le taux d'activité des mères d'un enfant de deux ans progresse sensiblement cette année-là : entre 2005 et 2006, il passe de 68,3 à 69,9 %.
  • Champ : ménages comprenant une femme âgée de 20 à 55 ans.
  • Source : déclarations fiscales, années 2005 à 2009.

Figure 4Estimation de l'effet de la réforme sur le recours à une garde payante et l'activité des mères d'un enfant de deux ans selon la taille de la famille (en points de pourcentage)

Estimation de l'effet de la réforme sur le recours à une garde payante et l'activité des mères d'un enfant de deux ans selon la taille de la famille (en points de pourcentage) - Lecture : selon les estimations, la réforme aurait causé une hausse de 0,3 point de la proportion de mères d'enfants de moins de 3 ans touchant moins d'un demi-smic dans l'année.
Tous 1 enfant 2 enfants 3 enfants ou plus
Taux d'activité 1,1 n.s. 1,6 1,6
Taux de recours à une garde payante 1,8 1,7 2,2 1,2
Taux d'activité (< 0,5 smic) 0,3 − 0,3 0,6 0,8
Taux d'activité (0,5 à 1 smic) n.s. − 0,3 0,3 0,4
Taux d'activité (> 1 smic) 0,7 0,8 0,7 n.s.
  • Lecture : selon les estimations, la réforme aurait causé une hausse de 0,3 point de la proportion de mères d'enfants de moins de 3 ans touchant moins d'un demi-smic dans l'année.
  • Champ : ménages comprenant une femme âgée de 20 à 55 ans dont l'enfant le plus jeune est âgé d'un ou deux ans.
  • Source : déclarations fiscales, années 2005 et 2006 et calcul des auteures.

Sources

Les déclarations de l'impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP) sont une source de données importantes sur l'activité professionnelle. Le rapprochement avec les fichiers de la taxe d'habitation et les fichiers d'adressage permet de reconstituer les ménages à partir des logements. Avec l'année de naissance des enfants du ménage, il est également possible de distinguer les ménages bénéficiant du nouveau barème de prestation d'accueil pour le jeune enfant (Paje) et ceux qui étaient toujours dans l'ancien système. L'utilisation des données exhaustives permet de disposer de suffisamment de familles pour mener des estimations sur des champs restreints, par exemple selon le nombre d'enfants du ménage. En revanche, les données n'étant conservées que de manière temporaire, seules les données à partir de 2005 ont pu être utilisées pour l'analyse. Cette année-là, les parents d'enfants de plus de deux ans dépendaient encore de l'ancien système d'allocation.

Les données fiscales fournissent également des informations qui peuvent être corrélées à l'activité des mères (famille monoparentale, revenu du conjoint le cas échéant...). Cette source est enrichie par des données de la CAF sur le nombre de places d'accueil des enfants de moins de trois ans dans le département de résidence (rapporté au nombre d'enfants concernés) décomposé selon le nombre de places en crèches collectives, en crèches familiales ou chez une assistante maternelle agréée, disponibles pour chaque département.

Les données fiscales fournissent des revenus annuels : on mesure l'activité professionnelle comme le fait d'avoir déclaré des revenus d'activité ou d'avoir perçu des allocations chômage au cours de l'année civile. Il s'agit donc d'une définition de l'activité différente de celle établie par le Bureau International du Travail, qui correspond à une mesure conjoncturelle de l'activité. Les chiffres présentés dans cette étude ne recoupent donc pas exactement les données de l'enquête emploi. En cas de revenus professionnels positifs, le nombre d'heures correspondant n'est en général pas disponible dans les fichiers fiscaux. On peut néanmoins utiliser une mesure indirecte de l'intensité de l'activité. Plus précisément, on distingue les cas où les revenus totaux annuels sont inférieurs à un demi-smic annuel, compris entre un demi-smic annuel et un smic annuel, ou supérieurs à un smic annuel. L'utilisation de revenus annuels ne permet pas de distinguer les temps partiels (activité réduite mais stable sur l'année) d'un arrêt ou d'une reprise d'activité au cours de l'année civile. Ceci contribue au fait que les taux d'activité annuels moyens sont très variables selon l'âge de l'enfant. Le taux d'activité des mères d'enfants qui atteignent leurs trois ans dans l'année ou dont le plus jeune est né dans l'année sont élevés. Même si une mère décide d'interrompre son activité professionnelle à la naissance de cet enfant, elle peut percevoir une rémunération pendant une partie de l'année (au moins jusqu'à la naissance). Pour cette raison, l'analyse porte sur les mères d'enfants âgés de un ou deux ans, c'est-à-dire suffisamment après la naissance et avant l'entrée à l'école de l'enfant pour que l'analyse ne soit pas perturbée par ces situations transitoires.

Enfin, les dépenses liées à la garde d'enfant faisant l'objet d'allègements fiscaux, ces fichiers fiscaux renseignent également sur les montants engagés au cours de l'année. Cette déclaration concerne à la fois les dépenses liées à une garde par une assistante maternelle agréée ou par une crèche, et on ne peut distinguer les deux. La mise en place de la Paje ne devrait pas avoir eu d'incidence sur le recours à un mode de garde collectif : les frais payés par les familles sont directement fonction de leurs revenus. En revanche, les fichiers fiscaux ne permettent pas de mesurer un éventuel effet de la mise en place de la Paje sur le recours à une garde à domicile, également concerné par le complément au mode de garde : les dépenses liées à ce mode de garde sont agrégées avec l'ensemble des dépenses liées à l'emploi d'un salarié à domicile. Le recours à ce mode de garde est néanmoins très marginal et spécifique à l'Île-de-France. En 2003, la CAF recensait 606 000 bénéficiaires de l'allocation correspondant à une garde par une assistante maternelle (Afeama), et seulement 51 000 bénéficiaires de l'allocation liée au recours à une garde à domicile (Aged).

Évaluer l'impact de l'augmentation des aides financières sur l'activité féminine n'est pas immédiat. Le montant des allocations effectivement perçues par un ménage dépend directement du revenu total de ce ménage, et donc de la décision de la mère de continuer à exercer une activité professionnelle. On ne peut donc pas s'appuyer sur une comparaison élémentaire des taux d'activité selon le montant de l'aide qui est perçue. En revanche, la mise en place progressive de la Paje a fait coexister, pendant quelques années, des familles en moyenne semblables mais dont certaines ont bénéficié de droits à des allocations plus généreuses du seul fait que leur enfant était né après le premier janvier 2004. Ceci permet d'appliquer la méthode de différence de différences, classique en évaluation.

Le détail de la démarche est présenté dans Givord et Marbot (2013). Elle tient compte du fait que le taux moyen d'activité (ou le recours à une garde payante) dépend en partie de l'âge de l'enfant. On compare les taux d'activité des mères d'enfants de deux ans observés en 2006 (qui dépendent donc du système de la Paje), avec les taux d'activité des mères d'enfants du même âge observés l'année précédente, alors que ces familles étaient encore dans l'ancien système (Afeama). Cependant, cette mesure peut capter, outre l'effet de la réforme, une tendance à la hausse de l'activité des mères. Pour en contrôler les effets, on compare donc cette première différence avec celle des taux observés pour les mères d'un enfant âgé d'un an, également en 2005 et 2006. L'hypothèse sous-jacente est que le taux d'activité des mères d'enfants de deux ans aurait évolué de la même manière que celui des mères d'enfants d'un an, si la Paje avait été mise en place un an plus tôt. Cette hypothèse semble indirectement confortée par les données : lorsque l'ensemble des familles sont dans le même système (à partir de 2006), les taux semblent évoluer au même rythme (figure 3).

L'évolution de l'activité des mères ou le recours à un mode de garde payant peut également être lié aux nombres de places disponibles : pour en tenir compte, on contrôle du taux de places disponibles par département, selon les différents modes de garde (crèche collective, crèche familiale ou assistante maternelle) et certaines caractéristiques de la famille (revenu du conjoint en particulier).