Les migrations des diplômés du supérieur, plutôt défavorables à la Normandie

Isabelle Bigot, Pascal Capitaine, (Insee)

La Normandie voit, comme les autres régions françaises, ses jeunes générations obtenir des diplômes plus élevés que les anciennes. Elle conserve néanmoins une position en retrait de la moyenne nationale pour sa part de diplômés du supérieur. En Normandie, moins d’un quart des habitants de plus de 18 ans ont suivi ou suivent des études supérieures. Cette proportion compte parmi les plus faibles de métropole. Les jeunes Normands sont en effet moins enclins à poursuivre des études supérieures et, parmi les diplômés, un tiers des natifs de Normandie est parti vivre dans une autre région. De surcroît, relativement peu de diplômés du supérieur élisent domicile dans la région. L’Île-de-France capte 34 % des installations de diplômés normands et elle est la région d’origine de 28 % des diplômés vivant en Normandie et natifs d’une autre région. Les flux de diplômés ne sont excédentaires qu'avec les deux régions du Nord-Est.

Insee Analyses Basse-Normandie
No 16
Paru le :Paru le25/06/2015
Isabelle Bigot, Pascal Capitaine, (Insee)
Insee Analyses Basse-Normandie No 16- Juin 2015

En Normandie, les diplômés du supérieur sont moins présents qu’ailleurs. Qu’ils soient actifs ou en études, les Normands de plus de 18 ans ne sont, en 2012, que 23 % à être détenteurs d’un diplôme de l’enseignement supérieur. Cette proportion est bien inférieure à la moyenne nationale (29,8 %) ou même de province (27 %). Cette faible présence de diplômés vaut tant pour la Basse-Normandie (22,3 %) que pour la Haute (23,6 %). La Normandie se rapproche ainsi de deux autres régions proches de l’Île-de- France : le Centre -Val de Loire (24 %) et la Bourgogne - Franche-Comté (23,8 %).

Figure_1Les diplômés résidant en Normandie parmi les diplômés natifs des autres régions de 18 ans et plus en 2012

  • Source : Insee, recensement de la population 2012

Figure_2Les natifs de la région Normandie parmi les résidents de même niveau de diplôme âgés de 18 ans et plus en 2012

  • Source : Insee, recensement de la population 2012

La structure des emplois n’explique pas tout

La proportion de diplômés en Normandie est quatre points plus faible qu’en Province. La propension des jeunes Normands à poursuivre des études supérieures est en effet parmi les plus faibles des régions : ils se tournent plus fréquemment vers les formations professionnelles courtes. Un autre facteur explicatif est lié à la structure des emplois de la région, moins dotée en emplois de cadres ou de professions intermédiaires que les régions possédant une grande métropole. Avec 34,2 % de ses actifs exerçant un emploi de ce type contre 36,5 % en Province, la Normandie est en effet la 11e région sur 13 pour la part des cadres parmi ses actifs, et la 9e pour les professions intermédiaires.

Comme partout, le niveau de diplôme des générations plus anciennes est en moyenne moins élevé que celui des jeunes générations, mais l’écart entre la Normandie et  la moyenne de province s’observe à tous les âges et reste conséquent, même chez les plus jeunes. Ainsi, 39 % des Normands âgés de 18 à 34 ans sont diplômés du supérieur contre 43,7 % en moyenne en Province. Pour cet indicateur, la Normandie est la région de métropole la moins diplômée si l’on excepte la Corse. 

62 % des diplômés du supérieur vivant en Normandie y sont nés

En 2012 en Normandie, 594 000 habitants possèdent un diplôme de l’enseignement supérieur, soit 4 % des diplômés du supérieur en France. Parmi eux, 62 % sont nés dans la région. Cette proportion est inférieure à celle relative à l'ensemble des habitants de Normandie natifs de la région (78 %). C'est une conséquence de la plus grande mobilité des diplômés. Malgré tout, cette part de diplômés du supérieur natifs de leur région de résidence compte parmi les plus fortes de métropole. Seules les régions Nord-Pas-de-Calais - Picardie (74 %) et Alsace - Champagne-Ardenne - Lorraine (70 %)  affichent un taux de diplômés du supérieur ou étudiants natifs de leur région  plus élevé. Mais si cette proportion peut signifier un attachement à sa région, les 38 % de diplômés nés hors de Normandie, proportion relativement faible, révèlent surtout un manque d’attractivité pour la Normandie, soit par manque d’emplois qualifiés pour les actifs, soit un moindre intérêt pour les retraités diplômés. Quant aux étudiants, la Normandie souffre de la proximité parisienne, au même titre que le Centre - Val de Loire ou la région Nord-Pas-de-Calais - Picardie, puisque dans ces trois régions, un étudiant sur quatre vient d’une autre région, alors qu’au niveau national, ce ratio se porte à un sur trois.

L’Île-de-France, de par sa proximité et son potentiel humain, est la principale région d'origine des diplômés du supérieur s'installant en Normandie : 28 % des diplômés habitant la Normandie sans y être nés en sont issus. Les deux régions voisines de Nord-Pas-de-Calais - Picardie (12 %) et de Bretagne (8 %) sont elles aussi, d’une certaine façon, sous influence normande (respectivement de la Haute et de la Basse-Normandie). Enfin, 19 % de ces diplômés du supérieur nés ailleurs ont vu le jour à l’étranger. Plus largement, les diplômés nés à l’étranger représentent 7 % des diplômés du supérieur vivant en Normandie, soit davantage que la proportion de Normands nés à l’étranger (5,8 %).

Figure_363 500 diplômés du supérieur ou futurs diplômés nés en Île-de-France résident en Normandie en 2012

  • Note de lecture : le cercle interne représente la décomposition en fonction de la région de naissance, et le cercle externe en fonction de la région actuelle de résidence.
  • Les arcs traduisent les mobilités des titulaires d'un diplôme du supérieur ou des étudiants, nés dans des régions de province ou à l'étranger et résidant aujourd'hui en Normandie.

Figure_4106 300 diplômés du supérieur ou futurs diplômés nés en Normandie résident en Île-de-France en 2012

  • Note de lecture : le cercle interne représente la décomposition en fonction de la région de naissance, et le cercle externe en fonction de la région actuelle de résidence.
  • Les arcs traduisent les mobilités des titulaires d’un diplôme du supérieur ou des étudiants, nés en Normandie et n'y résidant plus en 2012.

La Normandie perd ses diplômés du supérieur au jeu des migrations résidentielles

L’importance des mobilités interrégionales évolue tout au long du cycle de vie, au moment des études, à l’entrée dans la vie professionnelle ou lors de la retraite. En Normandie, leur impact sur la proportion d’habitants diplômés du supérieur est négatif tout au long de la vie. Il est modéré (moins de - 3 points) jusqu’à 22 ans. Entre 23 et 40 ans, l’impact des déménagements vers d’autres régions accentue l’écart déficitaire entre la proportion de natifs et de résidents diplômés du supérieur (de - 3 à - 5 points). Après 40 ans, les écarts s’amenuisent et, après 55 ans, les migrations interrégionales n’ont presque plus d’effet sur la part des diplômés. L’écart entre diplômés natifs et diplômés résidents varie entre - 1 point et +  0,5 point. À l’inverse, grâce aux migrations résidentielles, l’Île-de-France enregistre un surcroît de population diplômée du supérieur à tous les âges de la vie.

Près de la moitié des diplômés normands ont quitté la région

En France, 674 000 adultes diplômés du supérieur ou étudiants sont nés en Normandie. Mais près de la moitié d’entre eux ne vivent plus dans la région (45 %). Cette "fuite des cerveaux" est l’une des plus conséquentes de France. Seules deux régions devancent la Normandie dans ce domaine : Bourgogne - Franche-Comté (48,5 %) et surtout Centre -Val de Loire dont plus de la moitié des diplômés nés dans la région vivent en dehors (54 %). Mais à la différence du Centre - Val de Loire qui attire des diplômés, la Normandie, comme la Bourgogne - Franche-Comté, est une région qui cumule le fait de moins conserver et de moins attirer les mieux formés. Parmi les 307 000 diplômés normands partis vivre dans d’autres régions, un tiers habite l’Île-de-France. La Bretagne est la deuxième destination des diplômés du supérieur d’origine normande (10 %), juste devant les Pays de la Loire (9,5 %).

Un déficit migratoire de diplômés avec presque toutes les régions

La Normandie présente un solde déficitaire avec la quasi totalité des régions françaises. Il est  particulièrement élevé avec les régions du Sud de la France, puisqu’on dénombre un diplômé né en Provence- Alpes-Côte d’Azur ou en Languedoc- Roussillon - Midi-Pyrénées pour plus de quatre Normands partis s’installer là bas. Ces régions sont attractives pour les retraités diplômés. Avec nos régions voisines d’Île-de-France, Bretagne ou Pays de Loire, le rapport s’établit autour de cinq partants pour trois arrivants. La Normandie n’est excédentaire qu’avec deux régions : Nord-Pas-de-Calais - Picardie (trois arrivants pour deux partants) et Alsace - Champagne-Ardenne - Lorraine (cinq arrivants pour quatre partants).

36 000 natifs de Normandie étudient ailleurs

 Parmi les étudiants de 18 à 29 ans recensés en France en 2012, 96 500 font leurs études en Normandie tandis que 103 600 sont natifs de la région. Ce déficit de 7 000 étudiants masque toutefois un grand brassage des étudiants dans les régions françaises. Ainsi 36 000 étudiants nés en Normandie poursuivent leurs études dans une autre région et inversement, 29 000 jeunes qui étudient en Normandie sont nés dans une autre région. Au total, ce déséquilibre se retrouve dans l'ensemble de la population puisque 28,4 % des résidents normands de plus de 18 ans sont diplômés du supérieur alors qu'en France, les natifs de Normandie sont 30 % à posséder ce niveau de formation.

Figure_5L’impact des migrations sur la part de diplômés du supérieur ou en cours d’études dans la population selon le cycle de vie

  • Note de lecture Figure_5 : La courbe continue représente la part des natifs de la région considérée diplômés du supérieur ou étudiants. Les flèches orientées vers le haut indiquent que la part des diplômés du supérieur est plus élevée chez les résidents que chez les natifs de la région considérée. Dans ce cas, la région gagne des diplômés au jeu des migrations. Les flèches orientées vers le bas indiquent au contraire que la part des diplômés du supérieur est plus faible chez les résidents que chez les natifs. Dans ce cas, la région perd des diplômés au jeu des migrations.

Méthodologie

Mesurer les mobilités interrégionales

Fondée sur les résultats du recensement de la population, l’étude porte sur les personnes âgées de 18 ans ou plus résidant en France.

Les adultes nés en France mais résidant aujourd’hui à l’étranger ne sont donc pas pris en compte. En 2012, 1,2 million d’adultes de nationalité française étaient inscrits au registre mondial des Français établis hors de France. Ce chiffrage présente quelques fragilités : d’une part, l’immatriculation au registre est facultative et d’autre part, elle est valable cinq ans et la mise à jour du registre présente des imperfections.

L’enquête du ministère des Affaires Etrangères sur l’expatriation des Français estime quant à elle que 85% des personnes nées en France et résidant aujourd’hui à l’étranger sont titulaires d’un niveau de formation supérieur au baccalauréat.

Enfin, d’après l’enquête Unesco-OCDE-Eurostat (UOE) 2007-2008 sur les systèmes d’éducation formelle, au moins 60 000 étudiants français poursuivaient ces années-là un cursus dans un pays de l’OCDE.

Les mobilités interrégionales sont mesurées à partir du recensement de la population. L’approche retenue ici consiste à comparer les régions de naissance et de résidence : une personne résidant dans une région différente de celle où elle est née sera comptabilisée comme ayant connu une migration interrégionale. Il s’agit donc d’une approche en stock, à distinguer d’une approche en flux qui mesure sur une période donnée le nombre de mobilités résidentielles.

La méthode retenue ne permet donc pas de reconstituer les étapes d’un parcours de mobilité : une personne ayant vécu une partie de sa vie en dehors de sa région de naissance et revenue depuis ne sera pas considérée comme migrante. De même, quel que soit le nombre de régions successives dans lesquelles aura vécu une personne, seule sera considérée sa mobilité finale entre sa région de naissance et sa région actuelle de résidence.

La méthode retenue, de nature cumulative, permet néanmoins d’appréhender l’ampleur du phénomène sur l’ensemble d’une population. Ainsi, au fil du cycle de vie, la proportion de personnes ne résidant plus dans leur région de naissance dépend de la combinaison des mobilités de trois périodes charnières : études, vie professionnelle et retraite.

Définitions

Les diplômes de l’enseignement supérieur correspondent aux diplômes de niveau post-baccalauréat délivrés par les universités, instituts universitaires de technologie, instituts universitaires de formation des maîtres, sections de techniciens supérieurs, écoles d’ingénieurs, écoles de commerce, gestion, vente et comptabilité, écoles paramédicales et sociales, etc. L’étude prend en compte toutes les personnes de 18 ans ou plus disposant d’un diplôme du supérieur ainsi que les adultes titulaires au moins d’un diplôme de niveau baccalauréat inscrits dans un établissement de l’enseignement supérieur.

Pour en savoir plus

" Région de naissance, région de résidence : les mobilités des diplômés du supérieur", Insee Première n° 1 557, Juin 2015

" Les flux migratoires inter-régionaux en France depuis cinquante ans ", Population Vol 62, Ined, 2007.

" Étudiants et pôles d'enseignement supérieur en Basse-Normandie. Attirer les étudiants : un enjeu pour la région ", Cent pour cent Basse-Normandie n° 222, décembre 2011