Un ménage nordiste sur huit fait appel aux services à la personne

Vincent Bonjour, Élisabeth Cuchere, (Insee) - Suivi partenarial : Lahcen Merdji et Patrick Bartier, (Direccte Nord-Pas-de-Calais)

En 2011, près de 200 000 ménages de la région Nord-Pas-de-Calais ont eu recours aux services à la personne. Malgré une combinaison de facteurs potentiellement favorables au développement du secteur, le taux de recours régional reste en deçà de la moyenne nationale. La première raison est d'ordre démographique, la région étant jeune et les besoins ayant tendance à augmenter avec l'âge. La seconde est d'ordre financière. Le Nord-Pas-de-Calais disposant du plus faible niveau de vie parmi les régions de France métropolitaine, les ménages ont moins de possibilité de recourir à ce type de services. À l'horizon 2025, si les comportements de recours restaient identiques et les politiques publiques inchangées, le nombre de ménages utilisateurs augmenterait d'environ 24 000.

Insee Analyses Nord-Pas-de-Calais
No 20
Paru le :Paru le30/06/2015
Vincent Bonjour, Élisabeth Cuchere, (Insee) - Suivi partenarial : Lahcen Merdji et Patrick Bartier, (Direccte Nord-Pas-de-Calais)
Insee Analyses Nord-Pas-de-Calais No 20- Juin 2015

En 2011, en région Nord-Pas-de-Calais, près de 200 000 ménages ont déclaré à l'administration fiscale avoir eu recours aux services à la personne, soit 12,2 % des ménages de la région.

Relativement peu de ménages recourent aux services à la personne

Ce taux de recours est inférieur à la moyenne nationale, proche de 13,5 %. Les régions les plus consommatrices de services à la personne se situent principalement sur la façade ouest du pays. Les départements du Nord et du Pas-de-Calais se situent respectivement à la 66e et 69e place en termes de taux de recours, devant nombre de départements du nord-est et sud-est de la France (figure 1).

Gardes d'enfants à domicile, travaux ménagers, aide aux personnes âgées et soutien scolaire entre autres (sources et définitions) sont autant de services globalement moins consommés par les ménages du Nord-Pas-de- Calais. Pourtant, la région possède certaines caractéristiques sociodémographiques favorables au développement des services à la personne. En effet, la population régionale, avec une proportion de 4,0 % de moins de 3 ans contre 3,4 % en moyenne nationale, pourrait justifier la consommation de services destinés aux enfants en bas âge. L'aide à domicile pourrait également tirer avantage de la proportion de personnes âgées vivant seules également supérieure à la moyenne nationale (5,3 % des plus de 80 ans contre 3,9 % pour la France métropolitaine). De même, le recours à ce type de services pourrait être favorisé par la situation de la région en matière de dépendance des personnes âgées, caractérisée par la précocité du phénomène comme par son intensité. De plus, le taux d'équipements en hébergements pour personnes âgées dans la région est inférieur à celui observé en France métropolitaine (respectivement 116 places et 127 pour 1 000 personnes de plus de 75 ans).

Cette combinaison de facteurs favorables au développement du secteur ne suffit cependant pas à placer la région parmi les plus consommatrices.

Figure1Taux de recours selon l’âge de la personne de référence du ménage fiscal en 2011

  • Source : Insee – DGFiP, revenus fiscaux localisés 2011 ; Insee, recensement de la population 2011.

La faible part des plus de 65 ans dans la population réduit le potentiel

En région comme au niveau national, la fréquence du recours aux services à la personne a tendance à augmenter avec l'âge du référent fiscal (figure 2). Ainsi, le taux de recours passe de 4 % environ pour les ménages dont la personne de référence a moins de 35 ans, à près de 11 % pour les tranches d'âge de 55 à 69 ans et atteint 40 % pour les 80 ans ou plus. Les situations de dépendance, prégnantes à partir de 70 ans, expliquent en partie cette situation. Or, le Nord-Pas-de-Calais se caractérise par la part de personnes âgées de 70 ans ou plus la plus faible des régions de province (11 %, contre 13 % en France métropolitaine), réduisant de fait son potentiel de consommation de services.

Figure2Taux de recours selon l’âge de la personne de référence du ménage fiscal en 2011

  • Source : Insee-GGI, enquête revenus fiscaux 2011.

Un recours plus faible quelque soit la composition familiale

La structure des ménages influe également sur la propension à consommer des services à la personne (figure 3). Les couples avec enfant(s), dont le référent fiscal a moins de 55 ans, déclarent davantage avoir recours aux services à la personne, le phénomène étant toutefois atténué en région par rapport au niveau national (près de 11 % en région contre 14 % en France métropolitaine). Toutefois, pour les couples avec trois enfants ou plus, la probabilité de recourir est légèrement plus faible. En effet, la décision de rester au foyer, pour la garde des enfants et l'entretien de la maison, se prend souvent à la naissance du troisième enfant, le taux d'activité des femmes passant de 83 % pour celles ayant deux enfants, à 66 % pour celles en ayant trois, l'écart étant similaire en France métropolitaine. Les familles monoparentales, plus nombreuses en région (15,4 % des ménages contre 14,1 % au niveau national), et les personnes seules, ne disposant que d'un seul revenu, ont un taux de recours bien inférieur (respectivement 4,3 % et 2,3 %). Quelle que soit la configuration familiale, les ménages du Nord-Pas-de-Calais ont un moindre recours aux services à la personne que leurs homologues de France métropolitaine.

Figure3Taux de recours des ménages dont la personne de référence a moins de 55 ans selon la composition du ménage fiscal en 2011

  • Source : Insee-GGI, enquête revenus fiscaux 2011.

Le revenu fiscal est déterminant

En 2011, alors qu'à peine 2 % des ménages les plus modestes ont recours aux services à la personne, près de 40 % des ménages les plus aisés en sont utilisateurs (figure 4). Que ce soit pour la garde d'enfants ou pour la réalisation de tâches ménagères, le recours aux services à domicile est une solution parfois onéreuse, malgré la mise en place de multiples dispositifs d'aide, adoptée donc davantage par des ménages relativement aisés. Ainsi, un tiers des ménages utilisateurs de la région ont un revenu par unité de consommation qui les situe parmi les 10 % des ménages les plus aisés. Le moindre niveau de revenu des ménages nordistes fournit ainsi un autre élément d'explication au modeste recours aux services à la personne : en 2011, le Nord-Pas-de-Calais affiche le plus faible revenu médian de France métropolitaine (17 526 euros par unité de consommation, contre 19 547 euros en France métropolitaine). De plus, les 10 % des ménages les plus aisés disposent d'un revenu inférieur de près de 15 % à ceux de France métropolitaine.

Figure4Taux de recours selon le décile de revenu fiscal du foyer par unité de consommation en Nord-Pas-de-Calais

  • Source : Insee-GGI, enquête revenus fiscaux 2011.

Un taux de recours très variable selon les zones d'emploi

Le taux de recours aux services à la personne diffère selon les zones d'emploi (figure 5) : de 8,5 % à Lens-Hénin à 15,8 % à Berck-Montreuil. À Lens-Hénin, le faible recours s'explique par des facteurs socioéconomiques, comme la faiblesse des taux d'activité féminins, et des facteurs culturels tels l'intensité des liens familiaux (conduisant à constater que les enfants devenus adultes vivent souvent proches de leurs parents). À Berck-Montreuil, revenus plus élevés et part importante des seniors expliquent la situation. Ces deux facteurs caractérisent d'ailleurs sans surprise les territoires où le recours aux services à la personne est le plus fréquent : Arras et Flandre-Lys tandis que Lille se situe juste derrière, conjuguant revenu fiscal le plus élevé et part des plus de 65 ans la plus faible (figure 6).

A contrario, les zones d'emploi aux plus faibles taux de recours sont aussi celles aux plus faibles revenus, même si la part des seniors peut excéder la moyenne comme c'est le cas dans la zone d'emploi de Maubeuge.

Figure5Taux de recours des ménages aux services à la personne par zone d'emploi en 2011

  • Source : Insee – DGFiP, revenus fiscaux localisés 2011 ; Insee, recensement de la population 2011.

Figure6Figure 6 : Lens-Hénin conjugue revenu médian et taux de recours les plus faibles

Figure 6 : Lens-Hénin conjugue revenu médian et taux de recours les plus faibles
Taux de recours, revenu fiscal médian 2011, taux d'activité féminin 2011 et part de la population de plus de 65 ans par zone d’emploi en 2011
Berck - Montreuil 15,80 17 050 18,80 63,00
Arras 15,60 18 270 15,95 66,00
Flandre Lys 14,70 18 610 15,14 67,40
Lille 14,40 19 390 12,80 66,10
Saint-Omer 13,70 16 350 14,67 62,70
Cambrai 13,00 16 450 16,51 64,10
Roubaix - Tourcoing 12,20 16 610 13,14 65,00
Béthune - Bruay 12,20 16 400 15,60 60,90
Boulogne sur mer 12,20 16 110 15,64 62,40
Douai 11,90 16 420 15,25 61,80
Dunkerque 10,80 17 120 15,26 62,30
Calais 10,30 15 930 13,06 61,30
Maubeuge 9,90 15 300 15,66 59,00
Valenciennes 9,70 15 290 14,88 59,20
Lens - Hénin 8,50 14 510 15,24 57,60
Nord-Pas-de-Calais 12,20 16 800 14,66 62,80
  • Source : INSEE-DGFIP, Revenus fiscaux localisés 2011, recensement de la population 2011.

Près de 224 000 ménages utilisateurs à l'horizon 2025

D'ici 2025, si les comportements des consommateurs restaient constants et les politiques publiques inchangées, c'est-à-dire si les taux de recours par âge restaient fixés à leur valeur actuelle, l'unique effet des évolutions démographiques conduirait à accroître le nombre de ménages utilisateurs d'environ 24 000. En effet, l'allongement de la durée de vie, couplé à l'arrivée dans le troisième âge des générations issues du baby-boom, devrait accroître le nombre de consommateurs des services principalement à destination de ces personnes âgées. Le nombre des personnes dépendantes vivant à domicile serait alors amené à augmenter fortement, impliquant un besoin accru d'intervenants, pour les soins comme pour les actes de la vie quotidienne. Concernant les autres pans de ce secteur d'activité, la constante augmentation de l'activité féminine et la progression du nombre de seniors devraient également favoriser, dans une certaine mesure, la croissance du taux de recours pour des besoins de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle ou d'amélioration de la qualité de la vie. A fortiori, ces évolutions pourraient entraîner une croissance de l'emploi dans le secteur.

Les services à la personne : un secteur en pleine mutation

Depuis 2005, l'emploi dans le domaine des services à la personne a connu une croissance soutenue, portée par les politiques publiques et notamment la mise en place de la loi Borloo. En effet, au niveau national, le taux de recours des ménages à des services à la personne est passé de 6,4 % en 1996 à 10,9 % en 2006, pour atteindre 13,5 % en 2011. Ce secteur étant particulièrement âgé (pour en savoir plus), les départs de fin de carrière dans ce domaine professionnel seraient nombreux dans les années qui viennent. Près de deux salariés sur cinq en 2009 cesseraient leur activité à l'horizon 2020.

Ainsi, le vieillissement de la population, l'allongement de l'espérance de vie et le développement de l'activité professionnelle féminine se conjuguent pour alimenter une demande potentiellement croissante, pouvant faire des services rendus au domicile des particuliers un gisement d'emplois. Au-delà de ces enjeux liés à la croissance potentielle de l'offre, indépendamment de la solvabilisation des ménages, la question de la professionnalisation et de la qualité de l'emploi, via l'accès à la formation par exemple, apparaît centrale pour répondre à la fois aux besoins de recrutement dans la prochaine décennie, mais également pour faire de ces métiers des vecteurs de qualification et de carrières professionnelles.

Encadré partenarial

L'État, le Conseil régional, les deux conseils départementaux et la Caisse des dépôts se mobilisent en faveur de l'amélioration de la qualité des emplois et de la professionnalisation du secteur des services à la personne. Dans le cadre du contrat de plan régional des formations professionnelles, un contrat d'objectifs sectoriels est en cours d'élaboration, avec un objectif de signature pour la fin de l'année 2015. Il sera complété par une action de développement de l'emploi et des compétences (ADEC). En complément, l'ouverture en janvier 2015 de l'onglet régional (www.servicesalapersonne-npdc.fr) du site national « les ressources professionnelles des SAP » donne une meilleure lisibilité au secteur et favorise la mise en réseau des acteurs. Ces initiatives ont également vocation à accroître l'attractivité du secteur, en particulier auprès des jeunes.

Ont contribué à la réalisation de l'étude :

- le Conseil Régional du Nord-Pas-de-Calais,

- le Conseil Départemental du Nord,

- le Conseil Départemental du Pas-de-Calais,

- la Caisse des Dépôts

- le Centre Régional de Ressources Pédagogiques du Nord-Pas-de-Calais

Sources

Les services à la personne : le plan « Borloo » de 2005 donne une définition réglementaire des services à la personne. Le recours à une aide professionnelle salariée exerçant au domicile de l'utilisateur constitue à ce titre le secteur des services à la personne (SAP). Le champ des SAP au sens du plan Borloo renvoie donc aux emplois familiaux traditionnels tels que l'aide à domicile aux personnes âgées ou handicapées, la garde d'enfants à domicile, les travaux ménagers et le soutien scolaire mais également à des activités comme l'assistance informatique et administrative, le gardiennage ou encore la livraison de courses à domicile. Le cas des gardes d'enfants hors domicile par les assistantes maternelles est particulier. Elles ne relèvent pas des activités de services à la personne stricto sensu contrairement à la garde d'enfants à domicile.

Le taux de recours mesure la part des ménages qui ont déclaré au fisc des dépenses en services à la personne parmi l'ensemble des ménages fiscaux. Un ménage ayant eu recours à des services différents est comptabilisé une seule fois. Les concepts retenus sont les concepts fiscaux et seules sont déclarées les dépenses qui entrent en compte pour la déclaration d'imposition sur le revenu. Les taux de recours ne sont donc calculés que pour les ménages qui effectuent des dépenses en services à la personne sans prise en charge préalable (exemples : allocation personnalisée d'autonomie, aides perçues pour la garde d'enfants, aide financière accordée par l'employeur). Ceci a pour effet de sous-estimer le nombre de ménages utilisateurs.

La source fiscale Revenus fiscaux localisés (RFL) permet d'identifier les ménages qui déclarent à l'administration fiscale des dépenses pour l'emploi d'une personne à domicile (au sens des 21 activités définies par la loi). En effet, pour bénéficier de l'avantage fiscal, les foyers doivent indiquer, dans leur déclaration d'impôt sur le revenu, des dépenses (nettes des aides) qu'ils ont engagées au cours de l'année pour l'emploi d'un salarié à domicile. La source connaît néanmoins quelques limites. Ne sont en effet repérés que les ménages qui déclarent leurs dépenses en SAP à l'administration fiscale. Les raisons de non déclaration peuvent être : l'emploi d'un salarié non déclaré aux Urssaf ; la prise en charge totale de la prestation (par exemple dans le cadre de l'Allocation personnalisée d'autonomie (APA) à domicile, ou encore via les Cesu préfinancés par l'employeur) ; le fait de ne pas attendre de bénéfices fiscaux suite à la déclaration.

Pour en savoir plus

« Un salarié sur vingt travaille dans le secteur des services à la personne », Insee Nord-Pas-de-Calais, Pages de Profils n° 156, avril 2014

« 439 000 seniors cesseraient leur activité professionnelle d'ici 2020 : quels enjeux pour la formation en Nord-Pas-de-Calais ? », Insee Nord-Pas-de-Calais, Pages de Profils n° 152, février 2014