Une pauvreté plus présente dans l’espace des grands pôles urbains alsaciens

Yves Frydel, Philippe Marchet

En Alsace, en 2012, 11,8 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. Cette proportion est voisine dans les deux départements alsaciens. Elle est l’une des plus faibles de France métropolitaine.

Le niveau de vie de la population régionale est au deuxième rang derrière l’Île-de-France. La part des salaires dans le revenu disponible est plus importante en Alsace et celle des pensions plus faible. Dans l’espace périurbain, les revenus sont les plus élevés. Le taux de pauvreté y est beaucoup plus faible que dans les grandes agglomérations. La population pauvre est plus présente dans les villes-centres, où les inégalités sont plus marquées.

Les familles monoparentales et les personnes seules, plus représentées dans les grandes agglomérations, sont les plus exposées.

Insee Analyses Alsace
No 14
Paru le :Paru le02/06/2015
Yves Frydel, Philippe Marchet
Insee Analyses Alsace No 14- Juin 2015

En 2012, 11,8 % de la population alsacienne vit sous le seuil de pauvreté monétaire. Cette proportion est inférieure au niveau métropolitain (14,3 %). Les régions de Corse, Languedoc-Roussillon et Nord-Pas-de-Calais sont les plus exposées, un habitant sur cinq y vit sous le seuil de pauvreté. À l’inverse, en Bretagne et dans les Pays de la Loire, le taux de pauvreté est inférieur à 11 %.

En Champagne-Ardenne (15,4 %) et en Lorraine (14,6 %), la part de la population pauvre est sensiblement supérieure à celle de l’Alsace. Elle est particulièrement élevée dans le département des Ardennes où un habitant sur cinq vit avec moins de 990 euros par mois et par unité de consommation. Les deux départements alsaciens présentent des niveaux de pauvreté voisins : 12,0 % pour le Haut-Rhin, 11,6 % pour le Bas-Rhin

Un niveau de vie élevé en Alsace

Les revenus disponibles de la population alsacienne, après impôts et prestations sociales, sont parmi les plus élevés de métropole.

Le niveau de vie médian en 2012 par unité de consommation est égal à 21 300 euros, au second rang derrière l’Île-de-France (22 200 euros), et devant la région Rhône-Alpes (20 600 euros).

À l’échelle des départements, le revenu disponible des Bas-rhinois (21 200 euros) est un peu plus faible que celui des Haut-rhinois (21 500). Ils sont les plus élevés à Paris, dans les départements de l’ouest de la capitale, ainsi qu’en Haute-Savoie. Le Haut-Rhin est au septième rang des départements pour le niveau de vie de sa population, derrière la Haute-Savoie. Ces deux territoires profitent du travail frontalier vers la Suisse où les rémunérations sont plus élevées. Le Bas-Rhin est en dixième position, derrière la Haute-Garonne et devant quatre départements rhônalpins (Ain, Rhône, Savoie, Isère). Dans le Grand-Est, les Ardennes et la Haute-Marne, en Champagne-Ardenne, sont les départements où la population dispose des revenus les plus faibles. En Lorraine, les habitants de la Moselle et de la Meurthe-et-Moselle ont des niveaux de vie proche de 19 500 euros, voisins du niveau métropolitain.

Figure_1Des niveaux de vie élevés et voisins dans les deux départements alsaciens

  • Source : Insee-DGFiP-Cnaf-Cnav-CCMSA, Fichier localisé social et fiscal 2012.

La part des salaires dans le revenu disponible est plus importante

Le revenu disponible des ménages comprend les salaires et indemnités chômage, les revenus des activités non-salariées, du patrimoine, les pensions de retraite, ainsi que l’ensemble des prestations sociales, le tout diminué de l’impôt.

La part des salaires dans le revenu disponible est plus importante en Alsace que sur l’ensemble de la métropole (70,3 % pour 67,4 % ). Elle varie fortement d’une région à une autre. En Île-de-France, elle est de 78,2 %. Elle est inférieure à 60 % dans quatre régions aux populations plus âgées : Limousin, Poitou-Charentes, Languedoc-Roussillon et Auvergne.

L’Alsace est au contraire un territoire jeune et la part des pensions et retraites y est plus faible (24,3 % pour 26,4 % en moyenne). Par ailleurs, les revenus du patrimoine sont plus élevés, tandis que les prestations sociales ont un poids plus faible.

En Alsace, les 10 % de personnes les plus aisées ont un revenu disponible supérieur à 39 400 euros par unité de consommation. Ce neuvième décile est plus élevé dans le Haut-Rhin (41 300 euros) que dans le Bas-Rhin (38 200 euros).

Les revenus du patrimoine et les revenus des activités non salariées constituent une proportion importante de leur revenu disponible, respectivement 26 % et 11 %.

Les 10 % de personnes les moins aisées ont un niveau de vie inférieur à 11 200 euros, très proche dans les deux départements. Plus de 40 % provient des prestations sociales, au même niveau que les salaires.

L’Alsace se situe au cinquième rang des régions en termes d'inégalités des revenus disponibles, avec un rapport interdécile de 3,5, mais loin derrière l’Île-de- France (4,6).

Il est plus important dans le Haut-Rhin (3,7) que dans le Bas-Rhin (3,4).

Figure_2La part des pensions plus faible dans l'espace périurbain

  • Champ : ensemble des ménages fiscaux.
  • Source : Insee-DGFiP-Cnaf-Cnav-CCMSA, Fichier localisé social et fiscal 2012.

Figure_3Les prestations sociales : 40 % du revenu disponible des plus modestes

  • Lecture : le revenu disponible des 10 % de personnes les plus modestes (niveau de vie inférieur au premier décile) provient à 41 % des prestations sociales, celui des 10 % les plus aisées (niveau de vie supérieur au neuvième décile) provient à 26 % du patrimoine.
  • Champ : ensemble des ménages fiscaux.
  • Source : Insee-DGFiP-Cnaf-Cnav-CCMSA, Fichier localisé social et fiscal 2012.

Une pauvreté plus marquée en Alsace dans les grands pôles urbains

En Alsace, les ménages aux revenus les plus modestes résident pour la plupart dans les grandes agglomérations. Celles-ci concentrent 71 % de la population pauvre pour 50 % de la population régionale. Le taux de pauvreté au sein des grands pôles urbains alsaciens (16,7 %) dépasse celui des pôles métropolitains.

Les prestations sociales forment 5,7 % du revenu disponible des ménages de ces territoires, deux fois plus que sur le reste de la région. Les ménages dont l’origine principale des revenus est constituée d’allocations chômage y sont fréquents.

À l’intérieur des agglomérations, la ville centre présente un haut niveau de pauvreté et un plus faible niveau de vie. Celles de Strasbourg et de Mulhouse regroupent la majorité des quartiers suivis par la politique de la ville. Parmi les dix plus grandes villes de France, la capitale régionale se classe, derrière Lille et Marseille au troisième rang des communes pour le taux de pauvreté de sa population (22 %). A Mulhouse, 30 % des habitants sont pauvres.

Les revenus des prestations sociales y sont plus importants (10,5 % pour Mulhouse, 7,4 % pour Strasbourg). À cela s’ajoutent de fortes inégalités de revenus dans les villes centres : les 10 % des habitants les plus aisés ont un seuil de niveau de vie cinq fois supérieur à celui des moins aisés à Saint-Louis, 4,4 fois dans la commune de Strasbourg et quatre fois supérieur dans celle de Mulhouse.

Dans l’agglomération de Mulhouse, le taux de pauvreté est trois fois moins élevé dans la banlieue que dans la ville-centre. Dans celle de Strasbourg, l’écart est moins important, de grandes communes comme Schiltigheim ou Bischheim atteignant des taux de pauvreté de 20 %. Dans l’agglomération de Haguenau, le niveau de pauvreté est le même dans la ville-centre et dans la banlieue, la commune de Bischwiller affichant un haut niveau (17,4 %).

Dans les aires de moyenne et petite taille, où vit 5 % de la population régionale, la proportion d’habitants en situation de précarité monétaire est voisine du niveau régional.

Les communes hors influence de la ville, sont beaucoup moins confrontées à la pauvreté qu’au niveau métropolitain (7,9 % pour 16,9 %). En Alsace, ces territoires sont moins isolés et l’activité économique plus présente.

Figure 4Localisation de la pauvreté : un contraste plus fort en Alsace

Localisation de la pauvreté : un contraste plus fort en Alsace
Répartition de la population alsacienne (en %) Niveau de vie médian (en euros) Taux de pauvreté (en %)
Alsace France métropilitaine Alsace France métropilitaine
Grands pôles urbains 49,9 19 700 19 900 16,7 16,1
Couronne des grands pôles urbains 25,0 23 800 21 000 5,7 8,8
Communes multipolarisées 12,2 22 200 19 400 6,9 12,1
Moyens pôles 2,9 20 300 18 400 11,9 15,7
Couronne des moyens pôles 0,0 19 300 10,6
Petits pôles 2,6 20 300 18 200 11,6 15,6
Autres communes multipolarisées 4,0 21 600 18 600 6,9 13,3
Communes isolées hors influence des pôles 3,6 21 900 17 900 7,9 16,9
Ensemble 100,0 21 300 19 800 11,8 14,3
  • Champ : ensemble des ménages fiscaux.
  • Source : Insee-DGFiP-Cnaf-Cnav-CCMSA, Fichier localisé social et fiscal 2012.

Un espace périurbain favorisé

À proximité des pôles d’emploi, les revenus disponibles augmentent, le niveau de pauvreté et les inégalités diminuent. Ainsi, dans l’espace périurbain, qui comprend la couronne des grands pôles urbains et les communes multipolarisées des grandes aires urbaines, le taux de pauvreté est trois fois moins élevé que dans les agglomérations (6,1 % pour 16,7 %). Au plan métropolitain, l’écart est moins important.

La part des prestations sociales dans le revenu disponible est faible, en particulier celle des minima sociaux et des allocations logement. Les territoires périurbains ont bénéficié des migrations résidentielles d’actifs aux revenus plus confortables, à la recherche d’un meilleur cadre de vie. Les salaires forment 72,5 % du revenu disponible de cet espace.

Le niveau de vie médian (23 800 euros par unité de consommation et par an) dans les couronnes est supérieur de 4 000 euros à celui de la population des grandes agglomérations. Il est particulièrement élevé dans celle de l’aire urbaine de Saint Louis (30 400 euros). Beaucoup de communes profitent du travail frontalier vers la Suisse et totalisent des niveaux de vie supérieurs à 30 000 euros. Dans les couronnes des deux autres grands pôles haut-rhinois, Mulhouse et Colmar, ils dépassent 24 000 euros. Dans le Bas-Rhin, ils sont plus faibles dans la couronne de l’aire urbaine de Strasbourg (23 000 euros). Les territoires où les revenus disponibles sont les plus élevés se situent à proximité de l’agglomération, dans un périmètre de trente kilomètres, en particulier dans le Kochersberg. Au-delà, les niveaux de vie décroissent. Dans la haute vallée de la Bruche, ils sont inférieurs à 20 000 euros. Les communes de Schirmeck, Rothau et Saales sont les moins favorisées avec moins de 18 000 euros.

Une pauvreté élevée dans les familles monoparentales

En Alsace, 14 % des personnes seules vivent avec moins de 990 euros par mois. Qu’elles résident dans les grands pôles urbains, dans l’espace périurbain ou dans des aires de plus petite taille, ce niveau de pauvreté varie assez peu. Les personnes seules sont souvent de jeunes actifs. Leur insertion sur le marché du travail est plus difficile avec la crise. Les débuts de carrière connaissent le chômage et les contrats à durée limitée et à temps partiel. Un jeune de moins de 30 ans sur cinq vivant seul est en situation de précarité monétaire.

Les couples sans enfant sont moins confrontés à la précarité monétaire. Leur niveau de vie est sensiblement plus élevé (24 800 euros). Les deux membres du couple peuvent apporter une contribution financière pour couvrir les charges du ménage, moins importantes qu’en présence d’enfants. Parmi eux, des couples actifs de plus de 50 ans et de retraités, qui ont bénéficié de deux carrières favorables avec des niveaux de revenus ou de retraites mis en commun plus confortables.

Les familles monoparentales sont les plus touchées par la précarité monétaire, avec 28 % de leur population sous le seuil de pauvreté. Ces familles résident majoritairement (six sur dix) dans les grands pôles urbains, où l’habitat social est plus important. Leur taux de pauvreté y atteint 33 %, deux fois supérieur à celui observé dans l’espace périurbain.

Les familles formées d’un couple avec enfant(s), qui ont la plupart du temps des revenus des deux parents, sont beaucoup moins souvent confrontés à la précarité monétaire : 11 % de leurs membres sont dans cette situation. Leur situation est surtout dégradée dans les pôles urbains, en particulier dans les plus grands, où leur taux de pauvreté atteint 17 %.

Figure_5Moins de pauvreté parmi les couples

  • Champ  : ensemble des ménages fiscaux.
  • Source : Insee-DGFiP-Cnaf-Cnav-CCMSA, Fichier localisé social et fiscal 2012.

Davantage de pauvreté parmi les ménages jeunes

L’âge du référent fiscal du ménage influence très sensiblement le taux de pauvreté. En 2012, 7,2 % de la population des ménages dont le référent fiscal est âgé de 60 ans ou plus vivent sous le seuil de pauvreté. Cette proportion est trois fois plus élevée lorsque celui-ci a moins de 30 ans.

L’écart des niveaux de pauvreté entre l’Alsace et la France métropolitaine est faible jusqu’à l’âge de 40 ans. Le taux de pauvreté parmi les ménages âgés de 30 à 39 ans est de 15,2 %, quatre points supérieurs au niveau de la Bretagne et des Pays de la Loire, régions les moins pauvres de métropole.

Figure_6Un taux de pauvreté qui diminue avec l'âge du référent fiscal

  • Champ : ensemble des ménages fiscaux.
  • Source : Insee-DGFiP-Cnaf-Cnav-CCMSA, Fichier localisé social et fiscal 2012.

Sources

Les statistiques présentées ici sont issues de l’exploitation du Fichier localisé social et fiscal (Filosofi) de 2012. Celui-ci est issu du rapprochement des données fiscales exhaustives en provenance de la direction générale des Finances publiques (déclaration de revenus des personnes physiques, taxe d’habitation et fichier d’imposition des personnes physiques) et des données sur les prestations sociales émanant des principaux organismes gestionnaires de ces prestations (Cnaf, Cnav, CCMSA). Les fichiers sociaux reçus de la CCMSA portent sur l’ensemble de l’année ; ceux en provenance de la Cnaf et de la Cnav portent par contre uniquement sur le mois de décembre, ce qui nécessite de reconstituer par extrapolation les montants annuels, en utilisant notamment les informations disponibles sur la composition des familles.

Ces données permettent ainsi de reconstituer un revenu déclaré (avant impôt) et un revenu disponible (après impôt, y compris prestations sociales) avec une estimation plus précise des prestations réellement perçues à des niveaux locaux fins : jusqu’à la commune et prochainement à des niveaux infracommunaux. Ce faisant, le dispositif Filosofi remplace ainsi les anciens dispositifs Revenus fiscaux localisés (RFL) (qu’il englobe) et Revenus disponibles localisés (RDL) (qui ne fournissait des données qu’au niveau départemental).

Le champ couvert est celui de l'ensemble des ménages fiscaux ordinaires : il exclut les personnes sans domicile ou vivant en institution (prison, foyer, maison de retraite…).

Définitions

Ménage fiscal : ensemble des foyers fiscaux répertoriés dans un même logement. Les personnes ne disposant pas de leur indépendance fiscale (essentiellement des étudiants) sont comptées dans les ménages où elles déclarent leurs revenus même si elles occupent un logement indépendant.

Le revenu disponible est le revenu à la disposition du ménage pour consommer et épargner. Il comprend les revenus d'activité (salaires, revenus d’activités non salariées), les revenus de remplacement (retraites et pensions, indemnités de chômage, indemnités de maladie), les revenus du patrimoine (dont en particulier les revenus financiers, qui sont imputés pour ceux qui ne sont pas soumis à déclaration, les revenus fonciers, les revenus accessoires, etc…) et les prestations sociales reçues (prestations familiales, minima sociaux et prestations logements). Au total de ces ressources, quatre impôts directs sont déduits : l’impôt sur le revenu, la taxe d'habitation, la contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS).

Les déciles de niveau de vie sont les valeurs seuils qui, lorsque l’on ordonne la population par niveau de vie croissant, la partitionnent en 10 sous-populations de taille égale.

La médiane du revenu disponible par unité de consommation (ou niveau de vie médian) partage les personnes en deux groupes : la moitié des personnes appartient à un ménage qui dispose d'un revenu par UC inférieur à cette valeur et l'autre moitié présente un revenu par UC supérieur.

Le seuil de pauvreté est estimé à 11 871 euros annuels (à partir de Filosofi) en 2012, soit près de 990 euros par mois en France métropolitaine.

Lorsqu’une unité urbaine est constituée de plusieurs communes, les communes qui la composent sont soit ville-centre, soit banlieue.

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