La parité entre les femmes et les hommes : des progrès en dix ans mais des inégalités persistent

Jérôme Fabre, Caroline Levouin (Insee)

Près de 960 000 femmes vivent en Haute-Normandie, soit 51,7 % de la population régionale. En termes d’inégalités entre les sexes, la région présente un profil similaire au profil national dans la majorité des domaines. Néanmoins, certaines inégalités sont encore importantes dans la région. Les filles sont encore moins présentes dans l’enseignement professionnel, dans les classes préparatoires ou encore en école d’ingénieur. Bien que les femmes poursuivent plus tard leurs études, leur insertion professionnelle est plus difficile et les écarts salariaux avec les hommes sont importants. Par conséquent, leurs conditions de vie sont souvent moins favorables que celles des hommes. Bien que les inégalités se réduisent depuis plusieurs années, la parité n’est pas atteinte. Alors que la palette des professions exercées par les femmes semble s’être élargie au niveau national, elle s’est stabilisée dans la région, conduisant à un renforcement relatif de la ségrégation professionnelle.

Insee Analyses Haute-Normandie
No 8
Paru le :Paru le05/03/2015
Jérôme Fabre, Caroline Levouin (Insee)
Insee Analyses Haute-Normandie No 8- Mars 2015

Bien que les inégalités entre les femmes et les hommes se réduisent depuis plusieurs années, la parité n’est pas atteinte. Les inégalités entre les sexes sont observables sous de nombreux aspects : en matière de résultats et d’orientation scolaire, d’insertion sur le marché du travail, de revenus ou encore de conditions de vie.

Si tous ces éléments sont en partie liés, les différences entre les sexes peuvent être d’ampleurs inégales d’une région à l’autre, mais aussi plus ou moins prégnantes dans tel ou tel domaine. Ainsi, ces caractéristiques induisent des enjeux spécifiques selon les régions.

Près de 960 000 femmes vivent en Haute-Normandie, soit 51,7 % de la population régionale (51,5 % au niveau national). Globalement, les disparités haut-normandes entre les sexes sont proches de celles de l’ensemble des régions, même si certaines inégalités existent, comme pour les cadres dirigeants où l’écart entre femmes et hommes est prononcé comparativement au national (Figure 1).

Figure_1Les inégalités entre femmes et hommes en Haute-Normandie proches de celles du niveau national dans de nombreux domaines

  • EQTP : équivalent temps plein
  • * Écart entre femmes et hommes en Haute-Normandie rapporté à l’écart en France. Pour les valeurs au dessus de 1, les différences entre sexes sont plus marquées dans la région qu’en moyenne nationale et inversement pour les valeurs inférieures.
  • Note de lecture : Pour les cadres dirigeants, l'écart entre femmes et hommes en Haute-Normandie rapporté à celui du niveau national vaut 1,25. Cela signifie que l'écart en Haute-Normandie est 25 % plus élevé qu'en France.
  • Sources : Insee, Direction de l'Évaluation, de la Prospective et de la Performance, Ministère des Sports.

Des inégalités entre les sexes peu spécifiques à la Haute-Normandie

Le profil haut-normand tire sa spécificité de l’absence d’écarts forts ou faibles sur la plupart des dimensions des inégalités entre femmes et hommes (Figure 1). Pour autant, les femmes et les hommes haut-normands n’ont pas les mêmes caractéristiques que celles de l’ensemble des Français. La similitude avec le profil national s’explique plutôt par le fait que les différences entre les Haut-Normands et les Français s’observent de manière équivalente chez les femmes et chez les hommes.

Ainsi, concernant l’espérance de vie, l’écart entre femmes et hommes en Haute-Normandie (+ 6,7 ans au bénéfice des femmes) est analogue à celui de France (+ 6,3 ans). Mais les femmes comme les hommes de la région accusent en réalité un retard d’environ un an (Tableau 1). Ce parallélisme ne se retrouve pas dans toutes les régions : par exemple en Basse-Normandie, les femmes ont une espérance de vie proche de la moyenne nationale quand celle des hommes est inférieure d’un an, d’où des écarts importants entre les deux sexes (+ 7,3 ans au profit des femmes).

Tableau 1Un écart d’espérance de vie entre femmes et hommes en Haute-Normandie similaires à celui de la France - Indicateurs démographiques selon le sexe

Unités : nombre, année
Un écart d’espérance de vie entre femmes et hommes en Haute-Normandie similaires à celui de la France - Indicateurs démographiques selon le sexe (Unités : nombre, année)
Haute-Normandie France
Femmes Hommes Femmes Hommes
Population 954 433 893 669 33 795 692 31 747 224
Espérance de vie à la naissance 83,9 77,2 84,8 78,5
Âge moyen à la parentalité 29,2 31,9 29,9 32,9
  • Sources : Insee, Recensement de la population 2011, Statistiques de l'état civil 2012, Estimations de population 2012

Le même phénomène d’inégalités entre hommes et femmes peut être constaté sur d’autres dimensions démographiques. L’âge à la parentalité en Haute-Normandie est légèrement plus bas qu’en moyenne pour les deux sexes, avec des écarts entre hommes et femmes proches de la moyenne nationale (environ trois ans de plus pour les hommes).

Les filles poursuivent plus tard leurs études …

Les inégalités entre femmes et hommes se rencontrent également dans le domaine de l’éducation.

Après la classe de troisième, les orientations diffèrent. Les filles s’engagent moins souvent dans les filières professionnelles : 43,4 % des garçons contre 30,9 % des filles choisissent l’enseignement professionnel après la classe de troisième (Figure 2). C'est particulièrement le cas pour les baccalauréats professionnels dans la production où seulement 13,3 % des élèves sont des filles, tandis qu'elles sont 73,8 % dans le domaine des services. Dans l'enseignement général, les filles sont majoritaires dans les séries littéraires et économiques (respectivement 78,6 % de filles et 60,2 %), tandis qu'elles sont moins nombreuses dans les filières scientifiques (46,5 % de filles).

Figure_2Les filles s’orientent moins souvent que les garçons vers l’enseignement professionnel

  • Sources : Direction de l'Évaluation, de la Prospective et de la Performance ; Système d'information scolarité (MEN) ; Safran (Agriculture) ; apprentissage.

Figure_3La scolarisation à 18 ans plus favorables aux filles en Haute-Normandie

  • * Taux de scolarisation des filles - taux de scolarisation des garçons
  • Sources : Insee, recensement de la population 2011, au lieu de résidence

D’une manière générale, en Haute-Normandie, les performances scolaires des filles sont meilleures que celles des garçons (+ 3,9 points), quelle que soit la filière, mais l'écart entre filles et garçons est moins prononcé qu'en moyenne nationale (+ 4,7 points).

Les haut-normandes de 18 ans sont moins scolarisées qu'en moyenne nationale (22e rang des 26 régions françaises). Après 18 ans, les taux de scolarisation restent plus élevés pour les filles mais l’écart se réduit avec l’âge.

En revanche, la différence de taux de scolarisation à 18 ans (70,0 % pour les filles contre 59,3 % pour les garçons) y est supérieure à la moyenne nationale (+ 10,7 points en Haute-Normandie contre + 8,9 points en France). Ainsi, la Haute-Normandie se place au 7e rang des 26 régions françaises pour cet écart, au bénéfice des filles (Figure 3).

Pour autant, l’orientation en matière d’études supérieures est également très différenciée. Comme en moyenne nationale, les femmes représentent environ 55 % des effectifs de l’enseignement supérieur, mais 84 % des étudiants en formation paramédicale, 39 % de ceux des classes préparatoires et 29 % des étudiants en école d’ingénieur.

… mais rencontrent des difficultés plus marquées sur le marché du travail

Bien que poursuivant plus tard leurs études, l’insertion professionnelle des femmes est plus difficile que celle des hommes (Tableau 2). Les taux d’emploi plus faibles et de chômage plus élevés, ainsi qu’une plus forte concentration dans un nombre réduit de métiers, témoignent de ces difficultés d’insertion.

En Haute-Normandie, le taux de chômage des femmes de 15 ans à 64 ans est supérieur de 1,6 points à celui des hommes (1,5 points au niveau national).

Selon le niveau de diplôme, l'écart de taux d'emploi entre les femmes et les hommes varie de 3 à 13 points. Toutefois, plus le niveau augmente, plus cet écart diminue. Le taux d’emploi des femmes ayant un diplôme universitaire de 2e cycle atteint plus de 84 % tandis que celui des hommes est de 87 %.

Les difficultés d’insertion des femmes sur le marché du travail semblent donc concerner essentiellement les femmes les moins qualifiées, l’écart de taux d’emploi entre les sexes étant de plus de 13 points chez les non diplômés.

En outre, la différence de taux d’emploi entre les femmes et les hommes de moins de 35 ans n’est que très légèrement plus faible. Les difficultés d’insertion sur le marché du travail touchent donc autant les jeunes femmes que les femmes plus âgées.

L’éventail des professions exercées par les femmes est relativement réduit par rapport à celui des hommes. La moitié des femmes en emploi exerce une activité dans une palette de 11 familles professionnelles, contre 18 pour les hommes. Comme sur la France entière, les agents d'entretien, enseignants et employés administratifs de la fonction publique regroupent près de 20 % des femmes en emploi contre 6 % des hommes. Les conducteurs de véhicules et les ouvriers qualifiés de la manutention ou du bâtiment regroupent 13 % des hommes en emploi contre seulement 1 % des femmes. En outre, les femmes accèdent plus rarement à des postes de cadres dirigeants (cadres d'état-major administratifs, financiers, commerciaux des grandes entreprises ou directeurs techniques des grandes entreprises) : les femmes représentent 14,5 % des cadres dirigeants haut-normands contre 21,6 % au niveau national (Figure 1).

Tableau 2Une insertion professionnelle plus difficile pour les femmes - Insertion professionnelle des haut-normands de 15 à 64 ans en fonction du diplôme : taux d'emploi et taux de chômage en 2011

Unité : %
Une insertion professionnelle plus difficile pour les femmes - Insertion professionnelle des haut-normands de 15 à 64 ans en fonction du diplôme : taux d'emploi et taux de chômage en 2011 (Unité : %)
Diplôme Taux d'emploi Taux de chômage
Femmes Hommes Écart femmes- hommes Femmes Hommes Écart femmes- hommes
Sans diplôme, CEP, BEPC 45,6 59,1 -13,5 21,4 20,1 1,3
CAP, BEP 65,3 73,7 -8,4 16,4 12,1 4,3
Baccalauréat 73,3 81,0 -7,7 13,5 10,6 2,9
Diplôme universitaire de 1er cycle, BTS, DUT 83,1 86,0 -2,9 7,2 7,3 -0,1
Diplôme universitaire de 2e cycle ou supérieur 84,4 87,3 -2,9 6,8 6,1 0,7
Ensemble 65,6 73,8 -8,2 14,1 12,5 1,6
  • Sources : Insee, recensement de la population 2011, au lieu de résidence

Figure_4La Haute-Normandie : 6e région où l’écart salarial entre femmes et hommes est le plus élevé

  • Champ : postes non annexes en EQTP du secteur privé et semi-public, hors salariés agricoles, salariés des particuliers-employeurs, apprentis, stagiaires.

Source : Insee – DADS au lieu de résidence.

Cette ségrégation professionnelle se traduit notamment par des écarts salariaux (Figure 4). En Haute-Normandie, le salaire en équivalent temps plein (EQTP) des femmes est inférieur de 21 % à celui des hommes (20 % en moyenne nationale).

Le temps partiel étant essentiellement féminin, le salaire par tête est également un indicateur révélateur d’inégalités. En effet, si l’on tient compte des différences de temps de travail hebdomadaire et annuel ou du nombre de postes occupés sur l’année, les écarts en termes de revenus salariaux sont plus élevés, et particulièrement en Haute-Normandie (26 %) qui constitue la 3e région où ils sont les plus importants.

Ces écarts de salaires, plus forts en Haute-Normandie, touchent toutes les catégories socioprofessionnelles et notamment les cadres (Tableau 3).

Tableau 3L’écart salarial le plus chez les cadres - Écarts de salaire net annuel moyen en EQTP selon le sexe et la catégorie socioprofessionnelle en 2012

L’écart salarial le plus chez les cadres - Écarts de salaire net annuel moyen en EQTP selon le sexe et la catégorie socioprofessionnelle en 2012
Catégorie socioprofessionnelle Écarts femmes / hommes (%)
Haute-Normandie France
Cadres (y compris chefs d'entreprises) -22,6 -21,3
Professions intermédiaires -16,4 -13,6
Employés -9,1 -8,1
Ouvriers -20,3 -18,9
Ensemble -21,0 -19,7
  • Champ : postes non annexes en EQTP du secteur privé et semi-public, hors salariés agricoles, salariés des particuliers-employeurs, apprentis, stagiaires.
  • Source : Insee - DADS au lieu de résidence

Des conditions de vie moins favorables pour les mères élevant seules leurs enfants

Les inégalités entre hommes et femmes en termes de structures familiales, de temps et conditions de travail, de revenus, etc., affectent leurs conditions de vie.

Une famille monoparentale sur trois est touchée par la pauvreté (34 % en Haute-Normandie et 31 % en France métropolitaine). Il s’agit essentiellement de femmes puisqu’en Haute-Normandie, pour plus de quatre familles monoparentales sur cinq, le parent est une femme. Le statut d’occupation des logements de ces familles paraît moins avantageux que celui des couples ou des personnes seules. Elles sont moins souvent propriétaires et plus souvent logées dans le parc social. De plus, 46 % des pères de famille monoparentale sont propriétaires de leur logement contre 23 % des mères, cet écart étant plus marqué qu’en moyenne nationale.

Trois haut-normands sur cinq vivant seuls sont des femmes. Mais le taux de pauvreté des hommes seuls est supérieur à celui des femmes seules de 2,5 points (1,1 point au niveau national).

Au niveau national, les hommes disposent de 10 % de temps de loisirs de plus que les femmes. Cela peut se traduire par exemple sur la pratique sportive : près de 70 % des licenciés sportifs sont des hommes, en France comme en Haute-Normandie. Avec près de 60 000 licenciés en Haute-Normandie, le sport le plus pratiqué est le football. Ce sport connaît de très fortes disparités selon les sexes : 96 % des licenciés sont des hommes. L'équitation, qui regroupe une licenciée de sport olympique sur quatre, est le sport le plus féminisé : 82 % des licenciés sont des femmes.

Tableau 4Les femmes peu présentes parmi les élus locaux - Répartition des maires, conseillers généraux et régionaux

Les femmes peu présentes parmi les élus locaux - Répartition des maires, conseillers généraux et régionaux
Part des femmes (%) Rang de la région sur 22 régions métropolitaines
Haute-Normandie France métropolitaine
Élections municipales de 2008 14,3 13,8 10
Élections cantonales de 2008 17,7 12,4 3
Élections cantonales de 2011 19,6 14,0 3
Élections régionales de 1998 32,7 28,2 3
Élections régionales de 2004 49,1 47,6 5
Élections régionales de 2010 49,1 48,0 7
  • Source : Observatoire de la parité.

Dans les fonctions électives, bien que les femmes soient relativement peu représentées parmi les maires et les conseillers généraux, leur part au sein des élus est supérieure à la moyenne métropolitaine (Tableau 4). À noter que pour les élections départementales de 2015, la parité est assurée par le mode de scrutin.

Des progrès en dix ans dans certains domaines, des inégalités persistantes dans d’autres

En Haute-Normandie, comme au niveau national, les situations respectives des hommes et des femmes convergent lentement. À la fin des années 1990, la Haute-Normandie présentait déjà des inégalités entre les sexes globalement proches de la moyenne nationale (Figure 5).

Au cours de cette décennie, l’évolution des écarts entre femmes et hommes diffère de celle de la France dans certains domaines.

Figure_5Des écarts salariaux entre femmes et hommes en Haute-Normandie qui se réduisent sur la dernière décennie

  • Note de lecture : Pour la diversité des professions exercées, l'écart entre femmes et hommes en Haute-Normandie rapporté à celui du niveau national en 1999 valait 0,75. L’écart entre la palette des professions des femmes et celle des hommes était donc 25 % moins important en Haute-Normandie qu’au niveau national. En 2011, ce rapport est de 1 donc les écarts en Haute-Normandie et en France sont les mêmes. Cela signifie que l’écart entre femmes et hommes en Haute-Normandie est plus important en 2011 qu’en 1999.
  • Sources : Insee, Direction de l'Évaluation, de la Prospective et de la Performance, Ministère des Sports.

Alors que la palette des professions des femmes semble s’être élargie au niveau national, elle s’est stabilisée dans la région, conduisant à un renforcement relatif de la ségrégation professionnelle.

En revanche, si les écarts de revenus salariaux restent forts (20,4 % en 2010), la tendance est plutôt favorable puisqu’ils étaient, en comparaison à la moyenne nationale, encore plus élevés dix ans plus tôt (22,7 % en 2000).

Les inégalités entre femmes et hommes en termes de statut d’occupation des logements restent inchangées sur la décennie : les mères de famille monoparentale sont rarement propriétaires en comparaison des pères.

Enfin, la réduction des écarts entre sexes en matière de taux d’emploi, bien qu’importante en Haute-Normandie, s’opère au même rythme qu’en moyenne nationale. Le taux d'emploi des femmes de 25 ans à 54 ans en Haute-Normandie est passé de 67,3 % en 1999 à 75,9 % en 2011, tandis que celui des hommes est resté stable.

Définitions

La notion de parité constitue le fondement des politiques de lutte contre les inégalités entre les femmes et les hommes. Au nom de ce principe ont été édictées plusieurs lois visant à réduire les disparités dans les domaines des salaires, de l'emploi, de l'éducation, de la représentation des femmes dans les instances de pouvoir politique et économique. Ainsi, depuis 1850, un certain nombre de lois ont fait en sorte d'avancer vers la parité femmes-hommes.

Le terme d’égalité est désormais celui retenu dans les politiques publiques telle que la loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes.

Pour en savoir plus

Ouvrir dans un nouvel onglet« Vers l’égalité réelle entre hommes et femmes - Chiffres clés - Édition 2014 », Service aux Droits des Femmes et à l’Égalité, Ministère des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports (2014, mars).

« Femmes et hommes - Regards sur la parité » / Insee Références (2012, mars)

« La place des femmes dans le dynamisme économique haut-normand » / Insee Analyses Haute-Normandie n°4 (2014, nov.)

« Les Haut-Normandes de plus de 75 ans vivant seules toujours plus nombreuses » / Insee Haute-Normandie / Brèves d’Aval n°94 (2014, mars)