Une inscription territoriale diffuse pour la centrale nucléaire de Fessenheim

Clément Gass, Sylvain Moreau

Près de deux mille emplois, directs souvent très qualifiés, indirects ou induits, dépendent de la centrale nucléaire de Fessenheim. La fermeture de cet établissement affecterait l’activité des principaux sous-traitants spécialisés dans des activités de maintenance du site. Une forte proportion des cinq mille personnes concernées par la centrale (44 %) résident dans les agglomérations proches, de Mulhouse et de Colmar. L’aire d’influence significative de l’établissement s’en trouve limitée, réduite à quinze communes autour de Fessenheim. D’accès facile, le territoire ainsi délimité s’inscrit dans un mouvement de périurbanisation qui le conduit à être un espace principalement résidentiel.

L'étude a été réalisée dans le cadre d'un partenariat entre l'Insee-Alsace et la DREAL (Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement).

Insee Analyses Alsace
No 2
Paru le :Paru le01/07/2014
Clément Gass, Sylvain Moreau
Insee Analyses Alsace No 2- Juillet 2014

Située dans le Haut-Rhin à Fessenheim, à proximité du Rhin, la plus ancienne centrale nucléaire exploitée en France est une des trois composantes du parc nucléaire du Grand Est, avec les sites de Cattenom (Moselle) et de Chooz (Ardennes). Par l'effectif de ses salariés, elle est le 7e établissement industriel du Haut-Rhin et le 19e d'Alsace (respectivement le 18e et 52e toutes activités confondues), et constitue un enjeu pour l'emploi dans la région. Cette étude précise les emplois concernés, mesure la population impliquée et présente le fonctionnement du territoire dans lequel s'inscrit la centrale.

Près de 2 000 emplois liés à la centrale

En moyenne au cours de la période 2011-2012, 850 salariés d'EDF travaillent directement sur la centrale nucléaire et représentent 820 équivalents temps plein (ETP). Les commandes passées pour la centrale ont un effet indirect sur l'emploi de 510 salariés supplémentaires. Ces derniers travaillent pour des sous-traitants, prestataires de services et fournisseurs implantés en Alsace (ou installés ailleurs mais employant des salariés en mission sur le site de Fessenheim). S'y ajoutent encore 550 emplois régionaux induits par la consommation des familles de ces salariés directs et indirects. Au total pour la région, l'existence de 1 900 emplois et les revenus de 5 000 personnes dépendent de la centrale.

Quatre emplois directs sur cinq sont occupés par des hommes. Conséquence d'un niveau de qualification élevé, avec presque un tiers de cadres et deux tiers de professions intermédiaires (techniciens et contremaîtres), la rémunération des salariés directs de la centrale dépasse de 50 % le niveau moyen des salaires en France. Dans cette activité de pointe, le remplacement des seniors en fin de carrière est anticipé pour assurer la transmission des compétences et maîtriser les risques. Un quart des emplois sont ainsi occupés par des jeunes de moins de 30 ans, part élevée pour le niveau de qualification requis.

Figure_1850 emplois directs pour presque 5 000 personnes concernées

  • Sources : EDF, fichiers commandes et salariés 2011-2012 ; Insee, appariements CLAP-FICUS-DADS-FARE-RP-TES.

Un fort recours à la sous-traitance vers quatre activités

L'emploi indirect généré équivaut à 60 % des effectifs directs de la centrale, situation typique de la filière nucléaire. Une étude précédente de l'Insee l'estime au même niveau pour les sites nucléaires du Tricastin (Drôme et Vaucluse) et de Marcoule (Gard). Ce recours à la sous-traitance tient à la temporalité de certaines missions inhérentes à la production d'énergie nucléaire. Un réacteur doit notamment être arrêté tous les 12 à 18 mois pour remplacer le combustible usé et procéder à des opérations de contrôle et de maintenance. Des travaux de plus grande envergure ont lieu lors de visites décennales, périodes d'arrêt d'une centaine de jours qui s'accompagnent de bilans réglementaires de sécurité. La part d'emploi indirect est bien plus élevée que le taux de 37 % observé dans la filière automobile lors d'une étude d'impact des sites PSA de Sochaux et de Mulhouse, prépondérants dans l'industrie de la région.

Parmi les 500 équivalents temps plein de l'emploi indirect, 230 correspondent à des établissements alsaciens (et haut-rhinois pour 210 ETP), qui travaillent sur le site ou à distance pour honorer les commandes d'EDF. Quelque 400 établissements alsaciens reçoivent des commandes de la centrale, avec des montants qui justifient l'emploi de plus d'un dixième d'ETP pour 130 d'entre eux. Les six principaux concentrent 62 % de ces ETP et interviennent sur le site pour des travaux de construction (et notamment d'installation électrique), de nettoyage et de réparation d'équipements industriels. Seize établissements consacrent plus de 10 % de leur effectif à leur prestation pour EDF, pour un total de 90 ETP. Ces établissements et l'ensemble des 370 ETP qu'ils emploient pourraient être affectés par une fermeture de la centrale au cas où la diminution de leur chiffre d'affaires les ferait passer sous un seuil critique de viabilité.

Dans l'emploi indirect, 180 ETP correspondent à des salariés présents sur le site mais employés par 18 entreprises sous-traitantes qui ne sont pas implantées en Alsace. Les trois principaux prestataires cumulent 60 % de ces emplois et interviennent dans les domaines de l'assistance technique, de la sécurité, de la pose d'échafaudages et de calorifuges. Enfin, 90 des 500 ETP de l'emploi indirect proviennent de l'intérim.

Les effectifs de l'emploi indirect, hors intérim, relèvent essentiellement de quatre secteurs d'activité : un tiers pour la construction, un quart pour les activités de services administratifs et de soutien (principalement nettoyage et sécurité), un peu moins d'un cinquième pour l'industrie manufacturière (réparation et installation de machines et d'équipements) et autant pour les activités d'ingénierie, architecture, contrôle et analyse technique.

Ces emplois indirects, occupés pour moitié par des employés et des ouvriers, sont moins qualifiés et moins rémunérés que les emplois directs.

La proximité de Colmar et de Mulhouse réduit l'aire d'influence significative de la centrale

La répartition géographique des résidences des salariés directs, indirects et induits et de leurs familles permet d'évaluer l'inscription territoriale de la centrale. Parmi les 5 000 personnes concernées, 16 % seulement résident à Fessenheim et 8 % dans le chef-lieu voisin d'Ensisheim, principalement via les emplois directs.

Rapporté à la population totale de la commune, l'impact apparaît le plus élevé à Fessenheim, avec 35 % de ses habitants concernés. Viennent ensuite les communes voisines de Balgau (12 %) et de Nambsheim (7,5 %). Cette dépendance à la centrale dépasse 2 % pour quelques autres communes ou pour celles qui appartiennent à la même communauté de communes que Fessenheim (Essor du Rhin) et perçoivent des impôts locaux versés par EDF. Au total, le territoire d'impact de la centrale, constitué sous contrainte de contiguïté, est formé de quinze communes regroupant 22 800 habitants. La commune d'Ensisheim en concentre le tiers.

En dehors de ce périmètre, où résident un tiers des 5 000 personnes concernées, la communauté d'agglomération de Mulhouse en regroupe 28 % et celle de Colmar 16 %. Les couronnes de ces agglomérations sont choisies comme lieu d'habitation par des salariés de la centrale et de ses sous-traitants. Quant aux villes-centres, elles hébergent les personnes occupant les emplois induits par la consommation des ménages habitant en périphérie, ces derniers ne trouvant pas tous les commerces et services nécessaires dans leur commune de résidence.

Le reste de la population se localise entre le périmètre d'impact et les deux agglomérations, ou encore sur les contreforts des Vosges et dans le Florival. Guebwiller et Rouffach, importants pôles de services, concentrent les emplois induits dans cette zone géographique. Enfin, 3 % de la population impliquée réside dans le Bas-Rhin, par le biais d'emplois indirects.

Figure_2Un territoire d'impact constitué de quinze communes

  • © IGN - Insee 2014
  • Sources : EDF, fichiers commandes et salariés 2011-2012 ; Insee, appariements CLAP-FICUS-DADS-FARE-RP-TES.

Figure_3L'influence de Colmar et de Mulhouse limite celle du pôle d'emploi de Fessenheim

  • © IGN - Insee 2014
  • Source : Insee, zonage en aires urbaines 2010.

Une forte dynamique démographique alimentée par la périurbanisation

Fessenheim et Balgau, communes agglomérées, constituent un « petit pôle d'emploi » parmi les aires urbaines de la région. Ce pôle n'a pas d'aire d'influence propre, bon nombre d'habitants des communes voisines allant aussi travailler dans les agglomérations de Mulhouse et de Colmar. De même, les autres communes du territoire d'impact sont soit des petits pôles, soit multipolarisées sous l'influence d'aires urbaines de tailles diverses. Cet espace occupe une position périurbaine intermédiaire entre les aires de Mulhouse et Colmar.

Le territoire d'impact se caractérise par une forte croissance démographique. Sujet à l’exode rural jusque dans les années 1960, il regagne en attractivité dans les années 1970 avec la construction de la centrale (débutée en 1971). La population augmente alors de 2 % par an, principalement en raison de l'excédent migratoire. Même après la mise en service des réacteurs, la croissance se maintient à un rythme supérieur à 1 % par an dans les années 1980 et jusqu'à nos jours, avec à la fois un excédent des naissances sur les décès et un solde migratoire positif. Les autres territoires périurbains éloignés d'Alsace1, à l'attractivité récente, ne connaissent une croissance supérieure à la moyenne régionale que depuis les années 2000. Les territoires d'implantation des autres centrales nucléaires2 sont marqués par une forte croissance au moment de leur construction, mais qui s'est nettement atténuée par la suite, avec un rythme désormais égal au tiers de celui observé autour de Fessenheim. La centrale n'est donc pas le seul moteur du dynamisme démographique de sa zone d'impact.

1 Le territoire d'impact est ici comparé à une « référence périurbaine », ensemble des communes alsaciennes appartenant aux deux mêmes catégories que lui dans le zonage en aires urbaines. Le territoire de référence et la zone d'impact ont une position dans le maillage urbain et une localisation par rapport à l'offre d'emploi qui les rendent comparables.

2 Le territoire d'impact est ici comparé à une « référence des autres centrales », ensemble des périmètres d'impacts de 14 autres centrales nucléaires. Sur les 18 existantes hormis Fessenheim, quatre ont été retirées du fait de périmètres trop urbanisés ou trop vastes.

Figure 4La centrale contribue modestement à une croissance démographique record

indice 100 en 1962
La centrale contribue modestement à une croissance démographique record (indice 100 en 1962)
Périmètre d'impact de la centrale de Fessenheim Petits pôles et communes multipolarisées alsaciennes Alsace Périmètre d'impact de 14 autres centrales
1962 100 100 100 100
1968 103 102 107 103
1975 119 105 115 105
1982 127 107 119 115
1990 139 109 123 120
1999 156 115 132 123
2010 181 124 140 129
  • Source : Insee, recensements de la population 1962 à 2010

Figure 4La centrale contribue modestement à une croissance démographique record

  • Source : Insee, recensements de la population 1962 à 2010

Malgré son éloignement supérieur à 20 kilomètres des grandes villes, ce territoire participe pleinement au phénomène de desserrement urbain. Une position avantageuse à équidistance de Mulhouse, Colmar et Fribourg-en-Brisgau (en Allemagne, lieu de destination de travailleurs frontaliers), associée à une assez faible densité de population, le rend attractif pour des ménages à la recherche d'espace tout en conservant un accès aisé à l'emploi. Sur une période de cinq ans, le territoire enregistre ainsi 800 arrivées de plus que de départs, ce solde migratoire positif étant essentiellement gagné sur les agglomérations de Mulhouse et de Colmar.

Le desserrement urbain apporte surtout de la population aux plus petites communes du territoire d'impact. Avec une hausse de sa population de 52 % entre 1999 et 2010, Nambsheim est ainsi la 4e commune alsacienne pour l'intensité de sa croissance démographique. La structure par âge de la population du territoire reflète cette attractivité périurbaine. Les quadragénaires et leurs enfants s'y trouvent ainsi en plus grande proportion que dans la population alsacienne. Inversement, les jeunes de 18 à 24 ans ont tendance à quitter le territoire pour aller étudier ou trouver un premier emploi, d'où un solde migratoire négatif avec Strasbourg. De 35 à 60 ans, les hommes sont nettement plus nombreux que les femmes, en lien avec la main-d'œuvre essentiellement masculine d'EDF et de ses sous-traitants. Contrairement aux territoires d'impact des autres centrales, la zone de Fessenheim n'est pas touchée par un vieillissement de sa population, qui s'est constamment renouvelée par l'arrivée de jeunes actifs même lorsque la création d'emplois sur place a ralenti une fois la construction de la centrale achevée.

Figure 5Le desserrement urbain autour de Colmar et Mulhouse alimente l'excédent migratoire

Le desserrement urbain autour de Colmar et Mulhouse alimente l'excédent migratoire
Arrivées entre 2003 et 2008 Départs entre 2003 et 2008 Solde entre 2003 et 2008
Unité urbaine de Mulhouse 1 140 620 520
Unité urbaine de Colmar 420 190 230
Unité urbaine de Guebwiller 150 180 -30
Unité urbaine de Neuf-Brisach 160 90 70
Reste du Haut-Rhin 1 000 910 90
Unité urbaine de Strasbourg 80 130 -50
Reste du Bas-Rhin 90 80 10
France hors Alsace 650 700 -50
Total 3 690 2 900 790
  • Source : Insee, RP 2008 exploitation principale (migrations 2003-2008).

Une offre de services concentrée à Fessenheim

Les salaires des actifs périurbains travaillant dans les agglomérations de Mulhouse, Colmar et Fribourg-en-Brisgau s'ajoutent à ceux des salariés de la centrale pour assurer les revenus de la population du territoire d'impact. Le revenu net moyen par foyer fiscal y dépasse légèrement (+ 3 %) celui observé dans les zones périurbaines comparables et largement (+ 15 %) celui des périmètres d'impacts des autres centrales.

Malgré une situation plutôt aisée, les ménages de la zone de Fessenheim sont plus souvent locataires que ceux des territoires comparables. Ils occupent des logements plus petits en moyenne, alors qu'ils comportent une plus forte part de familles avec enfants. Une partie du parc locatif est directement gérée par EDF.

L'économie du territoire d'impact peine à capter les revenus de ses habitants. Compte tenu de la population, le nombre d'équipements, commerces et services de proximité est plus faible qu'escompté. Il est fréquent d'observer un déficit d'équipements de proximité en zone périurbaine, dont une partie des habitants ont la possibilité de consommer près de leur lieu de travail, souvent hors de la zone. Mais dans le territoire d'impact, les banques, restaurants, boulangeries, médecins généralistes et dentistes sont encore moins nombreux que dans les zones périurbaines comparables. Seule la commune de Fessenheim semble avoir profité de l'implantation de la centrale pour proposer un assez haut niveau de services.

L'intégration dans un marché de l'emploi diffus allonge les déplacements domicile-travail

La part des chômeurs est limitée à 8,7 % au dernier recensement, contre 11,3 % dans les territoires des autres centrales. L'accès à l'emploi est largement dépendant des alentours, car le territoire de Fessenheim n'offre que 54 emplois pour 100 actifs y résidant. Malgré cela, plus de la moitié des emplois de la zone de Fessenheim sont occupés par des actifs résidant à l'extérieur. En conséquence, ce sont trois quarts des actifs résidant à l'intérieur du périmètre d'impact de la centrale qui travaillent en dehors, part élevée même pour un territoire périurbain de petite taille. Avec 13,8 km, le trajet domicile-travail médian pour un résident de la zone est de deux tiers plus élevé qu'autour des autres centrales.

Les déplacements domicile-travail qui ne sortent pas des frontières nationales se font principalement vers et en provenance de l'unité urbaine de Mulhouse, qui explique 42 % du solde. Viennent ensuite les agglomérations de Colmar (24 %), Biesheim (9 %), Neuf-Brisach (6 %) et Rouffach (5 %). Par ailleurs, 15 % des résidents actifs du périmètre de la centrale travaillent en Allemagne.

Ces flux domicile-travail intenses vont de pair avec l'inadéquation entre les emplois offerts et le niveau de qualification des résidents de la zone. En l'occurrence, EDF procure directement 15 % des postes dans la zone, dont un tiers de cadres et presque deux tiers de professions intermédiaires, alors que seul un résident actif sur dix est cadre et un sur quatre profession intermédiaire. Inversement, un poste sur trente est destiné aux ouvriers chez EDF, alors que ceux-ci représentent le tiers des résidents actifs.

Cependant, une meilleure correspondance des postes offerts à la main-d'œuvre locale ne réduirait pas nécessairement les distances domicile-travail, car les flux vers et en provenance de la zone sont intenses pour toutes les catégories sociales. Le réseau routier permet des liaisons assez faciles avec trois grandes agglomérations. Résidant dans un marché du travail très ouvert, bien dotés en voies de communication par la route, les actifs disposent d'un choix plus large pour leurs lieux de résidence et de travail.

Figure 6Peu d'emplois, majoritairement occupés par des non-résidents

Peu d'emplois, majoritairement occupés par des non-résidents
Périmètre d'impact de la centrale de Fessenheim Petits pôles et communes multipolarisées alsaciennes Périmètre d'impact de 14 autres centrales
Part des résidents actifs travaillant hors de la zone (en %) 75,5 58,8 43,9
Nombre d'emplois pour 100 résidents actifs 53,6 65,6 88,1
Part des emplois occupés par des non-résidents (en %) 54,4 37,1 36,3
Distance domicile-travail médiane pour les résidents de la zone (en km) 13,8 11 8,3
Distance domicile-travail médiane pour les emplois de la zone (en km) 9,3 6,8 7,5
  • Sources : Insee, RP 2010 exploitation principale ; Inra UMR1041 CESAER, distancier Odomatrix.

Une spécificité industrielle fragile

L'emploi de la zone de Fessenheim compte à ce jour 33 % d'emploi industriel, soit 7 points de plus qu'autour des autres centrales et que dans les autres zones périurbaines et 14 points de plus qu'en Alsace. La production et distribution d'énergie concentre 43 % des emplois industriels de la zone de Fessenheim, soit exactement autant que dans les territoires d'impacts des autres centrales. Hormis la centrale EDF, le principal employeur industriel du territoire d'impact est situé à Ensisheim, avec un établissement dont l'activité est la fabrication d'engrenages et d'organes mécaniques de transmission qui appartient à un groupe japonais leader mondial sur le marché des arbres cannelés et des vis à billes. Il s'agit là d'une activité très sensible à la conjoncture. Toujours à Ensisheim, deux établissements emploient chacun plus de 100 salariés pour la fabrication de machines spécialisées. Aucun de ces établissements ne sous-traite pour la centrale nucléaire.

Les activités dites « productives » ou « non présentielles », destinées aux entreprises ou à l'export hors de la zone, par opposition aux activités dites « présentielles », destinées à la population présente (qu'il s’agisse de résidents ou de touristes) regroupent 54 % des emplois du territoire d'impact. En l'absence des emplois directs et indirects de la centrale, cette part d'emplois productifs diminuerait à hauteur de 42 %, niveau actuellement observé autour des autres centrales et dans les zones périurbaines alsaciennes comparables. La zone de Fessenheim perdrait alors sa spécificité industrielle et l'offre d'emplois serait réduite à 42 postes pour 100 actifs résidents, contre 88 dans les territoires des autres centrales. En plus des établissements évoqués, les piliers de l'emploi de la zone deviendraient deux entreprises de transports à Ensisheim et Algolsheim, la prison, la mairie, l'hôpital et le collège d'Ensisheim, et le supermarché de Fessenheim.

Un espace principalement résidentiel

Le territoire de Fessenheim est en position peu confortable face aux enjeux de développement local. L'offre d'emplois et d'équipements est relativement faible sur place. Les déplacements sont alors intenses et se font en voiture, en l'absence d'une liaison ferrée. Aucun moteur d'emploi ne se dégage naturellement pour remplacer la centrale. Si le territoire est attractif, la dispersion de l'habitat et la structure des déplacements domicile-travail ne permettent pas un grand développement de l'économie résidentielle. L'autre moteur de l'emploi présentiel, le tourisme, est également peu développé : les résidences secondaires ne sont que quelques dizaines, et en moyenne un peu plus d'une centaine de personnes sont hébergées dans les hôtels de la zone (dont 40 % identifiées comme clientèle d'affaires). La fonction de ce territoire devrait rester principalement centrée sur l'accueil strictement résidentiel d'actifs périurbains.

Une méthode d’estimation reposant sur des sources administratives

Les estimations d’emploi sont effectuées sur une période de référence de deux années (2011-2012), jugée représentative de l’activité tendancielle de la centrale, avec à la fois des phases d’arrêt de tranche et des phases de production normale. L’emploi direct est calculé grâce aux données fournies par l’entreprise. Il inclut tous les salariés d’EDF présents sur le site, quelle que soit leur direction de rattachement (y compris le restaurant d’entreprise géré par la caisse centrale d’activités sociales des industries électrique et gazière). Il englobe également la gestion du personnel, dont l’activité dépend directement de la centrale bien qu’elle soit localisée à Illzach. L’emploi indirect est estimé à partir des commandes passées par la centrale à ses sous-traitants. Les montants de commandes sont alors rapportés aux chiffres d’affaires totaux des entreprises via une source fiscale, puis convertis en emplois grâce aux données administratives sur les effectifs des établissements. Certaines entreprises sous-traitantes n’ayant pas d’établissement en Alsace, les informations données par EDF quant à la présence permanente locale de salariés d’établissements distants viennent compléter les sources administratives. Le recours à l’intérim d’EDF et de ses sous-traitants est pris en compte grâce aux données remontées par les agences. L'activité générée par la sous-traitance des entreprises titulaires de commandes n’est pas prise en compte dans cette étude. Les communes de résidence des salariés directs et indirects sont obtenues à partir des déclarations annuelles de données sociales (DADS). Le nombre de personnes impactées par ces emplois est estimé par la taille moyenne des ménages contenant au moins un actif dans ces communes, d’après le recensement de la population. Dans chaque secteur de l’économie présentielle (activités produites et consommées localement), les emplois induits sont estimés à proximité des lieux de résidence de la population concernée directement ou indirectement. Les ménages sont supposés consommer dans leur commune lorsque le secteur d’activité y est représenté, et à défaut dans le reste de leur bassin de vie. L’emploi induit se traduit à son tour en population concernée, en fonction de la taille des ménages dans les communes où se localisent ces emplois.

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