L'Auvergne aussi innovante que la province

Maxime Levesque, Insee

Entre 2010 et 2012, 56 % des sociétés auvergnates de 10 à 249 salariés ont innové. Cette proportion est similaire à la moyenne de France de province, malgré une structure économique régionale plutôt défavorable. Cet effet structurel négatif est en effet compensé par une part relativement élevée de sociétés innovantes dans certains pans de l’économie régionale. Les sociétés auvergnates ont moins recours à la recherche et développement interne, qui est la première activité d’innovation technologique. Comme en province, un tiers des sociétés coopèrent pour innover, principalement avec des partenaires privés (fournisseurs, clients). Toutefois, la coopération internationale est en retrait en Auvergne. Si le recours au financement public est proche de la moyenne nationale, le Crédit d’Impôt Recherche, quant à lui, est moins utilisé.

Insee Analyses Auvergne
No 3
Paru le :Paru le22/10/2014
Maxime Levesque, Insee
Insee Analyses Auvergne No 3- Octobre 2014

En Auvergne comme en France de province, 56 % des sociétés déclarent avoir innové entre 2010 et 2012 (figure 1). Cependant, seulement 40 % des unités auvergnates innovent dans le domaine technologique, soit deux points de moins qu’à l’échelon provincial. Elles sont notamment moins nombreuses à avoir introduit un produit nouveau. En revanche, le taux régional d’innovation non technologique est similaire au taux national (42 %). Un tiers des sociétés innovent ainsi en organisation, un quart en marketing.

Figure_1En Auvergne comme en France de province, 56 % des sociétés sont innovantes - Part des sociétés ayant innové selon le type d’innovation

  • ns : l’écart entre le taux auvergnat et le taux de France de province est non significativement différent de 0 (pour un seuil à 95 %).
  • * : l’écart est significativement différent de 0 (pour un seuil à 95 %).
  • Source : Insee, Enquête CIS 2012.

La majorité des sociétés innovantes combinent plusieurs types d’innovation

Les deux tiers des sociétés innovantes combinent au moins deux types d’innovation, en Auvergne comme en province. Ainsi, une entreprise innovante sur deux associe innovations technologique et non technologique.

De même, parmi les sociétés innovantes en produits ou en procédés, près de la moitié combine ces deux types d’innovation. En effet, l’introduction d’un nouveau produit nécessite souvent la mise en place de nouveaux procédés de fabrication.

Enfin, l’innovation marketing accompagne presque toujours au moins un autre type d’innovation : 23 % des sociétés auvergnates sont innovantes en marketing, mais seules 4 % innovent uniquement dans ce domaine.

Par ailleurs, un produit nouveau pour une entreprise ne l’est pas forcément pour son marché. Toutefois, pour deux-tiers des sociétés qui ont élargi leur gamme de produits, le bien ou le service qu’elles ont introduit sur leur marché est nouveau pour celui-ci (le produit pouvant cependant déjà exister sur d’autres marchés).

Une structure économique plutôt défavorable

Le secteur d’activité et la taille d’une entreprise influent le plus sur la propension à innover (tableau encadré). Une surreprésentation des secteurs d’activité peu innovants ou des sociétés de petite taille contribue à diminuer le taux d’innovation. C’est le cas en Auvergne. Les sociétés industrielles de moins de 20 salariés, les moins innovantes, représentent 43 % du champ, contre seulement 37 % en province. Il s’agit principalement de sociétés dites de moyenne-basse technologie et basse technologie . À l’inverse, les services, fortement innovants, sont beaucoup moins présents en Auvergne (10 % du champ contre 18 % en moyenne de province).

Toutefois, cet effet structurel négatif est compensé par une propension à innover assez forte dans certains pans de l’économie auvergnate (figure 2).

Ainsi, dans l’industrie, les sociétés de 50 salariés et plus sont fortement innovantes en Auvergne (77 %, soit trois points de plus qu’en province). C’est notamment le cas dans divers secteurs de basse technologie, très concurrentiels : « Bois, papier, imprimerie » ou « Textile, habillement, cuir, chaussure ». En particulier, dans ce dernier secteur, plusieurs sociétés sont spécialisées dans la fabrication de textiles techniques ou de produits de luxe.

Le secteur de la métallurgie présente dans la région un comportement d’innovation particulier : alors que les sociétés de 50 à 249 salariés innovent nettement moins en Auvergne qu’en France de province, c’est l’inverse pour les unités de plus petite taille. Ces dernières sont, par exemple, particulièrement présentes près de Thiers ou de Sainte-Sigolène. Les sociétés de coutellerie thiernoises sont contraintes d’innover pour résister à la concurrence internationale. L’est de la Haute-Loire, quant à lui, abrite des sous-traitants qui travaillent pour des sociétés appartenant à des secteurs économiques de pointe, tels que l’aéronautique ou l’énergie. En concurrence avec les autres fournisseurs potentiels, ils sont donc amenés à innover pour répondre aux attentes de leurs donneurs d’ordre. Dans les services, les sociétés de 20 à 49 salariés présentent un taux d’innovation très élevé en Auvergne. C’est notamment le cas dans le secteur de l’« Architecture-ingénierie ».

Figure_2Les sociétés des services technologiques sont nettement plus innovantes - Taux d’innovation par secteur d’activité et intensité technologique tous types d’innovation confondus (en %)

  • ns : l’écart entre le taux auvergnat et le taux de France de province est non significativement différent de 0 (pour un seuil à 95 %).
  • * : l’écart est significativement différent de 0 (pour un seuil à 95 %).
  • Note de lecture : en Auvergne comme en France de province, 54 % des sociétés de l’industrie manufacturière sont innovantes. Toutefois, au sein de ce secteur, les sociétés de moyenne-basse technologie sont plus innovantes dans la région (54 % contre 51 %).
  • Source : Insee, Enquête CIS 2012 ; Eurostat, Nomenclature des activités selon l’intensité technologique (définitions).

La recherche et développement interne à la société, première activité d’innovation

Afin de développer leurs innovations de produits ou de procédés, les sociétés s’appuient sur différents types d’activités. La recherche et développement (R&D) réalisée en interne est la plus utilisée (figure 3). Elle permet aux sociétés de conserver leur autonomie, en termes de maîtrise des décisions ou de confidentialité. Toutefois, les sociétés auvergnates technologiquement innovantes ont moins recours à la R&D interne que la moyenne provinciale (66 % contre 71 %) C’est en particulier vrai pour les petites sociétés industrielles de la région (moins de 20 salariés).

Le poids des autres activités est en revanche proche en Auvergne et en province. Le recours à la R&D externe et l’acquisition de connaissances auprès d’autres sociétés, activités pour lesquelles est sollicité un acteur extérieur, restent limités. De plus, les sociétés ne font appel à la R&D externe qu’en complément de la R&D interne.

Par ailleurs, les sociétés combinent le plus souvent les activités d’innovation. Ainsi, en moyenne, les sociétés innovantes en technologie s’engagent dans 3,6 types d’activités sur les huit possibles.

Figure_3Un recours à la R&D moins fort en Auvergne - Activités pour les innovations technologiques

  • ns : l’écart entre le taux auvergnat et le taux de France de province est non significativement différent de 0 (pour un seuil à 95 %).
  • * : l’écart est significativement différent de 0 (pour un seuil à 95 %).
  • Note de lecture : parmi les sociétés auvergnates technologiquement innovantes, 66 % ont eu une activité de R&D en interne. Une société peut avoir eu plusieurs types d’activités différents.
  • Source : Insee, Enquête CIS 2012.

Les fournisseurs, principaux partenaires de coopération

Les bénéfices de la coopération pour le développement d’innovations sont nombreux : mutualisation des investissements, des connaissances et des ressources humaines, complémentarité des compétences de chacun des partenaires, champ d’action élargi… Le développement de projets collaboratifs est ainsi un objectif des pouvoirs publics, comme le montre la mise en place des pôles de compétitivité et des clusters.

En Auvergne comme en province, un tiers des sociétés coopèrent pour leurs activités d’innovation technologique. Le taux de coopération augmente avec la taille de l’entreprise, et les services coopèrent plus que l’industrie. En général, les sociétés collaborent avec plusieurs types de partenaires. Le partenariat avec les fournisseurs est le plus répandu (figure 4): il concerne six sociétés sur dix. Trois sortes de coopération sont surreprésentées en Auvergne : celle avec des clients ou des consommateurs du secteur privé, celle avec des universités ou d’autres établissements de l’enseignement supérieur et celle avec des sociétés du même secteur ou des concurrents. En revanche, la coopération en interne (au sein du groupe ou avec des sociétés partageant la même enseigne) est en retrait en Auvergne, alors que la part des sociétés appartenant à un groupe ou à une enseigne est identique dans la région et en province.

Figure_4Les partenariats avec les clients et les universités plus fréquents en Auvergne qu’en province - Types de partenaires des sociétés coopérantes pour les activités d’innovation technologique

  • ns : l’écart entre le taux auvergnat et le taux de France de province est non significativement différent de 0 (pour un seuil à 95 %).
  • * : l’écart est significativement différent de 0 (pour un seuil à 95 %).
  • Note de lecture : parmi les sociétés auvergnates technologiquement innovantes ayant coopéré, 63 % ont collaboré avec un fournisseur. Une société peut avoir eu plusieurs types de partenaires différents.
  • Source : Insee, Enquête CIS 2012.

Moins de coopération internationale en Auvergne

En Auvergne comme en province, les deux tiers des sociétés qui ont coopéré l’ont fait avec des partenaires implantés dans la même région. Collaborer avec un partenaire situé dans une autre région est, en revanche, plus fréquent en Auvergne qu’en province (80 % contre 70 %). La coopération internationale, quant à elle, y est beaucoup moins développée : seulement 28 % des sociétés auvergnates collaborent avec des partenaires situés hors de France, contre 40 % en moyenne de province. Enfin, en Auvergne, seules 15 % des sociétés coopérantes nouent des partenariats uniquement dans la région, soit six points de moins qu’en moyenne provinciale.

Plus de la moitié des sociétés innovantes ont reçu un soutien financier public

De nombreux dispositifs d’aide aux sociétés sont mis en place afin de soutenir l’effort d’innovation : subventions, prêts, avances remboursables, garanties de prêt ou Crédit d’Impôt Recherche (CIR). En Auvergne, entre 2010 et 2012, 58 % des sociétés innovantes sur le plan technologique ont reçu au moins une aide publique, une proportion proche de la moyenne de France de province.

La part des sociétés ayant reçu un soutien public augmente avec leur taille : en effet, les petites structures ont plus de difficultés à accéder à l’information et à effectuer les démarches nécessaires. En outre, les sociétés de services de moins de 50 salariés bénéficient plus souvent de financements publics que les sociétés industrielles de même taille.

Près de la moitié des sociétés technologiquement innovantes considèrent que les démarches à effectuer sont trop lourdes, qu’elles aient obtenu un financement public ou non. De même, la moitié des sociétés soutenues par une aide publique estime les conditions requises exigeantes. Enfin, la méconnaissance des dispositifs est le premier motif invoqué pour expliquer l’absence de financement public (44 % en Auvergne).

Le Crédit d’Impôt Recherche moins utilisé en Auvergne

Le Crédit d’Impôt Recherche (CIR) est une mesure de soutien aux activités de recherche et développement. Il permet aux sociétés de déduire une partie de leurs dépenses de R&D de l’impôt sur les sociétés. En Auvergne, 40 % des sociétés innovantes sur le plan technologique en ont bénéficié entre 2010 et 2012, contre 44 % en France de province. Le recours moins fréquent des sociétés auvergnates à la R&D explique en grande partie cette différence. En revanche, parmi les sociétés réalisant ce type d’activité, le taux de recours au CIR est similaire en Auvergne et en province, soit six sociétés sur dix. Cependant, la région présente un profil spécifique : dans l’industrie, les sociétés de 20 à 49 salariés engageant des dépenses de R&D sont plus nombreuses à bénéficier du CIR qu’en moyenne nationale (68 % contre 52 %). C’est l’inverse pour les petites ou les grandes unités (moins de 20 ou plus de 49 salariés).

Enfin, la part des sociétés bénéficiant d’une aide versée par une collectivité territoriale est identique en Auvergne à la moyenne provinciale. En revanche, le recours à un financement en provenance d’un organisme national ou de l’Union Européenne est plus fréquent dans la région.

La stratégie de « spécialisation intelligente »

L’innovation est au cœur de la stratégie de « spécialisation intelligente », axe central de la politique européenne de cohésion 2014-2020. Son ambition est d’augmenter la compétitivité de l’Union européenne en stimulant la recherche et l’innovation. La mise en œuvre de cette stratégie devra se faire à l’échelle des régions européennes. Ainsi, chaque région doit identifier les secteurs et activités pour lesquels elle dispose d’un avantage comparatif, au niveau européen ou mondial. L’objectif est de concentrer les efforts et ressources sur ces secteurs porteurs, notamment en mobilisant de manière plus efficace les différents types de financement européens.

Les déterminants de l’innovation des PME régionales entre 2010 et 2012

Le modèle logistique suivant a été réalisé sur l’ensemble de l’échantillon de France de province.

  • Note de lecture : toutes choses égales par ailleurs, les PME régionales non exportatrices ont des chances d’innover significativement inférieures à celles des autres. Le déficit est de six points par rapport à la probabilité de référence évaluée pour un taux d’export positif et inférieur à 4 %. Il atteint 15 points par rapport à la probabilité d’innover d’une entreprise de même profil mais exportant au moins 20 % de son chiffre d’affaires.
  • Toutes choses égales par ailleurs, les PME de six régions sur les neuf ayant réalisé une extension d’échantillon ont des chances d’innover significativement supérieures à celles des PME de Nord-Pas-de-Calais (région de référence). Par exemple, la localisation en Rhône-Alpes plutôt qu’en Nord-Pas-de-Calais augmente la probabilité d’innover des PME de 9,4 points.
  • Source : Insee, Enquête CIS 2012.

Sources

Méthodologie :

Les concepts d’innovation utilisés pour cette enquête sont issus du manuel d’Oslo, principale source internationale de principes directeurs en matière de collecte et d’utilisation d’informations sur les activités d’innovation. En particulier, l’innovation se définit ici en référence à l’entreprise en tant qu’unité légale ; il ne s’agit pas nécessairement de nouveautés ou d’améliorations pour le marché. De plus, l’innovation peut ne pas avoir été développée par l’entreprise.

L’innovation au sens large regroupe deux grandes catégories :

- l’innovation technologique, regroupant les innovations de produits et de procédés (abouties ou non);

- l’innovation non technologique, incluant les innovations d’organisation et de marketing.

Sources :

Les résultats de cette étude sont issus de l’enquête communautaire sur l’innovation (CIS) 2012. Elle porte sur l’innovation des sociétés au cours de la période 2010-2012. En Auvergne, un partenariat, associant la préfecture de région, le conseil régional et la direction régionale de l’Insee, a permis de réaliser une extension de l’échantillon afin d’obtenir des informations exploitables au niveau régional sur un champ déterminé.

Celui-ci correspond aux sociétés mono ou quasi-monorégionales (c’est-à-dire dont au moins 80 % des effectifs sont localisés dans la région) de 10 à 249 salariés, appartenant aux secteurs d’activité suivants : industrie manufacturière, services technologiques (information et communication, recherche et développement scientifique) et services intellectuels (architecture et ingénierie, publicité et études de marché). Toutes les sociétés du champ, soit 897 sociétés, ont été interrogées (800 ont répondu).

Ce champ regroupe l’ensemble des sociétés mono ou quasimonorégionales de 10 à 249 salariés de l’industrie manufacturière (807 unités), mais seulement une petite partie des sociétés de services (celles où se concentre l’innovation, soit 90 unités).

Les informations sur les activités d’innovation, la coopération et le financement ne sont disponibles que pour les sociétés technologiquement innovantes.

Définitions

Les unités interrogées et qui ont répondu pour elles-mêmes sont les unités légales, ce qui correspond à la définition « juridique » de l’entreprise et non à la définition économique de la loi de modernisation de l’économie (LME). C’est pourquoi ces résultats sont présentés en utilisant l’appellation « sociétés » plutôt que celle d’entreprises.

France de province : France hors Île-de-France mais y compris DOM.

Nomenclature EUROSTAT selon l'intensité technologique des secteurs d'activité de l'industrie manufacturière :

Haute technologie : Industrie pharmaceutique, Fabrication de produits informatiques, électroniques et optiques, Construction aéronautique et spatiale.

Moyenne-haute technologie : Industrie chimique, Fabrication d'armes et de munitions, Fabrication d'équipements électriques, Fabric. de machines & équipements n.c.a., Industrie automobile, Fabric. d'autres matériels de transport, hors Construction navale et Construction aéronautique et spatiale, Fabrication d'instruments et de fournitures à usage médical et dentaire.

Moyenne-basse technologie : Reproduction d'enregistrements, Cokéfaction et raffinage, Fab. prod. en caoutchouc & en plastique, Fab. aut. prod. minéraux non métalliques, Métallurgie, Fab. prod. métalliq. sf machine & équipt, hors Fabrication d'armes et de munitions, Construction navale, Réparation & install. machine & équipt.

Basse technologie : Industries alimentaires, Fabrication de boissons, Fabrication de produits à base de tabac, Fabrication de textiles, Industrie de l'habillement, Industrie du cuir et de la chaussure, Trav. bois; fab. article bois, vannerie, Industrie du papier et du carton, Imprimerie & reprod. d'enregistrements, Reproduction d'enregistrements, hors Reproduction d'enregistrements, Fabrication de meubles, Autres industries manufacturières, hors Fab. inst. & fournit. usage méd. & dent.