Insee Flash Ile-de-FranceDes disparités de niveaux de vie fortes à Paris et dans les Hauts-de-Seine

Jacques Bellidenty, Corinne Martinez

En Ile-de-France, le niveau de vie médian est le plus élevé de métropole. Néanmoins, la région est également celle qui concentre les plus fortes disparités de niveaux de vie : le niveau de vie au-dessus duquel se situent les 10 % de ménages les plus aisés est cinq fois supérieur à celui au-dessous duquel se trouvent les 10 % les plus modestes. Ces inégalités se concentrent au cœur de la région. En grande couronne, les disparités de revenus sont atténuées et les taux de pauvreté sont majoritairement plus faibles que dans la région.

Insee Flash Ile-de-France
No 5
Paru le :Paru le02/06/2015
Jacques Bellidenty, Corinne Martinez
Insee Flash Ile-de-France No 5- Juin 2015

L’Ile-de-France est la région de métropole où les disparités de revenu disponible par unité de consommation (UC) sont les plus fortes : le niveau de vie au-dessus duquel se situent les 10 % de ménages les plus aisés est cinq fois supérieur à celui au-dessous duquel se trouvent les 10 % les plus modestes (Définitions). En Rhône-Alpes, deuxième région la plus inégalitaire, ce rapport n’est que de 3,5.

En effet, le revenu annuel disponible médian francilien est le plus élevé de métropole. La moitié des ménages franciliens disposent de 22 200 € par unité de consommation contre 19 800 € en France métropolitaine (figure 1). Cependant, la pauvreté est également présente sur le territoire francilien : 15 % des ménages disposent de moins de 990 € par mois par UC contre 14 % au niveau national. L’intensité de la pauvreté y est même la plus élevée de France métropolitaine et tout particulièrement à Paris. La moitié des ménages pauvres franciliens vivent ainsi avec moins de 750 € par mois par UC. Les inégalités se concentrent au cœur de la région.

À Paris, l’éventail des niveaux de vie est étendu, comme dans la plupart des villes-centres. Cette hétérogénéité est également présente au sein même des arrondissements où cohabitent à la fois des ménages pauvres dans des logements sociaux et des ménages aisés qui disposent souvent de revenus du patrimoine. Le taux de pauvreté est supérieur au niveau national dans le tiers des arrondissements. Par ailleurs, les 10 % des Parisiens les plus aisés disposent au moins de 41 100 € à 131 400 € par UC selon les arrondissements (contre 46 100 € par UC dans la région).

Figure_1Paris et les Hauts-de-Seine regroupent les niveaux de vie les plus élevés, mais également les plus fortes inégalités

Paris et les Hauts-de-Seine regroupent les niveaux de vie les plus élevés, mais également les plus fortes inégalités
Nombre de ménage fiscaux en 2012 Niveau de vie annuel Rapport interdécile Intensité de pauvreté (en %) Taux de pauvreté (en %)
Médiane (en euros) 1er décile (en euros) 9e décile (en euros)
Paris 1 043 100 25 700 9 400 63 700 6,7 27,4 16,1
Hauts-de-Seine 670 300 25 500 11 100 55 400 5,0 23,6 11,8
Seine-Saint-Denis 560 400 16 600 8 000 32 200 4,0 24,7 26,9
Val-de-Marne 537 300 21 400 10 100 42 400 4,2 23,3 15,3
Seine-et-Marne 513 500 21 700 11 500 37 300 3,3 20,7 11,1
Yvelines 552 100 25 100 12 400 48 600 3,9 21,3 8,9
Essonne 477 900 22 600 11 100 40 600 3,7 22,5 12,0
Val-d'Oise 435 000 20 500 9 800 37 700 3,8 23,3 16,2
Ile-de-France 4 789 600 22 200 10 100 46 100 4,6 24,0 15,0
France métropolitaine 26 562 700 19 800 10 500 37 200 3,5 21,0 14,3
France métropolitaine (ERFS 2012) (*) / 19 700 10 600 37 400 3,5 20,5 13,9
  • (*) Pour les indicateurs d'inégalité des niveaux de vie et de pauvreté en France métropolitaine, l'enquête sur les revenus fiscaux et sociaux (ERFS) reste la source de référence ; "/" signifie que les informations ne sont pas disponibles à partir de l'ERFS 2012.
  • Sources : Insee-DGFiP-Cnaf-Cnav-CCMSA, Fichier localisé social et fiscal 2012 et ERFS 2012

Dans l’est de la capitale, les plus aisés côtoient les plus pauvres

Dans les arrondissements de l’est (2e, 10e, 11e, 13e, 18e, 19e et 20e), la part des ménages pauvres varie entre 16 % et 25 % contre seulement 7 % à 14 % dans les arrondissements de l’ouest. Les ménages les plus pauvres de l’est cohabitent avec des ménages aisés (figure 2). L’est de la capitale concentre, en effet, à la fois une proportion importante de couples aux niveaux de vie élevés et de familles monoparentales où le parent est sans activité professionnelle. Ainsi, les plus aisés de l’est parisien ont des niveaux de vie plancher cinq fois supérieurs au niveau de vie plafond des ménages les plus modestes. Le 12e arrondissement fait néanmoins figure d’exception, son profil étant proche de celui des arrondissements de l’ouest.

Dans et à l’ouest de la capitale, les taux de pauvreté sont faibles malgré de fortes inégalités

Dans l’ensemble des arrondissements de l’ouest de la capitale (6e, 7e, 8e, 14e, 15e, 16e et 17e), les inégalités de niveaux de vie sont les plus élevées d’Ile-de-France : le niveau de vie plancher des 10 % de ménages les plus aisés est neuf fois supérieur au niveau de vie plafond des 10 % de ménages les plus modestes. Elles se réduisent en quittant Paris et en s’éloignant vers les communes plus à l’ouest de l’agglomération, mais restent néanmoins très supérieures au niveau national. Dans l’ensemble de ces territoires, le niveau de vie médian est très supérieur à celui du reste de la région. Le niveau de vie des plus aisés, comme celui des moins aisés, dépasse largement celui de la partie est de la capitale, mais aussi de la région et de la métropole. En revanche, dans les arrondissements de l’ouest parisien, le niveau de vie médian des 10 % de ménages les plus modestes est inférieur à 700 € par mois contre 750 € en Ile-de-France et 780 € en métropole.

Figure_2Au cœur et à l'ouest de l'unité urbaine de Paris, des revenus élevés mais hétérogènes et un faible taux de pauvreté (Croisement des inégalités de revenus disponibles avec des niveaux de richesse et de pauvreté)

  • Données au niveau communal.
  • Lecture : la catégorie « niveau de vie des plus aisés élevé » signifie que le plancher des 10 % les plus aisés dépasse le niveau national, soit 37 200 €. A contrario, la catégorie « niveau de vie des plus aisés faible » signifie que le plancher des 10 % les plus aisés est inférieur au niveau national. La dénomination « pauvreté forte » correspond à un taux de pauvreté supérieur au niveau national, soit 14,3 %. À l’inverse, « pauvreté faible » correspond à un taux de pauvreté inférieur à 14,3 %. Enfin, « fortes inégalités » signifie que le plancher des 10 % les plus aisés dépasse 3,5 fois le plafond des 10 % les moins aisés.

Au nord et à l’est de la petite couronne : des inégalités élevées malgré l’absence de très hauts revenus

En Seine-Saint-Denis et dans la moitié ouest du Val-de-Marne, les inégalités de niveaux de vie sont importantes malgré les bas niveaux de revenus. Le niveau de vie des plus aisés dépasse de quatre fois celui des moins aisés. En revanche, les plus aisés sont loin de disposer de revenus équivalents à ceux de l’ouest de la région. Le taux de pauvreté est supérieur à 20 % dans sept communes sur dix de cet ensemble.

En grande couronne, notamment hors de l’agglomération, l’écart entre les plus aisés et les plus pauvres se resserre

Au-delà de la petite couronne et surtout hors de l’agglomération parisienne, les niveaux de vie sont plus homogènes : le niveau de vie des moins aisés se rapproche de celui des plus aisés. Le taux de pauvreté diminue et les niveaux de vie des plus aisés ne sont pas toujours inférieurs à ceux du cœur de la région.

Sources

Les statistiques analysées sont tirées du Fichier Localisé Social et Fiscal (Filosofi) de 2012, issu du rapprochement des données fiscales exhaustives en provenance de la Direction générale des finances publiques (déclaration de revenus des personnes physiques, taxe d’habitation et fichier d’imposition des personnes physiques) et des données sur les prestations sociales émanant des organismes gestionnaires de ces prestations (Cnaf, Cnav, CCMSA). Ces données permettent de reconstituer un revenu déclaré et un revenu disponible avec une estimation plus précise des prestations réellement perçues à des niveaux locaux fins : jusqu’à la commune et prochainement à des niveaux infracommunaux. Le dispositif Filosofi remplace ainsi les anciens dispositifs Revenus fiscaux localisés (RFL) et Revenus disponibles localisés (RDL). Cette nouvelle source couvre le champ des ménages fiscaux ordinaires : il exclut les personnes sans domicile ou vivant en institution (prisons, foyers, maisons de retraite…).

Définitions

Ménage fiscal : ensemble des foyers fiscaux répertoriés dans un même logement. Les personnes ne disposant pas de leur indépendance fiscale (essentiellement des étudiants) sont comptées dans les ménages où elles déclarent leurs revenus même si elles occupent un logement indépendant.

Le revenu disponible est le revenu à la disposition du ménage pour consommer et épargner. Il comprend les revenus d'activité (salaires, bénéfices, indemnités de chômage), les retraites et pensions, les revenus du patrimoine, les revenus financiers (imputés pour ceux qui ne sont pas soumis à déclaration) et les prestations sociales reçues (prestations familiales, minima sociaux et prestations logements). Au total de ces ressources, quatre impôts directs sont déduits : l’impôt sur le revenu, la taxe d'habitation, la contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS).

Niveau de vie : revenu disponible du ménage divisé par le nombre d'unités de consommation (UC). Le niveau de vie est donc le même pour tous les individus d'un même ménage. Le nombre d’unités de consommation est calculé selon l’échelle d’équivalence dite de l’OCDE modifiée : le premier adulte compte pour 1, les autres personnes de plus de 14 ans pour 0,5 et les enfants de moins de 14 ans pour 0,3.

La médiane du revenu disponible par unité de consommation (ou niveau de vie médian) partage les personnes en deux groupes : la moitié des personnes appartient à un ménage qui dispose d'un revenu par UC inférieur à cette valeur et l'autre moitié présente un revenu par UC supérieur.

Les déciles de niveau de vie sont les valeurs-seuils qui, lorsque l'on ordonne la population par niveau de vie croissant, la partitionnent en 10 sous-populations de taille égale. La médiane constitue donc le cinquième décile. Les 10 % les plus pauvres sont sous le 1er décile, les 10 % les plus aisés au-dessus du 9e décile.

Pauvreté monétaire : un ménage est considéré comme pauvre lorsque son niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté. Ce seuil est fixé à 60 % du niveau de vie médian en métropole. Il est estimé à partir de Filosofi à 11 871 € par an en 2012, soit près de 990 € par mois, soit un seuil très proche du seuil de pauvreté du dispositif ERFS (987 € par mois en 2012).

Le taux de pauvreté correspond à la proportion de ménages dont le niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté.

L’intensité de la pauvreté est mesurée comme l’écart relatif entre le niveau de vie médian de la population pauvre et le seuil de pauvreté.

Pour en savoir plus

Aerts A.-T., « Une pauvreté très présente dans les villes-centres des grands pôles urbains », Insee Première n° 1552, juin 2015.

Godonou C., Martinez C., « Paris et l'ouest de la région concentrent les revenus les plus élevés d'Ile-de-France », Insee Analyses Ile-de-France n° 6, novembre 2014.

Labrador J., « Une forte hétérogénéité des revenus en Ile-de-France », Insee Ile-de-France à la page n° 414, décembre 2013.