Les couples auvergnats ne se forment pas au hasard

Geneviève Burel, Insee

En Auvergne comme en France, l’union de deux personnes d’un même groupe social est toujours plus fréquente que ne le laisserait prévoir la simple loi du hasard. L’homogamie est particulièrement marquée chez les agriculteurs, les artisans-commerçants, les cadres et les personnes occupant un emploi non qualifié. Par ailleurs, l’impact du niveau d’étude sur la formation des couples corrobore celui du groupe social. Les diplômés de l’enseignement supérieur ainsi que les peu ou pas diplômés s’unissent bien plus fréquemment que les autres avec une personne de même niveau d’étude.

Geneviève Burel, Insee
Insee Flash Auvergne No 4- Novembre 2014

La formation des couples n’est pas guidée par la seule liberté des sentiments. En effet, les comportements individuels favorisent l’union de deux personnes d’un même groupe social (homogamie). En 2011, parmi les couples auvergnats âgés de 15 à 64 ans, près d’un quart sont composés de deux personnes de même catégorie socioprofessionnelle. Cette proportion est 2,5 fois plus élevée que si les couples s’étaient formés au hasard, c’est-à-dire compte tenu de la seule structure des catégories sociales dans la population auvergnate . Cet indice d’homogamie est identique à celui observé en France.

Qui se ressemble s’assemble

L’homogamie est très prononcée dans le monde agricole (figure 1). En 2011, en Auvergne, 4,6 % des hommes en couple et 2,2 % des femmes, âgés de 15 à 64 ans, sont agriculteurs. Compte tenu de ces seules proportions, seulement 240 couples devraient être formés de deux agriculteurs . Or, 3 400 sont recensés, soit 14 fois plus que le nombre théorique attendu selon la seule loi du hasard. Ce résultat s’explique essentiellement par les contraintes propres à cette profession mais aussi par la faible représentation des autres catégories sociales dans les communes rurales isolées, diminuant de fait le nombre possible de rencontres. Les professions indépendantes (artisans, commerçants, chefs d’entreprise) sont aussi très homogames tout comme les cadres et les ouvriers non qualifiés. Ainsi, en Auvergne, les couples de cadres sont 3,5 fois plus nombreux qu’ils ne le seraient s’ils se formaient au hasard. Pour cette catégorie sociale, l’homogamie est plus marquée dans la région qu’en France. En effet, les cadres auvergnats sont, en moyenne, plus âgés. Or, la tendance à l’homogamie est plus fréquente chez les seniors. Les régions où les jeunes cadres supérieurs sont les plus représentés (Provence-Alpes-Côte d’Azur, Rhône-Alpes, Île-de-France et Midi-Pyrénées) sont donc aussi celles où ce type d’homogamie est moins présent (indice d’homogamie inférieur à 3,0).

À l’autre extrémité de l’échelle sociale, les ouvriers non qualifiés ont aussi une nette propension à vivre en couple avec un conjoint de même catégorie sociale (indice d’homogamie de 2,4). Toutefois, cette tendance est moins prononcée qu’au niveau national (2,7). La propension à vivre avec un conjoint de même catégorie socio-professionnelle est moins marquée pour les professions intermédiaires, les employés et les ouvriers qualifiés, l’indice d’homogamie variant de 1,5 à 1,8. Les individus appartenant à ces catégories ont presque autant de chance de s’unir avec un conjoint d’une catégorie sociale voisine. En effet, lorsqu’un couple est formé de deux personnes appartenant à des groupes sociaux différents, ces derniers sont généralement proches. À l’inverse, les unions entre les personnes de catégories sociales éloignées sont nettement plus rares que ne le laisserait attendre la simple loi du hasard. Ainsi, les couples unissant un cadre avec un employé non qualifié ou un ouvrier sont 2,5 fois moins nombreux que si les conjoints se choisissaient au hasard.

Figure_1L'homogamie entre agriculteurs moins marquée en Auvergne qu'en France - Indice d’homogamie selon la catégorie sociale des conjoints en Auvergne et en France

L'homogamie entre agriculteurs moins marquée en Auvergne qu'en France - Indice d’homogamie selon la catégorie sociale des conjoints en Auvergne et en France
Catégorie sociale de l'homme Catégorie sociale de la femme Auvergne France
Nombre de couples Indice d'homogamie Indice d'homogamie
Agriculteurs Agricultrices 3 399 14,0 29,0
Artisans, Commerçants (*) Artisans, commerçantes (*) 2 864 3,9 4,2
Cadres Cadres 7 315 3,5 3,0
Ouvriers non qualifiés Ouvrières non qualifiées 2 546 2,4 2,7
Ouvriers qualifiés Ouvrières qualifiées 2 369 1,8 1,9
Professions intermédiaires Professions intermédiaires 14 602 1,6 1,5
Employés non qualifiés Employées non qualifiées 2 100 1,5 1,7
Employés non qualifiés Ouvrières qualifiées 297 1,5 1,1
Ouvriers qualifiés Ouvrières non qualifiées 3 474 1,5 1,7
Employés qualifiés Employées qualifiées 4 097 1,5 1,6
Cadres Professions intermédiaires 8 830 1,5 1,4
Ouvriers non qualifiés Employées non qualifiées 6 615 1,5 1,5
Ouvriers qualifiés Employées non qualifiées 14 045 1,5 1,5
  • * y compris les chefs d'entreprises
  • Champ : personnes en couples entre 15 et 64 ans, indice d'homogamie supérieur ou égal à 1,5 en Auvergne.
  • Source : Insee, Recensement de la population 2011, exploitation complémentaire.

Forte homogamie aux deux extrémités de l’échelle des diplômes

La répartition des couples en fonction du niveau d’étude suit, elle aussi, une logique fortement homogame. En Auvergne, les unions de deux personnes peu ou pas diplômées sont 2,1 fois plus nombreuses que si elles s’étaient formées indépendamment du niveau d’étude (figure 2). Cette propension est similaire au niveau national (2,2). À l’autre extrémité de l’échelle des diplômes, le nombre de couples dont les deux membres sont titulaires d’un titre de deuxième ou troisième cycle de l’enseignement supérieur est quatre fois plus élevé que ne le laisserait prévoir le simple hasard. L’union des personnes les plus diplômées dépend plus de leur niveau d’études que de leur catégorie sociale. En effet, le nombre de couples unissant deux diplômés de l’enseignement supérieur est toujours plus important que celui attendu, et ce quelle que soit la profession exercée.

Entre les deux extrêmes de l’échelle des diplômes, l’homogamie est moindre. Elle progresse toutefois avec le niveau d’étude. En Auvergne, les couples formés par deux conjoints titulaires d’un CAP ou d’un BEP sont 1,5 fois plus nombreux que le nombre attendu par le simple fait du hasard. L’indice d’homogamie atteint 1,6 pour les détenteurs d’un baccalauréat et 2,1 pour les diplômés du premier cycle universitaire. Comme pour le groupe social, les extrêmes s’unissent peu. De plus, lorsque les conjoints sont titulaires de diplômes différents, l’écart entre ceux-ci est limité. Ainsi, les personnes peu ou pas diplômées ont 1,8 fois moins de chance de vivre avec une personne détentrice d’un baccalauréat, et quatre fois moins avec un diplômé de l’enseignement supérieur.

Toutefois, si le choix d'un conjoint d'un même niveau d’étude peut être un critère de la formation des couples, les comportements individuels en la matière seraient en train d'évoluer. La forte homogamie des personnes hautement diplômées est moins marquée chez les jeunes couples (figure 3). L’indice d’homogamie varie de 3,2 pour les couples dont la femme a moins de 35 ans à près de six pour celles ayant plus de 50 ans. La tendance est inverse pour les non diplômés, l’indice d’homogamie est d’autant plus élevé que le couple est jeune.

Figure_2Le niveau d’étude, un autre facteur de la formation des couples - Indice d’homogamie selon le diplôme des conjoints en Auvergne

  • * comprend les personnes sans diplômes, ayant un certificat d’études primaires ou BEPC, brevet.
  • Note de lecture : une valeur dans une case en couleur indique un nombre de couples plus nombreux dans la population qu’ils ne le seraient s’ils se formaient au hasard.
  • Champ : personnes en couple entre 15 et 64 ans.
  • Source : Insee, Recensement de la population 2011, exploitation complémentaire.

Figure 3Une homogamie plus marquée pour les diplômées âgées

Une homogamie plus marquée pour les diplômées âgées
Couples dont la femme est âgée de 15 à 34 ans Couples dont la femme est âgée de 35 à 49 ans Couples dont la femme est âgée de 50 à 64 ans
Peu ou pas diplômée 2,9 2,2 1,6
CAP ou BEP 1,6 1,4 1,4
Baccalauréat 1,3 1,5 1,9
1er cycle du supérieur 1,6 1,9 2,9
2e et 3e cycles du supérieur 3,1 3,9 5,8
  • Champ : personnes en couple entre 15 et 64 ans.
  • Source : Insee, Recensement de la population 2011, exploitation complémentaire.

Figure 3Une homogamie plus marquée pour les diplômées âgéesIndice d’homogamie selon le diplôme et l’âge en Auvergne

  • Champ : personnes en couple entre 15 et 64 ans.
  • Source : Insee, Recensement de la population 2011, exploitation complémentaire.

Définitions

Indice d’homogamie des couples

Si les conjoints se choisissaient au hasard parmi les personnes vivant en couple, la proportion de couples constitués d’un homme de la catégorie i (ex. les ouvriers, les diplômés du supérieur etc.) et d’une femme de la catégorie j serait égale au produit de la proportion des hommes de la catégorie i parmi l’ensemble des hommes des couples, par la proportion des femmes de la catégorie j parmi l’ensemble des femmes des couples.

Ainsi, 240 couples d’agriculteurs devraient être recensés en Auvergne : 4,6 % x 2,2 % x 244 640, 244 640 étant le nombre total de couples de 15 à 64 ans.

L’indice d’homogamie est le rapport entre le nombre observé de couples de ce type au nombre théorique calculé. Plus cet indice est proche de un, plus la situation observée est proche de celle correspondant à la situation où les couples se forment au hasard (compte tenu de la structure des catégories dans la population).

Si cet indicateur vaut deux, cela signifie qu’on dénombre deux fois plus de couples de ce type dans la population observée que ne le voudraient les lois du hasard. S’il vaut 0,2, ces couples sont cinq fois moins nombreux que si les conjoints se choisissaient au hasard.