Insee PremièreLa dépense des ménages en produits de l’économie de l’information depuis 50 ans La chute des prix et l’innovation favorisent son essor

Danielle Besson et Nathalie Morer, division Synthèses des biens et services, Insee

Depuis cinquante ans, les ménages augmentent leurs dépenses en économie de l’information, passées de 3,8 % de leur budget en 1960 à 6,0 % en 2012. La moitié de ces dépenses sont pré-engagées.

Au sein de l’économie de l’information, les prix des biens baissent et ceux des services ralentissent. Combiné à l’arrivée régulière de nouveaux produits, ce phénomène favorise une hausse des dépenses en volume, plus soutenue en biens qu’en services.

Cependant, tous les services ne sont pas en croissance. Les dépenses en édition, notamment en presse, reculent en volume depuis dix ans, de 1,5 % en moyenne chaque année (− 3,0 % pour la presse). Elles ont retrouvé en 2012 leur niveau de 1990.

Depuis 2008, les dépenses en économie de l’information reculent néanmoins.

Danielle Besson et Nathalie Morer, division Synthèses des biens et services, Insee
Insee Première No 1479- Décembre 2013

L’économie de l’information : 6 % du budget des ménages en 2012

En 2012, les ménages ont dépensé 67 milliards d’euros en « produits de l’économie de l’information », soit en moyenne 2 370 euros par ménage. On englobe sous ce terme les produits informatiques, électroniques et optiques ainsi que les services d’information et de communication (encadré 1).

Les ménages consacrent aujourd’hui 6,0 % de leur budget aux produits de l’économie de l’information, contre seulement 3,8 % en 1960 (graphique 1). Depuis cinquante ans, en effet, plusieurs innovations dans ce domaine ont pris place dans notre quotidien. D’abord la télévision, puis les ordinateurs dans les années 1970. Ensuite, sont apparus la distribution de bouquets de programmes de radio et de télévision, le mobile et Internet. L’économie de l’information s’est ainsi développée, favorisée par une très forte baisse des prix. Avec le passage au tout numérique, elle atteint son apogée entre 2002 et 2007 : la part du budget des ménages consacrée à ces produits se stabilise alors à près de 7 %. Depuis 2008, elle tend à diminuer : les dépenses continuent d’augmenter fortement en volume (+ 3,6 % par an en moyenne contre + 0,4 % pour l’ensemble de la consommation des ménages), mais moins que par le passé, et la hausse n’est plus à la hauteur du recul des prix (− 4,3 % par an en moyenne de 2008 à 2012, contre + 1,5 % pour l’inflation d’ensemble).

En 2012, près de 30 % de ces dépenses sont relatives à des biens (équipements divers...) et 70 % à des services (abonnements, redevances...). Cette répartition est relativement stable en valeur depuis 1960. En 2012, 37 % des dépenses en biens concernent les produits de l’électronique grand public et 34 % les ordinateurs. Parmi les dépenses en services, 59 % concernent les télécommunications.

Graphique 1Parts dans la dépense de consommation finale des ménages

  • * TIC : technologies de l’information et de la communication.
  • Source : Insee, comptes nationaux annuels, base 2005.

La moitié des dépenses sont pré-engagées

La moitié des dépenses liées à l’économie de l’information en 2012 sont , prélevées sur le budget des ménages sous forme par exemple d’abonnements ou de redevances. En 2012, 80 % de ces dernières sont liées aux services de télécommunications (abonnements de téléphonie mobile, Internet et offres Triple play). Les services télévisuels tels que la redevance et les abonnements à des chaînes payantes pèsent plus faiblement.

En 2012, les ménages consacrent 32 milliards d’euros aux dépenses pré-engagées en économie de l’information, soit 2,9 % de leur budget. En 1995, soit avant l’ouverture complète à la concurrence des télécommunications au 1er janvier 1998, cette part n’était que de 1,9 %.

Entre 1995 et 2012, les dépenses pré-engagées en économie de l’information augmentent fortement : + 5,7 % par an en moyenne, en valeur, en raison du développement des forfaits associés aux téléphones portables et des offres groupées de téléphonie. Elles contribuent en moyenne chaque année à hauteur de 0,5 point à la croissance des dépenses pré-engagées. Depuis 2009, les dépenses pré-engagées de l’économie de l’information augmentent très faiblement en valeur, et se contractent même en 2012, avec la baisse des prix des services de télécommunications. Ainsi, elles freinent depuis quatre ans la progression de l’ensemble des dépenses pré-engagées.

Les prix des biens baissent, ceux des services augmentent

Depuis cinquante ans, les prix des produits de l’économie de l’information ont crû de 0,9 % par an en moyenne. La baisse du prix des biens (− 4,4 % par an en moyenne) ne suffit pas à compenser la hausse du prix des services (+ 3,5 % en moyenne annuelle).

Après avoir progressé faiblement de 1960 à 1982 (+ 1,0 % par an en moyenne), le prix des biens se replie ensuite nettement. Les ordinateurs, téléphones mobiles, téléviseurs et jeux vidéo participent à cette baisse de prix (graphique 2). Celle-ci s’accentue même entre 1997 et 2012, le prix chutant alors de 12,0 % en moyenne annuelle.

Le rapprochement de l’informatique et des télécommunications et la miniaturisation des composants électroniques permettent de produire des appareils multifonctions (téléviseurs, ordinateurs) à des prix de plus en plus accessibles. Ainsi, la baisse du prix des téléviseurs, de − 2,2 % par an en moyenne entre 1983 et 1996, atteint − 12,3 % par an entre 1997 et 2012. Celle du prix des ordinateurs s’intensifie aussi, mais de façon moins prononcée (encadré 2), permettant la démocratisation de l’informatique. Après avoir doublé dans les années 1980, le prix des téléphones chute considérablement à partir de 1990 avec l’essor des téléphones mobiles.

En 2010, près de 90 % des biens de l’économie de l’information consommés par les ménages sont importés ; c’est deux fois plus que pour l’ensemble des biens.

Graphique 2Évolution des prix de la dépense de consommation des ménages en biens des TIC*

  • * TIC : technologies de l’information et de la communication.
  • Note : avant 1981, la dépense de consommation des ménages en ordinateurs était trop faible, elle n’était donc pas suivie par les comptes nationaux.
  • Source : Insee, comptes nationaux annuels, base 2005.

Mais les prix des services ralentissent

De 1960 à 2012, le prix de la dépense en services d’information et de communication augmente moins vite que l’inflation d’ensemble (+ 3,5 % par an en moyenne contre + 4,5 %). Toutefois, jusqu’au milieu des années 1980, le rythme d’évolution est un peu supérieur à celui de l’inflation d’ensemble. Puis, les prix sont de moins en moins dynamiques du fait de l’arrivée d’une offre diversifiée de bouquets de programmes de radio et de télévision (chaînes privées dès 1984 par voie hertzienne, satellite ou câble) et de l’apparition des fournisseurs d’accès à Internet dès le début des années 1990. Entre 1997 et 2012, le prix diminue même de 1,3 % par an en moyenne, entraîné par celui des télécommunications qui se réduit de 3,2 % par an (tableau).

Plusieurs facteurs y contribuent : tout d’abord, l’augmentation de la concurrence avec l’arrivée de plusieurs opérateurs de téléphonie mobile à partir de la fin des années 1990, puis l’ouverture complète du marché du téléphone fixe ; ensuite, l’évolution technologique qui a permis la convergence des marchés autrefois bien distincts de la téléphonie fixe, d’Internet et de la télévision. Outre le rôle du téléphone, l’apparition de l’ADSL, qui a démocratisé l’utilisation d’Internet, a donné lieu à une diversification des offres et une réduction des prix des offres bas débit. La création en 2005 de la télévision numérique terrestre (TNT), qui concurrence les chaînes payantes, joue aussi un rôle dans la baisse des prix.

TableauDépense en produits de l’économie de l’information

Dépense en produits de l’économie de l’information
Valeur 2012 (en millions d’euros) Parts dans l’économie de l’information en 2012 (en %) Évolution des prix (moyenne annuelle en %) Évolution des volumes (moyenne annuelle en %)
1960-1982 1983-1996 1997-2012 1960-1982 1983-1996 1997-2012
Ensemble de l’économie de l’information, dont : 67 487 100,0 5,3 0,6 − 4,8 8,0 4,9 8,8
Biens des TIC*, dont : 19 460 28,8 1,0 − 3,9 − 12,0 13,0 8,7 17,9
Ordinateurs 6 664 9,9 /// − 13,4 − 15,9 /// 33,0 26,5
Produits de l’électronique grand public, dont : 7 262 10,8 − 0,1 − 3,4 − 10,5 13,4 5,7 14,2
Téléviseurs 3 361 5,0 − 0,8 − 2,2 − 12,3 12,7 3,4 19,2
Consoles de jeux et jeux vidéo 1 383 2,0 /// − 1,0 − 5,5 /// 17,7 13,5
Téléphones 2 319 3,4 /// − 2,4 − 15,2 /// 13,6 22,6
Services d’information et de communication, dont : 48 027 71,2 7,6 2,5 − 1,3 5,6 3,4 5,0
Édition, audiovisuel et diffusion, dont : 19 644 29,1 8,6 3,6 0,8 3,1 2,1 0,3
Édition 12 118 18,0 9,5 3,9 1,3 2,7 0,7 − 0,3
Production de films cinématographiques, de vidéo et de programmes de télévision ; enregistrement sonore et édition musicale ; programmation et diffusion 7 526 11,2 6,5 2,9 − 0,1 4,2 5,2 1,3
Télécommunications 28 294 41,9 5,0 0,7 − 3,2 13,4 5,7 9,9
  • * TIC : technologies de l’information et de la communication.
  • /// : produits qui n’existaient pas au début des années 1960.
  • Source : Insee, comptes nationaux annuels, base 2005.

La consommation en biens augmente fortement en volume

La chute des prix et l’innovation favorisent une expansion de la dépense de consommation des ménages, en volume, plus soutenue pour les biens que pour les services. En cinquante ans, la dépense en biens croît de 13,3 % par an en moyenne, celle en services de 4,8 % par an.

L’envolée des biens est d’abord imputable aux téléviseurs, dont la dépense en volume augmente fortement (+ 12,7 % par an en moyenne de 1960 à 1982), suite à l’apparition de la télévision couleur. Puis, jusqu’en 1996, la dépense décélère nettement : la consommation est alors principalement liée au renouvellement du parc. L’arrivée des écrans plats et le passage au tout numérique dans les années 2000 relancent ensuite la demande. La dépense accélère alors fortement (+ 19,2 % par an en moyenne entre 1997 et 2012). Régulièrement soutenue par les grandes manifestations sportives, elle croît même de 50 % en volume en 2006.

L’envol de la consommation en biens résulte ensuite de l’arrivée des ordinateurs, puis des téléphones mobiles. Les dépenses en ces deux biens progressent respectivement de 33,0 % et 41,8 % par an en moyenne en volume de 1983 à 1996. Depuis 1995, le total de ces deux dépenses en valeur dépasse celle en téléviseurs. Face au rapide développement technologique et au renouvellement constant de l’offre de services, un ordinateur devient vite obsolète : en particulier, l’utilisation de logiciels et de jeux nécessitant une configuration spécifique pousse à un renouvellement rapide du matériel informatique.

Le développement technologique des biens stimule l’offre de services

Depuis cinquante ans, la dépense de consommation croît nettement plus que la dépense totale de consommation (+ 4,8 % en moyenne par an, contre + 2,9 %). D’abord soutenue par l’envolée des abonnements de téléphonie fixe entre 1975 et 1985, la dépense ralentit ensuite : l’apparition des bouquets de programmes de radio et de télévision au milieu des années 1980 ne compense pas l’arrivée à saturation du marché de la téléphonie fixe. En 1995, 96,3 % des ménages disposent en effet d’un téléphone fixe.

Entre 1997 et 2008, la dépense en services s’accroît à nouveau fortement en volume. Sa croissance dépasse même 10 % par an entre 1999 et 2001. Ce sont surtout les télécommunications qui bénéficient d’une demande accrue. Ce rebond est lié à l’essor des services de téléphonie mobile, tels que les abonnements, ventes de sonneries, SMS, MMS et la navigation sur Internet. Cependant, la création de la TNT en 2005 freine les abonnements à des services payants liés au câble et au satellite.

Depuis 2008, l’économie de l’information subit les effets de la crise économique. De plus, les ménages sont désormais bien équipés en biens et services de technologies de l’information et de la communication (TIC). La dépense en valeur diminue car la baisse constante des prix n’est plus compensée par les volumes consommés, qui n’augmentent plus que modérément. C’est le cas en particulier de la dépense en services qui ne progresse plus que de 0,9 % par an en volume depuis 2008, avec notamment un net recul de la dépense en édition.

L’édition contraste avec le reste de l’économie de l’information

L’édition n’évolue pas de façon similaire aux télécommunications, aussi bien en termes de prix que de volume. Depuis cinquante ans, le prix de la dépense en édition augmente plus vite (+ 5,6 % par an en moyenne) que l’inflation d’ensemble (+ 4,5 % par an). Il est soutenu par le prix de la presse qui représente près de 60 % de la dépense en édition. Le prix de la presse progresse un peu plus vite que celui du livre (+ 6,1 % par an en moyenne contre + 4,9 %). À partir de 1982, ce dernier décélère assez rapidement. Depuis 2000, le prix du livre évolue à un rythme inférieur à l’inflation d’ensemble.

De 1960 à 2012, la dépense en édition progresse de 1,2 % par an en moyenne, en volume. Elle est portée exclusivement par les livres (30 % de la dépense en édition) alors que la presse (au format papier ou électronique) est stable. Jusqu’en 1990, la dépense en livres est en plein essor (graphique 3). Ensuite, après une période de ralentissement jusqu’en 1997, en partie due à la baisse des achats d’encyclopédies, la dépense en édition augmente faiblement. Depuis 2008, elle diminue.

Depuis 1997, la dépense en presse baisse dans un contexte marqué par l’arrivée de journaux gratuits et la diffusion croissante de l’information sur Internet. La décroissance s’accentue même à partir de 2008, sous l’effet de la crise économique. La dépense en presse se replie de 4,9 % par an en moyenne en volume au cours des années 2008 à 2012.

Graphique 3Évolution des volumes de la dépense de consommation des ménages en livres, presse et édition

  • Source : Insee, comptes nationaux annuels, base 2005.

L’économie de l’information

L’économie de l’information regroupe des biens des technologies de l’information et de la communication (TIC) et des services. Les biens des TIC comprennent les ordinateurs, les équipements périphériques (lecteurs de CD-ROM ou de DVD-ROM, claviers, manettes de jeux, etc.) et les composants électroniques. Ils recouvrent également les équipements de communication (antennes, téléphones, etc.) et les produits électroniques grand public (téléviseurs, équipements stéréo, etc.). Ils intègrent aussi les matériels de mesure (instruments de guidage, de navigation, thermostats, etc.), les équipements médicaux (radiologie, stimulateurs cardiaques, etc.) et les matériels optiques (appareils photographiques notamment).

Les services comprennent les activités d’édition, d’audiovisuel, de télécommunication et d’informatique. L’édition se définit comme la mise à disposition de contenus sous la forme de produits d’information (livre, presse, logiciel), quel que soit leur support (imprimé, électronique, audio, sur CD-ROM, sur Internet, etc.). La consommation audiovisuelle regroupe la production et la distribution de films cinématographiques (cinéma), de vidéo (DVD) et de programmes de télévision, l’enregistrement sonore et l’édition musicale (CD et téléchargement de musique en ligne et sur mobile), ainsi que la programmation et la diffusion radio et télévisuelle (redevance audiovisuelle). La consommation en télécommunications intègre les abonnements au téléphone, l’accès à Internet sans fil et par satellite, ainsi que la distribution de bouquets de programmes de radio et de télévision par câble, voie hertzienne ou satellite (chaînes payantes). Elle comprend les offres Triple play permettant d’obtenir le service de télévision par Internet. Les activités informatiques et les services d’information couvrent l’ensemble de la chaîne des métiers (programmation, conseil informatique, traitement de données, activités des portails Internet, etc.).

Cet ensemble ne comprend pas la réparation d’ordinateurs et d’équipements de communication.

La mesure de l’évolution des prix de l’économie de l’information

L’évolution des prix est mesurée à travers l’indice des prix à la consommation. Le calcul de cet indice, réalisé par l’Insee, est basé sur le suivi de plusieurs produits. Lorsque l’un d’entre eux disparaît, deux cas sont possibles. S’il existe un produit équivalent, c’est-à-dire avec les mêmes caractéristiques, l’indice de prix prend en compte la variation de prix entre l’ancien et le nouveau produit. Au contraire, si le nouveau produit diffère de l’ancien, la différence de prix n’aura pas d’impact sur l’indice de prix. Elle sera alors considérée comme une variation de la qualité et sera intégrée dans le calcul du volume. Le second cas est le plus fréquent pour les biens des TIC dont les performances sont régulièrement renouvelées.

Sources

Les données sont issues de la comptabilité nationale, base 2005 (chiffres publiés le 15 mai 2013).

Définitions

Les dépenses « pré-engagées » sont les dépenses qui sont effectuées dans le cadre d’un contrat difficilement renégociable à court terme. Suivant les préconisations du rapport de la Commission « Mesure du pouvoir d’achat des ménages » (février 2008), ces dépenses comprennent :

- les dépenses liées au logement, y compris les loyers imputés et les dépenses relatives à l’eau, au gaz, à l’électricité et aux autres combustibles utilisés dans les habitations ;

- les services de télécommunications ;

- les frais de cantine ;

- les services de télévision (redevance télévisuelle, abonnements à des chaînes payantes) ;

- les assurances (hors assurance-vie) ;

- les services financiers.

Pour en savoir plus

« Les comptes nationaux passent en base 2005 », L’économie française, Insee Références, juillet 2011.

Le dossier « Les comptes nationaux passent en base 2005 » est consultable sur le site de l’Insee.