Insee PremièreNouvelles entreprises, cinq ans après : plus d’une sur deux est toujours active en 2007

Sandra Déprez, pôle Démographie des entreprises et des établissements, Insee

En 2007, cinq ans après sa création, un peu plus d’une entreprise sur deux est toujours active. Au fil du temps, certains créateurs développent leur entreprise, d’autres la font survivre, d’autres encore cessent leur activité. Les chances de pérennité dépendent d’abord des conditions dans lesquelles le créateur a préparé son projet. Le choix du secteur d’activité, l’investissement initial ainsi que la forme juridique apparaissent également comme des facteurs décisifs : les commerces sont les plus fragiles, plus le créateur investit initialement plus l’entreprise est pérenne,enfin les sociétés se maintiennent plus souvent que les entreprises individuelles. Quelles que soient les caractéristiques de l’entreprise, l’expérience professionnelle antérieure et le diplôme sont les principaux atouts des nouveaux entrepreneurs. Les entreprises pérennes en 2007 avaient développé leur chiffre d'affaires et surtout l’emploi dès les trois premières années d’activité.

Sandra Déprez, pôle Démographie des entreprises et des établissements, Insee
Insee Première No 1274- Janvier 2010

Un peu plus de la moitié des entreprises créées en 2002 existent toujours en 2007

Parmi les 215 000 en 2002 , 52 % d’entre elles existent toujours en 2007. Au fil du temps, certains créateurs développent leur entreprise, d’autres la font survivre, d’autres encore cessent leur activité. Mais si le duo entrepreneur-entreprise n’existe plus au bout de cinq ans, cela ne signifie pas nécessairement que l’activité économique a cessé : des entreprises font l’objet d’une reprise ; certains entrepreneurs cessent leur activité du fait d’une mise en règlement judiciaire ou pour anticiper l’échec économique, d’autres pour des raisons plus personnelles (prendre leur retraite, redevenir salarié, créer une autre entreprise…).

De nombreux facteurs influent sur la pérennité des entreprises. Néanmoins, , les conditions de mise en œuvre du projet priment sur le profil du créateur.

Les commerces sont les entreprises les moins pérennes

En 2002, le commerce est le principal pourvoyeur des nouvelles entreprises (une sur quatre). Mais, quelles que soient les caractéristiques des projets, les entreprises de ce secteur sont les moins pérennes : seuls 46 % des commerces sont toujours en activité en 2007 (graphique 1). À l’inverse, cinq ans après leur création, 62 % des entreprises de transport sont actives ; mais ce secteur comptabilisait moins de 3 % de nouvelles entreprises en 2002. Les services aux entreprises se prêtent bien à la création d’entreprises : en 2002, plus d’une entreprise sur cinq s’était créée dans ce secteur où les chances de pérennité à cinq ans sont, toutes choses égales par ailleurs, 1,4 fois supérieures à celles des commerces (tableau). Plus de sept fois sur dix, les entreprises des services aux entreprises exerçaient une activité de conseil et d’assistance : leur à cinq ans est supérieur de près de six points à celui de l’ensemble des entreprises.

Graphique 1Les entreprises du commerce sont les moins pérennes

  • Source : Insee, enquête Sine 2002, interrogations 2002, 2005 et 2007.

TableauChances de pérennité à cinq ans des entreprises créées en 2002

Chances de pérennité à cinq ans des entreprises créées en 2002 - Lecture : les sociétés se maintiennent plus longtemps que les entreprises individuelles ; toutes choses égales par ailleurs, les sociétés ont 1,6 fois plus de chances d'être actives en 2007 que les entreprises individuelles. À l'inverse, la probabilité qu'une entreprise individuelle soit encore active en 2007 est 0,6 (1/1,6) fois celle des sociétés.
Variable Chances de pérennité Variable Chances de pérennité
Activité Diplôme
Transports 1,9 Diplôme supérieur au baccalauréat Réf.
Services aux entreprises 1,4 Baccalauréat technique ou professionnel 0,9
Industries hors IAA 1,3 Baccalauréat généraliste 0,9
Services aux particuliers 1,2 CAP, BEP 0,8
Activités immobilières 1,1 Pas de diplôme 0,7
Construction 1,1 CEP, BEPC, brevet élémentaire, brevet des collèges 0,7
Commerce Réf. Âge
Industries agroalimentaires (IAA) 1,0 De 30 à moins de 50 ans Réf.
Capital investi à la création (en euros) 50 ans ou plus 0,9
Plus de 80 000 1,7 Moins de 30 ans 0,7
De 40 000 à moins de 80 000 1,6 Première création d’entreprise
De 16 000 à moins de 40 000 1,2 Non Réf.
De 8 000 à moins de 16 000 1,2 Oui 0,8
De 2 000 à moins de 8 000 1,0 Sexe
Moins de 2 000 Réf. Homme Réf.
Catégorie juridique Femme 0,8
Société 1,6 Implantation en Île-de-France
Entreprise individuelle Réf. Non Réf.
Nombre de clients Oui 0,8
Plus de dix Réf. Création facilitée par les relations avec l’ancien employeur
De trois à dix 0,9 Oui 1,1
Un ou deux 0,7 Non Réf.
Lien entre l’activité de l’entreprise et le principal métier exercé par le créateur Présence de salariés
Identique, plus de dix ans d’expérience 1,4 Non Réf.
Identique, de trois à dix ans d’expérience 1,3 Oui 0,9
Non concerné (pas d’expérience professionnelle) 1,0 Activité de sous-traitance
Identique, moins de trois ans d’expérience 1,0 Non Réf.
Différente Réf. Oui 0,9
  • Note : l'analyse des chances de pérennité à cinq ans d'une entreprise est réalisée à l'aide d'un modèle de régression logistique. Les effets de chaque facteur sont présentés en écart par rapport à une situation de référence notée « Réf. ». Plus le coefficient est supérieur à 1 (respectivement inférieur à 1), plus la probabilité d'atteindre le cinquième anniversaire est forte (respectivement faible) par rapport à la situation de référence. Si le coefficient est égal à 1, la modalité n'a pas d'influence ou une influence non significative par rapport à la situation de référence. Le tableau présente les variables les plus déterminantes du modèle.
  • Lecture : les sociétés se maintiennent plus longtemps que les entreprises individuelles ; toutes choses égales par ailleurs, les sociétés ont 1,6 fois plus de chances d'être actives en 2007 que les entreprises individuelles. À l'inverse, la probabilité qu'une entreprise individuelle soit encore active en 2007 est 0,6 (1/1,6) fois celle des sociétés.
  • Source : Insee, enquête Sine 2002, interrogations 2002, 2005 et 2007.

Plus le créateur investit initialement, plus l’entreprise est pérenne

Quel que soit le secteur d’activité, plus le créateur investit initialement (installation dans les locaux, achat de matériel, constitution de stocks…), plus (graphique 2).Ainsi, les entreprises créées avec au moins 80 000 euros d’investissement sont, toutes choses égales par ailleurs, 1,7 fois plus souvent actives en 2007 que celles créées avec moins de 2 000 euros. Dans la réalité, 21 % des entreprises démarrent avec moins de 2 000 euros, et seulement 14 % avec au moins 40 000 euros.

De même, les sociétés se maintiennent plus longtemps que les entreprises individuelles : 59 % des sociétés sont toujours actives cinq ans après leur création contre 47 % des entreprises individuelles. Toutes choses égales par ailleurs, les sociétés ont 2,6 fois plus de chances de passer la première année que les entreprises individuelles, et 1,6 fois plus la cinquième année. Pour autant, les entreprises individuelles sont majoritaires parmi les créations : 55 % des entreprises se créent en nom propre, les autres sont des sociétés.

Graphique 2En 2007, 67 % des entreprises créées en 2002 avec au moins 80 000 euros d'investissement sont toujours actives

  • Source : Insee, enquête Sine 2002, interrogations 2002, 2005 et 2007.

Expérience professionnelle et diplôme, principaux atouts du créateur

Quelles que soient les caractéristiques de l’entreprise, le profil du créateur influe sur la pérennité. L’expérience professionnelle et le diplôme sont les critères les plus déterminants.

Plus de huit entrepreneurs sur dix avaient une expérience professionnelle avant la création de leur entreprise. Le plus souvent (trois fois sur cinq), cette expérience professionnelle a permis d’acquérir des compétences dans une activité identique à celle de l’entreprise créée. Plus la période d’acquisition de ces compétences a été longue, plus les chances de pérennité de l’entreprise sont importantes. Ainsi, en 2007, 60 % des entreprises sont toujours actives lorsque le créateur a exercé pendant au moins dix ans un métier proche de l’activité de l’entreprise, contre 51 % de celles dont le métier du créateur était différent et 48 % quand il était sans expérience professionnelle.

Quelle que soit l’entreprise, plus le diplôme du créateur est élevé, plus ses chances de réussite sont importantes. Ainsi, parmi les entrepreneurs diplômés de l’enseignement supérieur (32 % des créateurs), près de six sur dix franchissent le cap des cinq ans. Ces créateurs diplômés exercent le plus souvent une activité de conseil et d’assistance aux entreprises (29 %). Au bout de la cinquième année, le diplôme compte autant que l’expérience professionnelle, même s’il apparaît moins déterminant au démarrage de l’activité. Il n’y a pas, en effet, de différence significative entre la pérennité à un an des entreprises créées par les non-diplômés et celle des autres entrepreneurs.

Les entreprises créées par les jeunes et les femmes cessent plus rapidement

Parmi les créateurs, 20 % ont moins de 30 ans. Ces jeunes entrepreneurs ont moins d’expérience professionnelle que les autres et les entreprises qu’ils créent sont, en moyenne, les moins pérennes : 46 % sont toujours actives en 2007, contre 54 % de celles créées par les personnes âgées de 30 à moins de 50 ans (graphique 3). Les jeunes entrepreneurs investissent principalement les secteurs de la construction (21 %) et du commerce de détail et réparations (17 %). Dans ces deux secteurs d’activité, ils sont moins diplômés que l’ensemble des créateurs de moins de 30 ans : respectivement 68 % et 57 % d’entre eux ont un diplôme inférieur au baccalauréat, contre 44 % des moins de 30 ans.

Par ailleurs, il n’y a de différence significative entre la pérennité des entreprises créées par les entrepreneurs de 50 ans ou plus et ceux de 30 à 50 ans qu’à partir de la quatrième année d’activité. Cette différence semble donc être plus le résultat de cessations d’activités choisies en fin de carrière professionnelle, que de moins bonnes performances des personnes de 50 ans ou plus.

Les femmes ne représentent que 27 % des créateurs, et leurs entreprises apparaissent, en moyenne, moins pérennes : en 2007, 49 % des entreprises créées par les femmes sont toujours actives, contre 53 % de celles créées par les hommes. Cette différence observée entre les hommes et les femmes est confirmée toutes choses égales par ailleurs. Les moyens financiers investis, l’expérience professionnelle, le diplôme… n’expliquent donc pas entièrement ces moins bons résultats. Des éléments extérieurs à l’entreprise, comme par exemple la compatibilité entre vie familiale et vie professionnelle, sont donc peut-être également à l’origine de cette différence.

Graphique 3Les entreprises créées par les personnes de moins de 30 ans franchissent moins souvent le cap des cinq ans

  • Source : Insee, enquête Sine 2002, interrogations 2002, 2005 et 2007.

Développer le chiffre d’affaires et surtout l’emploi dès les trois premières années

Trois ans après la création, plus le chiffre d’affaires de l’entreprise est élevé, plus les chances de pérennité à cinq ans sont grandes. En effet, les entreprises dont le chiffre d’affaires était supérieur à 300 000 euros en 2005 sont 3,2 fois plus souvent actives en 2007 que celles dont le chiffre d’affaires était inférieur à 15 000 euros. Outre le montant, l’évolution du chiffre d’affaires au cours des trois premières années influe sur la poursuite des activités : pour être pérenne, l’entreprise doit se développer rapidement. Ainsi, les entreprises dont le chiffre d’affaires a augmenté entre 2002 et 2005 ont 1,2 fois plus de chances d’être actives en 2007 que celles dont le chiffre d’affaires est resté stable ou a diminué. Mais plus que la hausse du chiffre d’affaires, c’est le développement de l’entreprise en termes d’qui compte. L’embauche dès les trois premières années d’activité reflète la bonne santé de l’entreprise et reflète, de la part du créateur, une certaine confiance en l’avenir. Ainsi, les entreprises dont le nombre de salariés a augmenté au cours des trois premières années franchissent, toutes choses égales par ailleurs, 1,6 fois plus souvent le cap des cinq ans que les autres.

Franchir le cap de la première année

C'est au cours de la première année d'existence que les cessations sont les plus nombreuses : 12 % des entreprises créées en 2002 ont cessé avant leur premier anniversaire (graphique). Le démarrage de l'activité est donc fondamental pour les nouvelles entreprises. Le profil de l'entreprise et du créateur sont alors particulièrement décisifs. Par la suite, la pérennité de l'activité dépend aussi de critères tels que le contexte économique ou la situation personnelle du créateur.

Outre les principaux facteurs de pérennité, la première année se distingue par l'importance des motivations de l'entrepreneur. En particulier, les entrepreneurs contraints de créer une entreprise pour créer leur emploi (6 % des créateurs) ont 1,4 fois plus de chances de franchir le cap de la première année que les autres créateurs ; ceux qui souhaitaient être indépendants (68 % des créateurs) 1,2 fois plus de chances.

Les appuis comptent aussi pour franchir le cap de la première année : les entreprises dirigées en couple (un peu plus d'une sur dix) ont 1,3 fois plus de chances d'être actives au bout d'un an que les autres ; celles qui font appel à un comptable (sept sur dix) en ont 1,2 fois plus. Par la suite, ces types d'appuis ne sont plus des facteurs de pérennité.

Les entreprises créées par des chômeurs (34 % en 2002) cessent plus rapidement : cinq ans après la création, un peu moins d'une sur deux est toujours active. C'est la première année que le statut de chômeur est le plus pénalisant : les chances de pérennité de leur entreprise sont, en moyenne, 0,8 fois celles des autres entrepreneurs. Les chômeurs créent un peu plus souvent que les autres entrepreneurs dans les secteurs de la construction et du commerce de détail et réparations, mais un peu moins dans le conseil et l'assistance aux entreprises. Ils sont moins diplômés : 55 % des chômeurs ont un diplôme inférieur au baccalauréat contre 48 % des autres créateurs.

Les entrepreneurs qui se forment pour la réalisation de leur projet (un peu plus de trois sur dix), ont 1,2 fois plus de chances de poursuivre leur activité la première année.

NB : les chances de pérennité citées dans cet encadré sont issues d'une analyse " toutes choses égales par ailleurs " (définitions).

Graphique Taux de pérennité des entreprises créées en 2002

  • Lecture : en 2003, un an après leur création, 88 % des entreprises sont toujours actives.
  • Source : Insee, enquête Sine 2002, interrogations 2002, 2005 et 2007.

Sources

Enquête Sine : Sine (système d’information sur les nouvelles entreprises) est un dispositif permanent d’observation d’une génération de nouvelles entreprises tous les quatre ans. Les entreprises créées au cours du premier semestre de 2002 ont été enquêtées à trois reprises en 2002, 2005 et 2007. Le champ de l’enquête Sine 2002 couvre les activités économiques marchandes des secteurs de l’industrie, de la construction, du commerce et des services, à l’exclusion des activités financières et agricoles. Le secteur de l’éducation, santé, action sociale, ainsi que les créations d’entreprises en tant que filiales d’une autre entreprise et les entreprises dont le dirigeant a changé après 2002 ne sont pas pris en compte dans cette étude.

Définitions

Création d’entreprise : la création d’entreprise correspond à la mise en œuvre de nouveaux moyens de production. Ce concept harmonisé au niveau européen inclut notamment la réactivation d’entreprise dont la dernière cessation remonte à plus d’un an et la reprise d’entreprise s’il n’y a pas continuité de l’entreprise. On considère qu’il n’y a pas continuité de l’entreprise entre le cédant et le repreneur, si parmi les trois éléments suivants concernant le siège de l’entreprise, au moins deux sont modifiés lors de la reprise : l’unité légale contrôlant l’entreprise (Siren), l’activité économique et la localisation.

Facteur de pérennité : les nombreux facteurs influant sur la durée de vie des entreprises ne sont pas indépendants les uns des autres. La régression logistique permet de mesurer l’effet spécifique de chaque facteur sur la pérennité des entreprises, les autres facteurs étant inchangés (« toutes choses égales par ailleurs »).

Taux de pérennité à n année(s) : rapport entre le nombre d’entreprises créées au cours du premier semestre de 2002, ayant atteint leur énième anniversaire, et l’ensemble des entreprises créées au cours du premier semestre de 2002.

Entreprises pérennes à une date : il s’agit des entreprises créées au cours du premier semestre de 2002 et toujours actives à la date t.

Emplois salariés : dirigeants salariés, emplois à temps plein ou partiel, à contrat à durée indéterminée ou déterminée. Sont ici exclus les apprentis, stagiaires, et contrats de qualification.

Emplois non salariés : dirigeants non salariés, conjoints collaborateurs et aides familiaux. Une entreprise peut regrouper plusieurs personnes non salariées ou au contraire n’en avoir aucune si le dirigeant est lui-même salarié.