Insee PremièreConsommation : la France dans le haut du tableau européen

Fabrice Romans, division Synthèses des biens et services, Insee

En 2009, en France, la consommation effective des ménages par habitant en volume est supérieure de 13 % à la moyenne européenne. La France a un haut niveau de consommation, pour la plupart des biens et services. Le niveau de prix des biens et services consommés est supérieur de 14 % à la moyenne européenne, notamment en raison de prix élevés pour les dépenses de logement. Malgré un resserrement, des écarts importants de prix subsistent dans l’Union européenne, y compris dans la zone euro.

Fabrice Romans, division Synthèses des biens et services, Insee
Insee Première No 1347- Mai 2011

Comparer le bien-être matériel entre pays

Pour évaluer les niveaux relatifs de bien-être matériel entre pays, la Commission Stiglitz-Sen-Fitoussi sur la mesure des performances économiques et du progrès social recommande de mettre l’accent sur des indicateurs centrés sur la réalité vécue par les ménages, en particulier leur . Celle-ci correspond à l’ensemble des biens et services que les ménages consomment, que la dépense correspondante leur incombe ou qu’elle soit prise en charge par les administrations publiques (État, collectivités territoriales et organismes de sécurité sociale). À cette aune, la position relative de la France en Europe est bonne : la consommation effective par habitant après ajustement des (PPA) y est supérieure de 13 % à la moyenne des 27 pays de l’Union européenne en 2009 (graphique 1). Cet indicateur varie sur une échelle de un à trois et demi (de 45 % de la moyenne européenne pour la Roumanie à 152 % pour le Luxembourg). Derrière le Luxembourg et le Royaume-Uni (125 % de la moyenne européenne), la France fait partie d’un groupe de six pays (avec les Pays-Bas, l’Allemagne, la Suède, l’Autriche et le Danemark) qui ont un niveau de consommation comparable (de 112 % à 116 % de la moyenne européenne).

Si l’on s’était fondé sur un indicateur de comparaison internationale plus couramment utilisé, le produit intérieur brut (PIB) par habitant, après ajustement des parités de pouvoir d’achat, la France se serait située au 11e rang de l’Union européenne, à un niveau supérieur de 8 % à la moyenne des 27 pays de l’Union.

Graphique 1Volume de la consommation effective des ménages par habitant* en 2009

  • * Voir définitions.
  • Source : Eurostat, calculs Insee.

Manger et boire chez soi, un art de vivre à la française

Poste par poste, les volumes de consommation (tableau 1) peuvent varier en particulier sous l’influence de facteurs culturels. En se restreignant aux pays géographiquement proches et de taille comparable, le en produits alimentaires est relativement élevé en France (118 % de la moyenne européenne) : ce niveau est équivalent à celui de l’Italie, mais il est supérieur à celui de l’Espagne (110 %) et plus encore à ceux de l’Allemagne et du Royaume-Uni (respectivement 93 % et 84 %). En moyenne, un Français consomme trois fois plus de poisson qu’un Allemand et une fois et demie plus de viande. En revanche, les consommations de produits à base de céréales et de boissons non alcoolisées sont plus élevées en Allemagne qu’en France.

En France, la consommation par habitant en boissons alcoolisées est supérieure à la moyenne européenne (120 %), derrière l’Allemagne (133 %), mais devant le Royaume-Uni (112 %), l’Espagne (58 %) et l’Italie (48 %). Ces disparités de volumes consommés ne doivent toutefois pas être interprétées en termes de différences de quantités d’alcool consommées. Elles peuvent refléter des différences de niveau de gamme dans les produits achetés. Le niveau élevé de consommation en alimentation et alcool à domicile s’explique aussi par la moindre fréquentation des cafés et restaurants en France. En effet, la consommation dans les cafés, pubs et salons de thé y est l’une des plus basses en Europe, au contraire de l’Espagne, de l’Italie et du Royaume-Uni. La consommation en tabac est, en revanche, relativement faible en France (72 % de la moyenne européenne), devant le Royaume-Uni (68 %), mais derrière l’Allemagne (90 %), l’Italie (110 %) et l’Espagne (152 %). Toutefois, si la consommation est élevée en Espagne, c’est en partie à cause des non-résidents, qui profitent de niveaux de prix relativement bas par rapport au reste de l’Europe.

Tableau 1Volume de la consommation effective des ménages par habitant*, par catégories de produits en 2009

Volume de la consommation effective des ménages par habitant*, par catégories de produits en 2009
en % de la moyenne de l’UE 27
Catégories de produits Allemagne Espagne France Italie Royaume-Uni
Consommation effective des ménages 116 96 113 101 125
Alimentation et boissons non alcoolisées 93 110 118 118 84
Boissons alcoolisées et tabac 108 106 93 80 87
Vêtements et chaussures 112 100 95 151 144
Logement, eau, énergie et travaux domestiques 115 79 114 103 119
Meubles et équipements de la maison 137 77 114 128 108
Santé 120 100 119 95 115
Transport 122 88 131 114 133
Communication 137 80 104 97 101
Loisirs et culture 115 96 120 77 144
Éducation 98 90 110 88 102
Restaurants et hôtels 80 205 74 122 157
Biens et services divers 119 85 119 72 152
  • * Voir définitions.
  • Source : Eurostat.

Une consommation élevée de biens et services liés à l’habitat

La consommation en volume de vêtements et chaussures est légèrement inférieure en France à la moyenne européenne (95 %), en deçà de celles de l’Espagne (100 %) et de l’Allemagne (112 %), et très inférieure à celles du Royaume-Uni (144 %) et de l’Italie (151 %). Cette faible consommation de produits d’habillement en France concerne surtout les vêtements pour adultes.

La consommation relative au logement, à l’eau, à l’énergie et aux travaux domestiques des Français est supérieure de 14 % à la moyenne européenne ; il en est de même pour la consommation en meubles et équipements de la maison. En matière de santé, d’éducation, mais aussi de communication, de loisirs et de culture, la consommation en volume est également supérieure à la moyenne européenne. C’est le cas aussi pour la consommation de transport, du fait des dépenses de réparation de véhicules.

Quand les États prennent en charge une partie des dépenses des ménages

La consommation effective des ménages comprend également les dépenses prises en charge par les administrations publiques, notamment en matière d’éducation, de santé, ou de logement. Ces dépenses en volume varient dans un rapport de un à trois et demi entre la Bulgarie et le Danemark. Leur niveau en Allemagne est proche de la moyenne européenne, alors que celui de la France lui est supérieur de plus de 25 %. La part de ces dépenses publiques dans la consommation effective des ménages varie fortement d’un pays à l’autre, de 9 % en Grèce à 30 % au Danemark (graphique 2). La France se situe à un niveau intermédiaire (22 %), supérieur à celui de l’Allemagne (17 %). De fait, les administrations publiques françaises (État, collectivités territoriales, organismes de sécurité sociale) prennent en charge 88 % de la consommation des ménages en éducation, 77 % de leur consommation de santé et même 15 % de leur consommation de loisirs et culture, contre respectivement 74 %, 68 % et 7 % en Allemagne.

Graphique 2Part des dépenses publiques dans la consommation effective des ménages en 2009

  • Source : Eurostat, calculs Insee.

En France, les prix des services sont élevés par rapport à la moyenne européenne

Les diffèrent entre pays de l’Union européenne, bien que ces pays appartiennent à une même union économique. En France, en 2009, les prix sont supérieurs de 14 % à la moyenne européenne (graphique 3). En règle générale, les prix sont plus élevés dans les pays européens où le niveau de vie est plus élevé (graphique 4), un phénomène bien connu des économistes, sous le nom d’». Au-delà de cet effet, le niveau relatif des prix dépend également du taux de change courant. Ainsi, le niveau des prix au Royaume-Uni apparaît relativement faible (− 4 % en deçà de la moyenne européenne) en raison de la dépréciation de la livre sterling intervenue en 2009 ; à l’inverse, il est très élevé au Danemark (+ 50 % par rapport à la moyenne européenne) en raison de l’appréciation de la couronne danoise. Les différences de niveau de prix entre pays peuvent également être expliquées par des différences de coûts du travail, d’intensité de la concurrence, de structure des réseaux de distribution et de fiscalité.

Les différences de prix entre pays sont plus importantes pour les services que pour les biens. Ainsi, en 2009, les prix des services en France étaient supérieurs de 22 % à la moyenne européenne, alors que l’écart n’était que de 5 % pour les biens de consommation. En effet, d’une part, les services consommés étant peu échangeables, leurs prix tendent moins à s’égaliser d’un pays à l’autre (graphique 5). D’autre part, le prix des services consommés en France est globalement supérieur à ceux des pays voisins de la zone euro et de taille comparable (tableau 2). En particulier, les niveaux de prix des dépenses liées au logement en France équivalent à 127 % de la moyenne européenne, contre 110 % en Allemagne, 104 % en Italie et 103 % en Espagne. Cela est dû à la relative cherté des loyers et des services de rénovation du logement en France par rapport aux autres pays de l’Union européenne.

En France, les prix des dépenses de communication ainsi que de l’hôtellerie-restauration sont supérieurs de 21 % à la moyenne européenne, et largement au-dessus de ceux de l’Allemagne (94 % de la moyenne européenne pour la communication et 102 % pour l’hôtellerie-restauration). En revanche, les prix de l’alimentation, supérieurs de 10 % à la moyenne européenne, sont à un niveau proche de celui observé outre-Rhin. Par rapport à la moyenne européenne, les prix des viandes, des fruits, légumes et pommes de terre, des pains et produits à base de céréales sont élevés en France. À l’inverse, les prix des boissons alcoolisées et non alcoolisées sont un peu inférieurs en France à la moyenne européenne. Le prix du tabac y est très élevé (134 % de la moyenne européenne), du fait de l’importance de la fiscalité.

Graphique 3Niveaux de prix comparés* des biens et des services des principaux pays de l’Union européenne en 2009

  • * Voir définitions.
  • Source : Eurostat, calculs Insee.

Graphique 4Corrélation entre les volumes de consommation effective par habitant* et les niveaux de prix comparés* en 2009

  • * Voir définitions.
  • Lecture : en 2009, au Luxembourg, le volume de consommation effective des ménages par habitant est supérieur de 52 % à celui de la moyenne de l’UE 27 ; le niveau de prix de la consommation effective des ménages est supérieur de 31 % à celui de la moyenne de l’UE 27.
  • Source : Eurostat, calculs Insee.

Graphique 5Évolution des coefficients de variation* des niveaux de prix comparés* des pays de l’Union européenne à 27 et de la zone euro

  • * Voir définitions.
  • Lecture : les différences de prix entre pays de l’Union européenne à 27 ou de la zone euro sont plus importantes pour les services que pour les biens.
  • Source : Eurostat, calculs Insee.

Tableau 2Niveaux de prix comparés*, par catégories de produits en 2009

Niveaux de prix comparés*, par catégories de produits en 2009
en % de la moyenne de l’UE 27
Catégories de produits Allemagne Espagne France Italie Royaume-Uni
Consommation effective des ménages 105 98 114 107 96
Alimentation et boissons non alcoolisées 111 97 110 108 97
Boissons alcoolisées et tabac 103 78 111 108 138
Vêtements et chaussures 104 95 106 105 83
Logement, eau, énergie et travaux domestiques 110 103 127 104 94
Meubles et équipements de la maison 99 105 109 106 93
Santé 105 95 113 118 94
Transport 108 94 103 99 97
Communication 94 130 121 109 94
Loisirs et culture 104 99 112 106 98
Éducation 106 110 116 114 104
Restaurants et hôtels 102 96 121 110 90
Biens et services divers 104 92 114 107 94
  • * Voir définitions.
  • Source : Eurostat.

Les écarts de prix subsistent entre pays, mais se resserrent

Suite à la construction du marché intérieur de l’Union européenne et de l’union monétaire, les prix se sont rapprochés entre pays européens. De 1999 à 2009, le des indices de prix est ainsi passé de 27 % à 17 % pour les biens et de 46 % à 36 % pour les services dans les 27 pays de l’Union européenne. Dans les pays de la zone euro, cet indicateur est passé de 15 % en 1999 à 8 % en 2009 pour les biens, et de 30 % à 24 % pour les services. Les écarts de prix se resserrent mais des différences importantes subsistent, notamment dans les services qui ne sont pas des produits échangeables et donc beaucoup moins sujets à la concurrence que les biens.

Sources

Les PPA (parités de pouvoir d'achat) associées aux dépenses de consommation des ménages sont calculées par le programme d’enquête Eurostat-OCDE qui associe les instituts nationaux de statistique de 37 pays (les 27 de l’Union européenne et 10 autres pays européens associés), dont l’Insee pour la France. Des relevés de prix de produits comparables et représentatifs de la consommation de chaque pays sont effectués dans les pays de l’Union européenne et d’autres pays partenaires. Cela permet le calcul de parités de pouvoir d’achat pour l’ensemble des catégories de biens et de services. Les PPA associées aux dépenses individualisables des administrations publiques sont calculées en estimant le prix des intrants (rémunération des salariés, prix des consommations intermédiaires). Seule exception, l’éducation, où le calcul prend en compte le nombre d’élèves et d’étudiants, mais aussi des indicateurs de qualité (programme PISA d’évaluation des étudiants). Les PPA s’en déduisent en rapportant les dépenses en valeur à l’indice de volume.

Définitions

La dépense de consommation des ménages correspond aux dépenses que les ménages supportent directement.

La consommation individualisable des administrations publiques correspond aux dépenses de biens et de services financées par la collectivité dont les bénéficiaires peuvent être précisément définis. Elle comprend notamment les dépenses publiques d’éducation, les dépenses hospitalières et les remboursements de soins de ville, les allocations logement.

La consommation effective des ménages est la somme de la dépense de consommation des ménages et de la consommation individualisable des administrations publiques et des institutions sans but lucratif au service des ménages.

Elle permet de comparer les niveaux de consommation des pays de l’Union européenne, en tenant compte de la prise en charge par la collectivité de dépenses au bénéfice des ménages, prise en charge qui varie d’un pays à l’autre. Pour rendre les grandeurs comparables, on divise cet agrégat par le nombre d’habitants du pays. On obtient alors la consommation effective des ménages par habitant.

Les parités de pouvoir d’achat (PPA) sont des taux de conversion monétaire qui éliminent les différences de niveaux de prix entre les pays. Dans leur plus simple expression, les PPA sont des rapports de prix exprimés en monnaies nationales pour un même bien ou service.

Le volume de consommation par habitant pour un groupe de produits donné correspond au niveau relatif des dépenses de consommation pour ce groupe de produits, après ajustement des parités de pouvoir d’achat et des différences de population entre pays.

Les niveaux de prix comparés en pourcentage de la moyenne européenne sont des mesures d’écarts de prix entre un pays et la moyenne européenne. Pour un pays et un produit donnés, ils se calculent comme le rapport entre la PPA et le taux de change du pays par rapport à une monnaie de référence (le taux de change est ici défini comme la quantité de monnaie du pays équivalente à une unité de la monnaie de référence).

L’effet « Balassa-Samuelson », introduit par Balassa et Samuelson en 1964, désigne la distorsion dans la PPA due aux différences internationales de productivité relatives entre les secteurs des biens échangeables (essentiellement ceux de l’industrie manufacturière et de l’agriculture) et non échangeables (principalement les services). Cet effet explique que, en règle générale, les prix dans les pays « riches » sont plus élevés que ceux observés dans les pays « pauvres ».

Le coefficient de variation d’une variable statistique est défini comme le rapport entre l’écart-type et la moyenne. C’est une mesure de la dispersion relative de cette variable.