Insee PremièreLe commerce spécialisé d’habillement-chaussures Des petites entreprises dynamiques dans un secteur qui se concentre

Aline Ferrante, Xavier Reif, Laure Turner, division Commerce, Insee

En 2010, la vente au détail d’habillement-chaussures représente un marché de 40 milliards d’euros, soit un dixième du chiffre d’affaires du commerce de détail. Avec 70 % des ventes, les détaillants spécialisés dominent ce marché. Ils comptent 42 000 entreprises, généralement de petite taille, qui emploient au total 155 000 salariés en équivalent temps plein. De 1996 à 2010, la croissance du commerce spécialisé d’habillement-chaussures a été vive, dynamisée par un renouvellement important des firmes. Au sein de ce secteur, l’habillement représente 80 % des entreprises, de l’emploi et du chiffre d’affaires. Le petit commerce spécialisé fait face à l’essor des grandes surfaces spécialisées, devenues majoritaires en surface de vente. La concentration du commerce spécialisé augmente. En 2010, les réseaux d’enseignes regroupent 40 % des magasins, et les deux tiers de la surface de vente, du chiffre d’affaires et de l’emploi.

Aline Ferrante, Xavier Reif, Laure Turner, division Commerce, Insee
Insee Première No 1459- Juillet 2013

La vente au détail d’habillement-chaussures : + 50 % en 14 ans

En 2010, la vente au détail d’habillement et chaussures (encadré) représente un montant de 40 milliards d’euros (33 milliards pour l’habillement et 7 milliards pour la chaussure). Depuis 14 ans, ce marché s’est développé, même si, par rapport à d’autres biens et services, les ménages y consacrent une moindre part de leur budget. Entre 1996 et 2010, les ventes ont ainsi augmenté de 50 % en valeur. Cette hausse traduit essentiellement celle des volumes (+ 44 %), qui ont progressé de manière similaire dans l’habillement et la chaussure (respectivement + 46 % et + 43 %). Les prix ont en revanche progressé très modérément sur la période (+ 5 %, contre + 26 % pour l’ensemble des prix à la consommation), et à un rythme plus faible dans l’habillement (+ 3 %) que dans la chaussure (+ 11 %).

Cette modération des prix a contribué à soutenir le volume des ventes. Elle s’explique en partie par le développement des importations à faible coût : ces dernières ont tiré les prix d’achat et de vente à la baisse. L’expansion de grandes surfaces spécialisées, dont les gammes sont moins chères, a sans doute également joué.

Un marché de détail dominé par les spécialistes

Le marché de la vente au détail d’habillement et chaussures est dominé par les . En 2010, les détaillants spécialisés en habillement occupent 58 % de ce marché global et ceux spécialisés en chaussures en occupent 11 %, soit 70 % au total (graphique). Leurs principaux concurrents sont les grandes surfaces alimentaires (11 %), notamment les hypermarchés (9 %). Suivent la vente à distance (8 %) et les grands magasins (7 %), loin devant les commerçants sur éventaires et marchés et les grossistes présents sur le marché de détail.

De 1996 à 2010, la part des spécialistes en chaussures a reculé de 2 points. Celle des spécialistes en habillement a gagné au contraire 5 points, principalement au détriment des grandes surfaces alimentaires. Dans ces dernières, les ventes d’habillement-chaussures ont reculé au profit d’autres gammes, micro-informatique et téléphonie notamment. Quant à la vente à distance, sa part de marché est restée globalement stable, mais les acteurs traditionnels de la vente par correspondance ont perdu du terrain au profit des e-commerçants.

En effet, le canal de vente Internet, encore inexistant en 1996, s’est développé sur la période. En 2010, 5 % des ventes françaises d’habillement-chaussures sont réalisées par ce biais : les commerces de détail spécialisés en assurent 1 % et les entreprises de vente à distance 4 %. L’habillement et les chaussures figurent d’ailleurs parmi les principaux produits vendus par les pure players, entreprises uniquement engagées dans le commerce électronique : ils représentent 19 % de leurs ventes.

GraphiqueParts de marché des acteurs de la vente au détail d’habillement-chaussures

  • Champ : entreprises du commerce de détail sur le marché de la vente au détail d’habillement-chaussures.
  • Source : Insee, EAE 1996 et Esane 2010.

Des spécialistes plus dynamiques dans l’habillement

En 2010, le commerce de détail spécialisé en habillement ou chaussures compte 42 000 , soit environ la moitié des entreprises impliquées dans la vente au détail de ces articles. Elles réalisent 32 milliards d’euros de chiffre d’affaires et emploient 155 000 salariés en équivalent temps plein (ETP) ; l’habillement représente 80 % des ventes et de l’emploi dans le secteur. Les magasins spécialisés d’habillement-chaussures couvrent 9,4 millions de m², soit plus du dixième de la surface totale de vente du commerce de détail en magasin. Les salariés du secteur sont souvent des femmes (80 %, contre 64 % dans l’ensemble du commerce de détail) et travaillent souvent à temps partiel (44 % contre 35 %).

Entre 1996 et 2010, malgré une légère baisse du nombre d’entreprises (− 5 %), le secteur a été dynamique. Les effectifs ont crû de moitié, bien plus que dans l’ensemble du commerce de détail (environ + 30 %). Le chiffre d’affaires a progressé d’environ 70 % en valeur, comme dans le commerce de détail. Le secteur de l’habillement a été le plus dynamique, avec une progression du chiffre d’affaires de 77 % en valeur, contre + 31 % pour la chaussure. En effet, les ventes en volume y ont été particulièrement soutenues, en partie grâce à la modération plus marquée des prix. Ce plus grand dynamisme du secteur de l’habillement s’accompagne d’une plus forte augmentation des emplois sur la période : l’effectif salarié en ETP y a crû de 52 %, contre + 17 % dans la chaussure.

Seul un quart des firmes de 1996 sont encore présentes en 2010

La croissance du secteur spécialisé de l’habillement-chaussures est liée à la fois à la progression des entreprises pérennes, présentes en 1996 et 2010, et au renouvellement des entreprises au profit de firmes plus dynamiques (tableau 1). Les entreprises pérennes sont peu nombreuses : seules 23 % des entreprises présentes en 1996 le sont encore en 2010. Elles sont plus grandes en moyenne, avec 6,5 salariés en ETP en 2010, contre 3,6 pour l’ensemble du secteur. Ces entreprises ont crû plus vite que l’ensemble du commerce spécialisé. Elles contribuent pour un peu moins de la moitié aux hausses de l’effectif salarié en ETP et du chiffre d’affaires du secteur. Le renouvellement des entreprises explique 56 % de la hausse du chiffre d’affaires et 52 % de celle des effectifs, la contribution des firmes entrantes dépassant largement la perte due aux sortantes.

Pour l’ensemble du commerce de détail spécialisé en habillement-chaussures, le , qui reflète la valeur dégagée par l’activité des commerçants, a augmenté entre 1996 et 2010. En 2010, il s’élève à 48 % dans l’habillement, en hausse de 5 points, et à 47 % dans la chaussure, en hausse de 7 points. Ces taux sont plus élevés que dans l’ensemble du commerce de détail (30 % en 1996 et 2010). Leur hausse s’explique probablement par la modération des prix d’achat, liée notamment aux importations issues de pays à bas coûts de production.

Le , indicateur de rentabilité économique des entreprises, est de 27 % en 2010, proche de la moyenne du commerce de détail (25 %). Il a reculé de 4 points depuis 1996, la baisse ayant été encore plus forte dans l’ensemble du commerce de détail (− 9 points). Ce recul reflète d’abord l’effet de la récession de 2009. En effet, l’emploi s’ajuste avec retard à la contraction de l’activité. De ce fait, les salaires occupent une part plus importante dans la valeur ajoutée, réduisant en conséquence la marge des entreprises.

Tableau 1Contribution aux évolutions du chiffre d’affaires et de l’effectif salarié des entreprises pérennes, entrantes et sortantes

Contribution aux évolutions du chiffre d’affaires et de l’effectif salarié des entreprises pérennes, entrantes et sortantes
Chiffre d’affaires (en milliards d’euros) Effectif salarié (en milliers d’équivalent temps plein)
1996 2010 Variation 1996 2010 Variation
Commerce de détail spécialisé d’habillement-chaussures 18,3 31,6 13,3 (+ 73 %) 104,9 154,8 49,9 (+ 48 %)
Contribution des entreprises pérennes 7,3 13,1 5,8 (+ 80 %) 42,0 66,1 24,1 (+ 57 %)
Contribution nette des entrées et des sorties 11,0 18,5 7,5 (+ 68 %) 62,9 88,7 25,8 (+ 41 %)
Contribution des entreprises entrantes /// 18,5 18,5 /// 88,7 88,7
Contribution des entreprises sortantes 11,0 /// − 11,0 62,9 /// − 62,9
Ensemble du commerce de détail 237,5 403,2 165,7 (+ 70 %) 1 042,9 1 346,6 303,7 (+ 29 %)
  • Champ : entreprises du secteur du commerce de détail spécialisé d’habillement-chaussures.
  • Source : Insee, Ficus 1996 et Esane 2010.

Dans un secteur qui se concentre, de nombreuses petites entreprises

En 2010, 1 % des entreprises du commerce spécialisé d’habillement- chaussures emploient 20 salariés ou plus et concentrent 63 % du chiffre d’affaires. Néanmoins, les entreprises de ce secteur sont en général de petite taille : 94 % d’entre elles emploient au plus 5 salariés en ETP ; elles cumulent 26 % du chiffre d’affaires.

Depuis 14 ans, l’ensemble du secteur de l’habillement-chaussures tend à se concentrer. En 2010, seulement 10 % des entreprises réalisent 80 % du chiffre d’affaires, contre 20 % en 1996. La part de chiffre d’affaires réalisé par les entreprises appartenant à un groupe a par ailleurs fortement augmenté (de 36 % à près de 60 %). La quasi-totalité des entreprises restent néanmoins des entreprises indépendantes (environ 95 % en 1996 et 2010).

Le secteur compte début 2010 près de 60 000 magasins ; ils occupent en moyenne moins de 3 personnes et réalisent un chiffre d’affaires moyen de 500 000 euros (contre 5 personnes et environ le double de chiffre d’affaires pour l’ensemble du commerce de détail). La surface de vente est de 170 m² en moyenne, mais elle est comprise entre 50 et 100 m² pour un tiers d’entre eux, et inférieure à 50 m² pour près de 30 % d’entre eux.

Seuls 10 % des magasins dépassent 400 m². Ces grandes surfaces représentent début 2010 la majeure partie de la surface totale du secteur. Toutefois, leur chiffre d’affaires au m² baisse fortement sur la période récente (− 25 % entre 2004 et 2010, contre − 8 % pour l’ensemble de l’habillement-chaussures). Cette évolution reflète sans doute en partie l’essor d’enseignes dont le modèle de vente est proche du hard-discount. En revanche, le chiffre d’affaires au m² augmente fortement dans les petites surfaces d’habillement (moins de 25 m²) ; ces dernières s’orientent sans doute vers un positionnement en gamme plus qualitatif. Les magasins de 100 à moins de 200 m² sont également dynamiques.

Des réseaux d’enseignes puissants

En 2010, quatre magasins sur dix des secteurs spécialisés de l’habillement et de la chaussure appartiennent à un d’enseignes, contre moins de trois sur dix dans l’ensemble du commerce de détail. Leur part est en hausse de 8 points depuis 1996. Les réseaux d’enseignes concentrent environ deux tiers de la surface de vente, du chiffre d’affaires et de l’emploi du secteur (comme dans l’ensemble du commerce de détail en magasin).

Dans la chaussure, la part des magasins en réseau est plus élevée que dans l’habillement (52 % contre 38 %). Les réseaux y concentrent également une plus grande part de la surface de vente (80 % contre 63 %) et du chiffre d’affaires (71 % contre 63 %).

Dans l’habillement, les dix premiers réseaux comptent en moyenne 370 magasins chacun ; ils génèrent 17 % du chiffre d’affaires. Dans la chaussure, les dix premiers réseaux sont en moyenne moins étendus (270 magasins), mais ils pèsent davantage dans le chiffre d’affaires de leur secteur (36 %).

En raison des restructurations et des créations d’enseignes, le profil des dix premiers réseaux d’enseignes dans l’habillement-chaussures a beaucoup évolué entre 1996 et 2010 : certains acteurs ont changé, ils sont plus étendus (+ 30 % de magasins par réseau en moyenne, et même + 61 % dans l’habillement) et leur poids dans le chiffre d’affaires du secteur a doublé.

En majorité, une seule gamme de produits vendue

En 2010, la gamme la plus distribuée est celle des vêtements pour femmes : elle représente 37 % des ventes d’habillement- chaussures réalisées par les détaillants spécialisés. Viennent ensuite les chaussures (20 %), les vêtements pour hommes (17 %), les vêtements divers et accessoires et les vêtements pour enfants (10 % chacun), devant les articles de chemiserie, lingerie et bonneterie (6 %). Entre 1996 et 2010, la répartition des gammes a peu varié : la part des vêtements pour enfants s’est un peu accrue, tandis que celle des dessous pour enfants ou adultes s’est repliée (tableau 2).

En 2010 comme en 1996, la majorité des entreprises commerciales spécialisées dans l’habillement-chaussures vend une seule des gammes précédentes : c’est le cas de trois acteurs spécialisés sur quatre dans le secteur de l’habillement et de 95 % d’entre eux dans celui de la chaussure. Ces entreprises cumulent respectivement 48 % et 90 % des ventes de leur secteur en 2010.

Dans l’habillement, la proportion des acteurs spécialisés dans une seule gamme progresse de 4 points en 14 ans, mais leur part dans les ventes du secteur est stable. À l’opposé, un distributeur du secteur sur dix vend au moins trois gammes, et ces entreprises réalisent en 2010 plus du tiers des ventes. Leur proportion a baissé de 4 points en 14 ans, mais leur poids dans les ventes a crû de 7 points.

Dans la chaussure, la proportion d’acteurs spécialisés dans une seule gamme, très élevée, est stable. Cependant, leur part dans les ventes a diminué de 5 points, au profit d’acteurs qui complètent la vente de chaussures par une autre gamme.

Tableau 2Gammes de produits vendues par les entreprises du commerce de détail spécialisées en habillement-chaussures

Gammes de produits vendues par les entreprises du commerce de détail spécialisées en habillement-chaussures
Gamme de produits Part dans les ventes d’habillement-chaussures (en %)
1996 2010
Vêtements pour femmes 35 37
Chaussures (y c. de sport) 20 20
Vêtements pour hommes 18 17
Habillement divers et accessoires (cravates, gants, ceintures…) 11 10
Vêtements pour enfants 7 10
Chemiserie, lingerie et bonneterie (y c. articles pour enfants) 9 6
Total 100 100
  • Champ : entreprises du secteur du commerce de détail spécialisé d’habillement-chaussures.
  • Source : Insee, EAE 1996 et Esane 2010.

Périmètre du marché de la vente au détail d’articles d’habillement-chaussures

Le marché décrit ici n’inclut pas les articles d’habillement-chaussures vendus par les magasins de sport. En effet, les données disponibles ne permettent pas d’y distinguer les produits « techniques », dédiés spécifiquement à la pratique sportive, de ceux de « style sportif », portés au quotidien. Or, on considère que ces produits techniques constituent un marché spécifique. En revanche, les produits de style sportif distribués par les détaillants spécialisés et les grandes surfaces sont bien comptabilisés. Si l’on intègre l’ensemble des articles d’habillement-chaussures vendus par les spécialistes du sport, y compris techniques, la taille totale du marché atteint 42 milliards d’euros en 2010 (au lieu de 40 milliards d’euros). Les magasins de sport représentent alors 5 % du marché. Sur ce champ élargi, la hausse des ventes en volume entre 1996 et 2010 apparaît un peu plus faible (+ 41 % contre + 44 %).

Par ailleurs, les données d’entreprises ne permettent pas de prendre en compte les sites Internet d’entreprises étrangères qui commercialisent des produits d’habillement-chaussures en France. On sous-estime donc la taille du marché et la part du e-commerce.

Sources

Le dispositif d’élaboration des statistiques annuelles d’entreprise (Esane) combine des données administratives (déclarations annuelles de bénéfices des entreprises et données annuelles de données sociales) et celles de l’enquête sectorielle annuelle (ESA).

Les données fiscales, exhaustives, sont utilisées pour analyser l’impact des entrées et sorties de firmes.

Les données de surface et de chiffre d’affaires par m² sont issues de l’enquête Points de vente 2009 réalisée en 2010.

Les données sur les réseaux proviennent d’une estimation des contours de réseaux en 1996 et 2010 réalisée à partir de l’ensemble des sources disponibles sur les réseaux : enquête sectorielle 1997 sur les réseaux de l’habillement, enquête 2006-2007 sur les réseaux du commerce de détail, enquête Points de vente 2009, opération pilote Contours de réseaux de 2010.

Définitions

Le commerce de détail spécialisé d’habillement-chaussures regroupe les entreprises appartenant aux sous-classes 47.71Z (commerce spécialisé d’habillement) et 47.72A (commerce spécialisé de chaussures) de la nomenclature NAF rév. 2.

Le terme « entreprise » utilisé ici recouvre les sociétés et les entreprises individuelles. Il désigne toute unité légale déclarée au répertoire Sirene, notion qui ne coïncide pas avec celle d’entreprise « acteur économique » définie au sens de la loi de modernisation de l’économie et du décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008.

Le taux de marge commerciale est le rapport de la marge commerciale aux ventes de marchandises.

Le taux de marge d’exploitation est le rapport de l’excédent brut d’exploitation à la valeur ajoutée hors taxes.

Un réseau est un ensemble de points de vente qui présentent des caractéristiques communes (produits, services, etc.) et qui sont coordonnés par la même société.

Pour en savoir plus

Besson D., « Les achats d’habillement depuis 45 ans : davantage de produits importés, des prix en baisse », Insee Première n° 1242, juin 2009.

Gombault V., « Deux ménages sur trois disposent d’internet chez eux », Insee Première n° 1340, mars 2011.

Salmon G., « Les réseaux d’enseignes dans l’habillement - Des structures diversifiées autour de marques propres », Insee Première n° 1298, juin 2010.

Reif X., Solard G., « Les réseaux dans le commerce - Groupements dans l’alimentaire, succursales dans l’habillement », Insee Première n° 1269, décembre 2009.