Insee PremièreLa place du secteur associatif et de l’action sociale dans l’économie Deux dimensions de la vie sociale à l’aune des comptes nationaux

Mélanie Vanderschelden, division Synthèse générale des comptes, Insee

Les institutions sans but lucratif au service des ménages employaient 900 000 personnes en 2008, soit 3 % de l’emploi total. Elles ont versé 23 milliards d’euros de rémunérations et acheté pour près de 17 milliards d’euros de biens et services (y compris investissement). Ce faisant, elles ont produit et distribué gratuitement ou presque des services pour un coût de 40 milliards d’euros. La moitié de ces services relève d’activités d’enseignement et d’activités récréatives, sportives et culturelles, l’autre moitié relève de l’aide aux personnes handicapées et en difficulté. Mais la production d’action sociale correspond plus généralement à l’aide à l’ensemble des personnes fragiles ; elle s’élève en France à 62 milliards d’euros, car elle est aussi le fait d’autres acteurs de l’économie et couvre aussi d’autres publics, en particulier les personnes âgées. Les bénéficiaires, hébergés, accueillis à la journée ou pris en charge à domicile, financent 30 % du coût de l’action sociale.

Mélanie Vanderschelden, division Synthèse générale des comptes, Insee
Insee Première No 1356- Juin 2011

En 2008, les institutions sans but lucratif au service des ménages représentent 3 % de l’emploi total

Les constituent une des catégories institutionnelles que distingue la comptabilité nationale, en France comme dans le reste de l’Europe. Cet ensemble hétérogène peut en première approximation être assimilé au secteur associatif, même s’il est à la fois plus large et plus étroit : il regroupe des associations, fondations, partis politiques, syndicats de salariés, Églises et associations cultuelles qui sont employeurs et qui fournissent des services aux seuls ménages.

En 2008, les ISBLSM dégagent une valeur ajoutée de 27 milliards d’euros, soit 1,4 % du produit intérieur brut (graphique 1). Elles participent à l’activité économique principalement à travers les 23 milliards d’euros de rémunérations qu’elles versent (tableau 1), soit 2,4 % de la masse salariale totale. Avec 900 000 emplois, elles occupent 3 % de l’emploi total, autant que le secteur des sociétés financières et un peu plus que le nombre de personnes directement employées par les ménages.

Les ISBLSM contribuent aussi à la demande adressée à l’ensemble de l’économie : elles ont acheté pour plus de 13 milliards d’euros de biens et services et investi pour 3,5 milliards d’euros.

Au-delà de leur poids économique, le rôle social des ISBLSM est important. Les ménages bénéficient ainsi, gratuitement ou presque, des nombreux services non marchands qu’elles produisent : enseignement, , activités récréatives, culturelles, etc. Assimilée aux coûts de production (encadré) dans les comptes nationaux, leur production atteint 40 milliards d’euros en 2008, dont 4 seulement sont à la charge des bénéficiaires. À cette production valorisée dans les comptes nationaux, il faut ajouter l’action des bénévoles et celle de travailleurs salariés mis à leur disposition par les administrations publiques, retracée dans le compte de ce secteur.

Les ISBLSM redistribuent enfin aux ménages 1,5 milliard d’euros en espèces, sous la forme d’aides directes, telles que des bourses, prix, subventions de projets personnels, prenant ainsi en charge des besoins sociaux auxquels ne répondent pas les systèmes d’assurance et d’assistance sociale.

Pour couvrir leurs dépenses, elles disposent de ressources de natures et d’origines variées. Ces flux financiers, dont le montant dépasse 36 milliards d’euros en 2008, sont pour près des trois quarts d’origine publique. Les ISBLSM reçoivent en effet des financements de la part des collectivités locales, de l’État et des organismes sociaux. La contribution des ménages est également importante : 9 milliards d’euros de transferts courants, correspondant aux dons, aux cotisations et à des recettes diverses, comme les ventes lors de fêtes ou de manifestations, auxquels s’ajoutent un milliard d’euros de legs. Le reste des financements privés est le fait des entreprises, qui versent 264 millions d’euros dans le cadre du mécénat. Relativement peu endettées, les ISBLSM perçoivent près de 2 milliards d’euros de ressources de leurs placements financiers. Enfin, les impôts sur les rémunérations qu’elles payent sont en grande partie compensés par les subventions dont elles bénéficient, au titre des emplois aidés.

Graphique 1Poids des ISBLSM* dans la valeur ajoutée, la masse salariale et l'emploi de l'ensemble de l'économie en 2008

  • * Voir définitions.
  • Source : Insee, comptes nationaux, base 2005.

Tableau 1Dépenses et recettes des ISBLSM* par type en 2008

en millions d'euros
Dépenses et recettes des ISBLSM* par type en 2008 (en millions d'euros)
Dépenses
Consommations intermédiaires 13 392
Salaires et traitements bruts 17 508
Cotisations sociales employeurs 5 876
Impôts sur la production 919
Intérêts versés 622
Primes nettes d'assurance-dommage 36
Prestations d'assistance sociale en espèces et autres transferts courants divers 1 481
Formation brute de capital fixe 3 546
Recettes  
Subventions sur rémunérations 652
Intérêts reçus 1 918
Revenus de la propriété attribués aux assurés 3
Indemnités nettes d'assurance-dommage 40
Transferts courants aux ISBLSM, dont : 35 433
transferts courants aux ISBLSM versés par les administrations publiques 26 240
transferts courants aux ISBLSM versés par les ménages 8 929
transferts courants aux ISBLSM versés par les sociétés non financières 264
Aides à l'investissement 863
Transferts en capital 992
  • * Voir définitions.
  • Source : Insee, comptes nationaux, base 2005.

La majorité des rémunérations versées par le secteur associatif relève de l’action sociale

Les rémunérations représentent 40 % des coûts de production des bibliothèques, archives, musées et associations culturelles, ainsi que des établissements d’enseignement privé. Toutefois, pour ces derniers, cette part ne comprend pas les rémunérations des enseignants, prises en charge par l’État. Pour les établissements d’action sociale, les rémunérations représentent 66 % des coûts de production, car l’accueil de personnes handicapées ou d’enfants en difficulté nécessite en général un taux d’encadrement élevé. Les dépenses d’investissement pèsent aussi assez fortement dans les dépenses des établissements culturels, d’enseignement ou d’action sociale, du fait des infrastructures que leur activité requiert.

Les budgets des établissements et services médico-sociaux et sociaux sont presque exclusivement alimentés par des fonds publics. La part des ressources d’origine publique baisse à 60 % pour les associations et les fondations culturelles, artistiques, créatives ou du spectacle. Elle est presque deux fois moindre encore pour les autres associations (sportives notamment) et fondations, les partis politiques, syndicats de salariés, Églises et associations cultuelles.

L’action sociale : un poids important des ISBLSM, mais aussi d’autres acteurs

En 2008, près de la moitié de l’activité des ISBLSM relève de l’action sociale, c’est-à-dire de l’aide aux personnes fragiles. Plus précisément, les associations caritatives et humanitaires, les dispositifs de veille sociale ainsi que les établissements et services médico-sociaux et sociaux ont produit des services d’une valeur de 19 milliards d’euros, destinés aux enfants et adultes handicapés ou en difficulté.

Mais la production de services d’action sociale relève également d’acteurs économiques classés dans d’autres secteurs institutionnels (tableau 2) ; elle est estimée au total à plus de 62 milliards d’euros. Par exemple, l’action sociale en faveur des personnes âgées est très peu prise en charge par les ISBLSM. Cette action prend des formes diverses : l’hébergement ou l’accueil de jour en établissement, l’accueil familial, l’aide à domicile. L’hébergement et l’accueil de jour en établissement relèvent du secteur des sociétés non financières ou des administrations publiques selon que l’établissement est rattaché ou non à un hôpital. L’accueil familial et l’aide à domicile sont en revanche le fait des ménages, employeurs du personnel qui produit les services dont ils bénéficient.

La prise en charge des enfants est également le fait des ménages lorsque les parents recourent aux services d’une assistante maternelle, ou celui des administrations publiques, lorsqu’elles emploient des assistants familiaux (familles d’accueil pour enfants) et gèrent des établissements d’accueil du jeune enfant (crèches, haltes-garderies, etc.).

Au total, les secteurs institutionnels autres que les ISBLSM contribuent pour des parts quasi égales à la production d’action sociale. En 2008, les ménages, comme les administrations publiques, ont fourni des services pour une valeur de 15 milliards d’euros, proche de celle des services produits par les sociétés non financières (13 milliards d’euros).

La valeur des services d’hébergement ou d’accueil de jour en établissement des personnes âgées, produits pour les deux tiers par des sociétés non financières (maisons de retraite, privées ou publiques, non rattachées aux hôpitaux), atteint 20 milliards d’euros. En y ajoutant l’accueil familial des personnes âgées et l’aide à domicile, principalement tournée vers cette même population, on parvient à 29 milliards d’euros, soit 46 % de la production d’action sociale en France. La production de services en faveur des personnes handicapées s’élève à 14 milliards d’euros. Le coût global de l’accueil des jeunes enfants en crèche (ou établissement similaire) ou chez une assistante maternelle est proche de 11 milliards d’euros. Enfin, les frais liés à la prise en charge des personnes en difficulté se montent à 9 milliards d’euros.

Tableau 2Les contours des ISBLSM¹ et de l'action sociale

Les contours des ISBLSM¹ et de l'action sociale
Action sociale
ISBLSM Administrations publiques Ménages Sociétés non financières
Enfants et adultes handicapés (hébergement en établissements ou accueil/accompagnement)
Enfants et adultes en difficulté (hébergement en établissements ou accueil/accompagnement, activités des associations caritatives et humanitaires et des dispositifs de veille sociale) Enfants en difficulté (hébergement au domicile d'assistants familiaux)
Adultes en difficulté (activités des centres communaux d'action sociale)
Jeunes enfants (accueil en crèches, haltes-garderies, etc.) Jeunes enfants (accueil au domicile d'une assistante maternelle)
Personnes âgées (hébergement ou accueil de jour dans les établissements rattachés aux hôpitaux) Personnes âgées, adultes handicapés ou familles en difficulté (aide à domicile) Personnes âgées (hébergement ou accueil de jour dans les établissements non rattachés aux hôpitaux)
Personnes âgées, handicapées (hébergement en famille d'accueil)
Activités des ISBLSM autres que l'action sociale 2
Activités créatives, artistiques et de spectacle
Bibliothèques, archives, musées et autres activités culturelles
Activités sportives, récréatives et de loisirs
Activités des organisations associatives (dont partis politiques, syndicats de salariés, Églises et associations cultuelles)
Enseignement (privé)
  • 1. Voir définitions.
  • 2. Les activités autres que l'action sociale des administrations publiques, des ménages et des sociétés non financières ne figurent pas dans ce tableau.

Les formes de l’action sociale : de l’hébergement en établissement à l’intervention à domicile

Le coût de l’hébergement médico-social et social (33 milliards d’euros) et celui de l’action sociale sans hébergement (30 milliards d’euros) sont quasiment équivalents.

Le premier correspond pour 60 % à l’hébergement des personnes âgées, pour 22 % à l’hébergement des personnes handicapées et pour 17 % à l’hébergement des personnes en difficulté. Les frais d’hébergement des personnes handicapées, qui s’élèvent à plus de 7 milliards d’euros au total, sont deux fois moindres pour les enfants handicapés que pour les adultes, les premiers étant plus fréquemment accueillis à la journée dans les établissements ou pris en charge à leur domicile qu’hébergés en établissement (graphiques 2 et 3). Inversement, le coût global du placement des enfants en difficulté en famille d’accueil ou en établissement (pouponnières, foyers de l’enfance, etc.) est supérieur à 4 milliards d’euros, tandis que celui de l’hébergement des adultes et familles (en centre d’hébergement et de réinsertion sociale par exemple) est seulement de l’ordre d’un milliard d’euros.

Les services de garde des jeunes enfants (assistantes maternelles, établissements d’accueil du jeune enfant - crèches, haltes-garderies) et d’aide à domicile (essentiellement aux personnes âgées, mais aussi aux adultes handicapés et plus marginalement aux familles en difficulté) sont les principales prestations d’action sociale sans hébergement. Leurs montants atteignent respectivement 11 et 9 milliards d’euros. Le coût total de la prise en charge des enfants handicapés à la journée en établissement ou à domicile (3 milliards d’euros) est inférieur à celui de l’accueil des adultes handicapés en établissement d’accueil de jour ou d’aide par le travail (4 milliards d’euros). Le montant des dépenses d’actions éducatives et de prévention spécialisée destinées aux enfants en difficulté est quant à lui inférieur à un milliard d’euros. Le reste de l’action sociale sans hébergement (3 milliards d’euros) correspond aux services produits par les centres communaux d’action sociale, les dispositifs de veille sociale (Samu social, accueil de jour des sans-abri, etc.) et les associations caritatives et humanitaires.

Graphique 2Répartition de la production d'hébergement médico-social et social par public en 2008 (en %)

  • Source : Insee, comptes nationaux, base 2005.

Graphique 3Répartition de la production d'action sociale sans hébergement par public en 2008 (en %)

  • Source : Insee, comptes nationaux, base 2005.

Le reste à charge des ménages diffère selon le service social

Le coût des services d’action sociale est partiellement pris en charge par la dépense publique, sous la forme de versements aux établissements ou d’allocations aux personnes bénéficiaires. Ainsi, le coût des soins des établissements hébergeant des personnes âgées est supporté intégralement par l’assurance-maladie, qui attribue une dotation aux établissements. Les frais liés à la dépendance et à l’hébergement sont couverts en partie par l’allocation personnalisée pour l’autonomie (APA) et l’aide sociale à l’hébergement, financées par les départements, ainsi que par les allocations logement, versées par les caisses d’allocations familiales.

Tous services et tous publics confondus, les bénéficiaires financent 30 % du coût de l’action sociale. La moitié de leurs frais d’hébergement ou d’aide à domicile reste à la charge des personnes âgées. Les parents supportent un peu plus du quart du coût de la garde de leurs jeunes enfants en établissement ou par une assistante maternelle. Les sommes restant à la charge des adultes handicapés sont faibles par rapport au coût global de leur prise en charge par les établissements ou services. Enfin, la participation des familles aux frais liés à l’hébergement ou à l’accueil d’enfants handicapés ou de personnes en difficulté est quasi inexistante.

Évaluation de la production d’action sociale et construction du compte des ISBLSM dans les comptes nationaux

L’activité des ISBLSM et des services d’action sociale est essentiellement non marchande. Leur production est donc valorisée par la somme des coûts de fonctionnement : rémunérations, consommations intermédiaires, consommation de capital fixe et impôts nets de subventions.

Les méthodes employées pour évaluer la production de services d’action sociale diffèrent selon la nature des données disponibles. À défaut de données comptables exhaustives, la valeur de la production est en général estimée en multipliant un nombre de places dans les établissements médico-sociaux et sociaux par un coût moyen par place. Lorsque la prise en charge des coûts par les administrations publiques est totale, le montant de la production est parfois assimilé au montant global de la dépense publique.

Le compte des ISBLSM est construit activité par activité. Pour une activité donnée, il est déduit de la structure des dépenses et des recettes des ISBLSM et de la masse salariale (sources), sauf pour l’action sociale dont la production (estimée à l’aide des méthodes décrites ci-dessus) est utilisée comme point de départ de la construction du compte. Par ailleurs, les données comptables des administrations publiques sur les montants qu’elles versent aux ISBLSM sont mobilisées. Le compte est bouclé sous l’hypothèse d’équilibre entre dépenses et recettes.

Sources

La masse salariale des ISBLSM (sauf pour l’action sociale) est issue des déclarations annuelles de données sociales (DADS), une des principales sources utilisées pour la construction du compte de ce secteur. Les structures des dépenses et des recettes des associations ont été calculées à partir des données de l’enquête auprès des associations réalisée en 2005 par le Centre d’économie de la Sorbonne.

Pour l’action sociale, les évaluations reposent notamment sur plusieurs enquêtes conduites par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) ; elles reposent également sur des données relatives aux coûts moyens par place dans les établissements et services médico-sociaux fournies par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA).

Définitions

Une institution sans but lucratif (ISBL) est une personne morale créée pour produire des biens ou des services et à laquelle son statut interdit de procurer un revenu, un profit ou tout autre gain financier à l’unité qui l’a créée, la contrôle ou la finance. Les institutions sans but lucratif au service des ménages (ISBLSM) sont des ISBL dotées de la personnalité juridique. Ces unités privées produisent des biens et services non marchands au profit des ménages. Les autres ISBL sont classées dans les autres secteurs institutionnels de la comptabilité nationale (sociétés non financières, administrations publiques, ménages). Par exemple, les associations ou fondations dont l’activité est marchande (hébergement, restauration, etc.) ou au service des entreprises font partie du secteur des sociétés non financières. Les associations contrôlées et majoritairement financées par les administrations publiques telles que l’Afpa (Association pour la formation professionnelle des adultes) appartiennent quant à elles au secteur des administrations publiques.

Les coopératives et mutuelles font partie de l’économie sociale, mais ne sont pas des ISBL.

L’action sociale correspond aux dispositifs visant à promouvoir la cohésion sociale, la lutte contre l’exclusion, l’autonomie et la protection des personnes fragiles (notamment âgées, handicapées ou en difficulté). Elle est mise en œuvre par l’État, les collectivités locales, les établissements publics, les organismes de sécurité sociale, les associations et les établissements sociaux et médico-sociaux.

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