Le nautisme : trois types d’activités aux conditions d’emploi différentes

Avec ses 1 000 km de côtes, ses ports et ses nombreuses plages, la Corse offre un cadre favorable aux activités nautiques. Vente d’équipements, plaisance, promenades en mer, voile ou plongée constituent nombre d’activités, proposées notamment aux nombreux touristes estivaux en quête de soleil et de grand bleu. La filière nautique regroupe trois segments : les services de loisirs nautiques (encadrement de sports nautiques, promenades en mer, location de navire et de matériel), l’industrie, le commerce et les services nautiques (chantiers navals, réparation et maintenance, vente d’équipement, accastillage, services portuaires, etc.) et les ports de plaisance.

En 2016, le nautisme corse compte 575 établissements, soit 0,9 % des établissements de l’île (figure 1). Parmi eux, 59 % sont employeurs. La plupart sont de taille modeste : 85 % emploient moins de 5 salariés équivalent temps plein (définitions) et seulement 5 % en emploient 10 ou plus. Ils mobilisent 930 équivalents temps plein (ETP), soit 0,9 % du salariat insulaire. Le poids économique de la filière est toutefois plus important que ne le laisse supposer son volume d’emploi. En effet, les entreprises employeuses mono-régionales hors statut micro-fiscal de la filière génèrent 3 % du chiffre d’affaires et 2 % de la valeur ajoutéede l’ensemble de ces employeurs en Corse.

Le nautisme offre 1 500 postes salariés, en grande majorité pourvus par des hommes jeunes. Les femmes n’en occupent qu’un tiers, principalement d’employées. La filière mobilise également 150 non salariés (chefs d’entreprise, artisans et commerçants). Comme dans le reste de l’économie, les indépendants sont plus âgés que les salariés et comptent moins de femmes (18 %).

Les établissements sont le plus souvent implantés à Ajaccio (15 %), Porto-Vecchio (11 %) et Bonifacio (9 %). Ces trois villes sont aussi celles qui offrent le plus d’emplois nautiques, avec respectivement 15 %, 9 % et 10 % de l’emploi total de la filière. Elles regroupent ainsi plus du tiers des établissements et des emplois du nautisme (figure 2).

Les services de loisirs nautiques, qui comprennent notamment les promenades en mer, les clubs de sport aquatique (plongée, voile, kayak…) et les locations de bateaux et matériel nautique sont assurés par 380 établissements, soit 66 % de l’ensemble de la filière. Parmi eux, 12 % sont associatifs, essentiellement des clubs de sport aquatique. Les établissements sont majoritairement employeurs (56 %) mais de petite taille : 90 % comptent moins de 5 salariés ETP et ces derniers regroupent 55 % du salariat total.

Avec un effectif annuel de 440 salariés ETP et une centaine d’indépendants, ce segment est le premier employeur nautique. Il regroupe la moitié des effectifs salariés. Cependant, le nombre d’emplois varie fortement au cours de l’année car ses activités sont essentiellement estivales. Il est ainsi multiplié par 4,5 entre l’hiver et la pleine saison (figure 3), passant de 160 à plus de 700 emplois. L’activité augmente en particulier brusquement début juillet pour chuter symétriquement fin août. Ainsi, la moitié des contrats dure moins de quatre mois. Les emplois sont souvent occupés par des jeunes : 43 % sont pourvus par des moins de 30 ans contre 26 % pour l’ensemble des postes insulaires. Les salariés de 50 ans ou plus n’occupent que 13 % des postes du segment contre 28 % en moyenne.

Les rémunérations sont inférieures au niveau régional : le salaire horaire brut médian y est de 11,9 euros contre 13,5 en région (figure 5). Pourtant, les emplois se caractérisent par une surreprésentation des professions intermédiaires : 32 % des postes contre 16 % en Corse. Cependant, les cadres sont rares : 3 % contre 11 % pour l’ensemble du salariat insulaire.

Deux métiers sont particulièrement fréquents dans les loisirs nautiques : les moniteurs / éducateurs sportifs et les marins (matelots, timoniers et capitaines) qui assurent notamment les promenades en mer (figure 4). Ils représentent respectivement 20 % et 9 % de l’emploi du segment. Leurs postes reposent essentiellement sur des contrats temporaires, avec respectivement 82 % et 89 % de saisonniers, et sur une main-d’œuvre jeune se traduisant par des âges médians respectifs de 32 et 29 ans contre 40 ans au niveau insulaire. Ils sont également peu féminisés (79 % d’hommes). En revanche, ils offrent des rémunérations très différentes. Celles des encadrants sportifs sont plus modestes avec un salaire horaire brut médian de 11,5 euros. De plus, la brièveté des contrats, dont la moitié dure moins de 3 mois, pèse également sur la rémunération annuelle. Celle-ci est inférieure à 5 730 euros dans la moitié des cas. Les marins bénéficient quant à eux d’un salaire horaire brut élevé : un sur deux perçoit plus de 17,2 euros. Mais la durée des contrats pénalise aussi leur rémunération annuelle médiane : 15 290 euros bruts contre 18 200 euros en Corse.

Les entreprises employeuses mono-régionales hors statut micro fiscal représentent 44 % des établissements et 73 % de l’emploi du segment. Leur activité peut nécessiter des équipements coûteux dont les navires de promenades en mer constituent le meilleur exemple. Le segment se caractérise ainsi par une intensité capitalistique supérieure à la moyenne régionale et plus encore, par un niveau élevé d’investissement (renouvellement et accroissement du capital productif) (figure 6). Les taux de valeur ajoutée et de marge sont également supérieurs aux niveaux régionaux (respectivement 45 % et 37 % contre 30 % et 25 %), ce qui se traduit par une meilleure rentabilité économique (17 % contre 12 %).

En Corse, la construction, la vente, la réparation et la maintenance (hivernage) liés à la flotte de plaisance ainsi que les services portuaires (hors travaux et ravitaillement) reposent sur 170 établissements, soit 29 % du nautisme. Ces établissements dépendent principalement de sociétés commerciales (71 %) ou d’entrepreneurs individuels, le plus souvent des artisans. Parmi eux, 63 % sont employeurs, la plupart ayant moins de 5 salariés. Les établissements de 10 salariés ou plus sont peu fréquents. Ils regroupent un tiers des effectifs ETP, soit deux fois moins qu’en moyenne régionale. L’activité est donc peu concentrée, ce qui reflète notamment un besoin de proximité avec les différents ports implantés sur les côtes insulaires.

Ces établissements comptent 320 salariés ETP en 2016. La saisonnalité de l’emploi n’est que légèrement supérieure à celle de l’économie corse (18 % d’emplois saisonniers contre 14 %). Cela permet au segment d’offrir de meilleures conditions d’emploi. Parmi les 470 emplois offerts, les contrats à durée indéterminée (CDI) prédominent. Avec deux tiers des postes, ils sont bien plus présents que dans le reste du nautisme et qu’en région. Le temps complet est aussi plus courant qu’en moyenne insulaire (86 % contre 79 %). En revanche, la rémunération, bien que supérieure à celle des autres segments du nautisme, se situe en deçà du niveau régional : le salaire horaire brut médian s’élève à 12,7 euros contre 13,5 dans l’ensemble de l’économie locale (figure 5).

Au sein du segment, les trois quarts des postes sont occupés par des hommes. En effet, son caractère industriel se traduit par une majorité d’emplois d’ouvriers (55 %), peu féminisés, alors qu’ils ne représentent que 27 % des emplois insulaires. Le secteur compte aussi trois fois plus d’apprentis qu’au niveau régional : 5,1 % contre 1,6 %. Les artisans et commerçants salariés y sont également plus fréquents (4 % contre 1 %).

Le premier métier exercé est celui de mécanicien qualifié de maintenance avec 20 % de l’emploi (figure 4). Il est quasi-exclusivement masculin et est assuré en grande majorité par des salariés en CDI à temps complet. Il compte seulement 13 % d’emplois saisonniers. Ce métier est aussi mieux rémunéré qu’en moyenne, avec un salaire horaire brut médian de 15 euros. Cumulé à un temps de travail élevé, il aboutit à une rémunération annuelle brute de 24 250 euros contre 18 200 euros au niveau régional. Le second métier le plus représenté est celui de secrétaire (10 % de l’emploi). En plus de n’être pas spécifique au nautisme, il s’oppose au premier par le fait qu’il est exercé par des femmes à 96 % et davantage à temps partiel et/ou saisonnier (25 % des emplois). Enfin, Il se situe dans le bas de l’échelle des rémunérations, avec un salaire brut médian horaire à 12 euros et annuel à 16 030 euros.

Les entreprises employeuses mono-régionales(hors statut micro-fiscal) représentent 65 % des unités légales et 98 % de l’emploi salarié du segment. Elles se caractérisent par des installations et matériels coûteux : le montant du capital productif par salarié atteint presque le double du niveau régional, et le taux d’investissement est supérieur de 10 points (figure 6). Le taux de valeur ajoutée est très inférieur à la moyenne (12 % contre 30 %). En revanche, le taux de marge est élevé et la rentabilité économique du segment est légèrement supérieure à la moyenne régionale (1 point de plus).

La flotte de plaisance et de promenade en mer bénéficie en Corse de 27 ports de plaisance et de 16 mouillages organisés qui totalisent 10 700 postes d’amarrage. Ils sont gérés par 25 établissements spécifiques dont 18 directement rattachés à leur commune d’implantation. Leur activité consiste principalement à gérer l’infrastructure, faciliter et sécuriser l’amarrage des navires, les approvisionner (eau, électricité, internet) et informer les plaisanciers (réglementation, tri des déchets, services disponibles à terre, etc.). C’est dans ce segment que la part des grands établissements est la plus importante, avec 37 % des structures qui comprennent 10 salariés ETP ou plus (contre 3 % dans le reste du nautisme et 9 % en Corse). Ces dernières regroupent ainsi 64 % de l’emploi du segment.

Trois emplois sur quatre relèvent d’un employeur public. Les principaux métiers exercés sont en effet ceux d’ouvriers qualifiés de travaux publics et d’agents administratifs des collectivités locales (respectivement 33 % et 18 % de l’emploi du segment). Les ouvriers qualifiés sont à 82 % des hommes alors que 70 % des agents administratifs sont des femmes. Les conditions d’emploi se caractérisent toutefois par de nombreux contrats courts : un agent portuaire sur deux est saisonnier et un sur quatre est embauché pour deux mois ou moins. Les postes sont en outre plus souvent à temps partiel que dans le reste de la filière. Ils sont occupés par des salariés particulièrement jeunes : 47 % ont moins de trente ans contre 26 % dans l’île. Enfin, les femmes y sont plus fréquentes que dans le reste du nautisme (39 % contre 29 %).

Les rémunérations sont modestes. Le salaire horaire brut médian s’établit à 11,2 euros, soit 17 % de moins qu’au niveau insulaire. De plus, les trois quarts des emplois offrent un salaire horaire brut inférieur à 13 euros (figure 5). Cette faiblesse des salaires reflète la structure des qualifications. En effet, les professions intermédiaires ne représentent que 2 % des emplois contre 16 % au niveau régional, les employés étant au contraire surreprésentés (55 % contre 45 %).