La croissance de l’emploi non-salarié normand : feu de paille ou croissance durable ?
Fin 2016, l’emploi non-salarié représente 9,9 % de l’emploi total en Normandie. En trente ans, il a beaucoup changé. L’emploi non-salarié traditionnel dans l’agriculture ou dans le petit commerce s’est effondré. En revanche, le nombre d’indépendants a crû dans les activités en développement, comme la santé. Il a fortement augmenté également dans d’autres secteurs des services avec la création en 2009 du statut des auto-entrepreneurs, mais cette croissance pourrait bien être déjà derrière nous.
En 1989, l’emploi non-salarié représentait encore 14,5 % de l’emploi total en Normandie (figure 1). Quatre non-salariés sur dix étaient agriculteurs. La chute de l’emploi agricole et la baisse du nombre de petits commerçants, alors que l’emploi salarié était en croissance, a ramené cette proportion à 8,7 % en 2007. La période suivante recouvre des années de crise où l’emploi salarié a fortement reculé (- 3 % entre 2008 et 2016), alors que l’emploi non-salarié connaissait une nouvelle croissance (+ 10 % sur cette même période en Normandie, + 17 % en France métropolitaine). Par voie de conséquence, la part de l’emploi non-salarié est remontée jusqu’à 9,9 % fin 2016. À cette date, les agriculteurs ne représentent plus que deux non-salariés sur dix, la grande majorité des non-salariés (six sur dix) exerçant leur métier dans le tertiaire (figure 2). Dans l’industrie, l’artisanat reflue lentement, entraînant, sur le long terme, la baisse de l’emploi non-salarié dans ce secteur.
tableauFigure 1 – Les non-salariés : un emploi sur dix en 2016Part des emplois non-salariés dans l’emploi total
2016 (%) | 1989 (%) | Évolution (en points) | |
---|---|---|---|
Normandie | 9,9 | 14,5 | – 4,6 |
France métropolitaine | 10,2 | 13,4 | – 3,2 |
- Source : Insee, estimations localisées d’emploi
tableauFigure 2 – 127 000 emplois non-salariés en Normandie en 2016Répartition des emplois non-salariés par secteur et évolution
Emplois en 2016 en Normandie | Évolution du nombre d'emplois entre 2008 et 2016 | ||||
---|---|---|---|---|---|
Nombre | Part (%) | Normandie (%) | France métropolitaine (%) | ||
Emplois non-salariés | 126 885 | 100,0 | +10,2 | +16,5 | |
dont : | |||||
Agriculture, sylviculture, pêche | 26 025 | 20,5 | -10,3 | -12,5 | |
Industrie | 6 925 | 5,5 | +0,3 | +7,7 | |
Construction | 14 950 | 11,8 | +10,2 | +12,1 | |
Tertiaire marchand | 59 495 | 46,9 | +16,1 | +21,7 | |
Tertiaire non marchand | 19 490 | 15,4 | +34,9 | +42,9 | |
Emplois salariés | 1 154 210 | / | -3,4 | +1,1 |
- Source : Insee, estimations localisées d’emploi
Croissance de l’emploi non-salarié dans les services
C’est à partir des années 2000 que des changements notables apparaissent. La très bonne conjoncture dans le secteur de la construction incite à la création de petites entreprises. Le nombre d’indépendants y croît jusqu’en 2013, alors que la crise frappe pourtant le secteur depuis trois ans. Les difficultés persistantes auront cependant raison de cette croissance, dès 2014. Si les métiers dans le gros œuvre ne sont pas porteurs, en raison de la chute des mises en construction, la situation reste plus favorable dans le second œuvre. Par exemple, le nombre d’artisans électriciens a crû d’un quart entre 2009 et 2014.
C’est surtout dans le tertiaire que les nouveaux emplois non-salariés apparaissent (figure 3). L’emploi non-salarié augmente de 16 % entre 2008 et 2016 dans le tertiaire marchand, et de 35 % dans les services principalement non marchands comme la santé, l’éducation et l’action sociale. Ainsi, le nombre de médecins, généralistes et spécialistes, a crû de 7 % entre 2009 et 2014. Dans les professions intermédiaires libérales, les effectifs d’infirmiers, masseurs kinésithérapeutes et autres spécialistes de la rééducation croissent de 20 % entre 2009 et 2014.
tableauFigure 3 – La croissance de l'emploi non-salarié se maintient dans le tertiaire non marchandÉvolution de l’emploi non-salarié par secteur d’activité
Années | Agriculture, sylviculture, pêche | Industrie | Construction | Tertiaire marchand | Tertiaire non marchand |
---|---|---|---|---|---|
1989 | 100,00 | 100,00 | 100,00 | 100,00 | 100,00 |
1990 | 93,99 | 95,89 | 95,96 | 97,32 | 99,78 |
1991 | 86,81 | 93,48 | 90,58 | 94,32 | 98,87 |
1992 | 80,02 | 90,74 | 83,56 | 91,35 | 97,66 |
1993 | 72,68 | 85,77 | 76,92 | 89,32 | 98,42 |
1994 | 67,87 | 84,51 | 75,17 | 86,78 | 96,19 |
1995 | 62,96 | 83,53 | 73,54 | 84,41 | 94,99 |
1996 | 58,54 | 81,28 | 70,80 | 82,18 | 94,51 |
1997 | 54,86 | 79,46 | 68,82 | 80,70 | 94,27 |
1998 | 52,01 | 78,58 | 67,80 | 79,72 | 94,80 |
1999 | 49,94 | 78,65 | 68,17 | 79,72 | 96,13 |
2000 | 49,01 | 77,18 | 68,43 | 78,73 | 95,64 |
2001 | 48,42 | 77,40 | 69,91 | 76,68 | 92,36 |
2002 | 46,60 | 77,23 | 70,70 | 76,37 | 91,57 |
2003 | 45,46 | 76,41 | 71,04 | 77,55 | 93,62 |
2004 | 45,15 | 75,11 | 71,65 | 78,75 | 95,53 |
2005 | 44,18 | 75,19 | 75,11 | 78,92 | 97,33 |
2006 | 42,67 | 76,92 | 78,51 | 79,11 | 98,61 |
2007 | 40,83 | 74,58 | 81,69 | 80,11 | 99,44 |
2008 | 40,27 | 74,68 | 81,03 | 79,62 | 101,09 |
2009 | 39,53 | 73,14 | 82,16 | 80,86 | 108,13 |
2010 | 38,92 | 75,11 | 86,17 | 86,31 | 112,74 |
2011 | 38,57 | 76,11 | 88,95 | 91,38 | 113,93 |
2012 | 38,31 | 76,36 | 92,61 | 94,12 | 118,14 |
2013 | 38,36 | 78,58 | 94,67 | 95,85 | 123,78 |
2014 | 37,31 | 78,58 | 93,81 | 95,25 | 126,78 |
2015 | 36,72 | 76,56 | 91,15 | 93,62 | 132,74 |
2016 | 36,12 | 74,93 | 89,27 | 92,41 | 136,40 |
- Source : Insee, estimations localisées d’emploi
graphiqueFigure 3 – La croissance de l'emploi non-salarié se maintient dans le tertiaire non marchandÉvolution de l’emploi non-salarié par secteur d’activité
Dans les services aux entreprises et aux personnes (hors santé), la création du statut des auto-entrepreneurs, en 2009, a favorisé la croissance. Des chômeurs ou des salariés se lancent dans la création de leur propre activité. 15 % des non-salariés avaient le statut d’auto-entrepreneur en 2011. Dans certaines activités (coaching, publicité, traduction, conseil, communication, etc.), cette proportion atteint presque 50 %. Dans des activités plus traditionnelles, les auto-entrepreneurs peuvent être également nombreux. C'est le cas dans la coiffure et les soins de beauté, où ils représentent le quart de l’effectif total des non-salariés. Dans ces professions, l'effectif non-salarié a crû de 19 % entre 2009 et 2014 tandis que les effectifs salariés ont baissé de 6 %. En 2011, toutes activités confondues, un tiers des auto-entrepreneurs maintenait une activité salariée, ne serait-ce, pour certains, qu’en raison du faible revenu tiré de l’auto-entreprenariat.
La croissance dans les services marchands semble s’essouffler dès 2015. Cela signifie que les actifs sortant du régime des auto-entrepreneurs d’une part, et les cessations d’activité dans les activités peu concernées par l’auto-entreprise d’autre part (les activités financières, juridiques, comptables, l’hébergement, la restauration, etc.), l’emportent désormais sur les créations d’activités. La croissance se maintient en revanche dans les services principalement non marchands.
Évolutions disparates selon le territoire
La part de l’emploi non-salarié est forte dans les zones touristiques (zones d’emploi d’Avranches : 17 % et Granville : 16 % en 2014, pour une moyenne régionale de 10 %), en raison de l’importante du commerce et des services liés au tourisme (données complémentaires). Elle est importante également dans les zones rurales (zones d’emploi de Bayeux et de Nogent-le-Rotrou : 15 % en 2014), en raison du poids de l’agriculture.
L’emploi non-salarié croît fortement dans les zones touristiques, le record étant détenu par la zone d’emploi de Honfleur (+ 23 % entre 1998 et 2014, pour une moyenne régionale de + 7 %). Il croît fortement aussi dans les grandes villes, là où se multiplient les emplois dans les services et où se concentrent les auto-entrepreneurs (entre 1998 et 2014 : + 22 % dans la zone d’emploi de Caen, + 17 % dans la zone d’emploi de Rouen, + 16 % dans la zone d’emploi du Havre). En revanche, il baisse dans les zones rurales (– 14 % dans la zone d’emploi de Flers).
Pour comprendre
L’emploi salarié et l’emploi non-salarié sont estimés annuellement et localement (au niveau régional et des zones d’emploi) par l’Insee (« estimations localisées d’emploi »). La période étudiée dans cette publication va de 1989 à 2016, pour la région, les données 2016 étant provisoires. Elle va de 1998 à 2014 pour les zones d’emploi.
Les évolutions entre 2009 et 2014 citées dans cette publication et concernant certaines professions sont calculées à partir des données d’emploi des recensements de la population.
Les données propres aux auto-entrepreneurs sont extraites de la « Base Non-salariés », fichier constitué par l’Insee à partir des fichiers administratifs des organismes collectant les cotisations sociales des non-salariés (ACOSS et MSA). On notera que ce fichier répertorie les non-salariés ayant aussi une activité salariée. Or, ces derniers peuvent être comptés comme « principalement salariés » dans les estimations annuelles d’emploi. Les estimations du nombre d’emplois non-salariés diffèrent donc selon la source : ils sont 135 500 en 2011 en Normandie selon la « Base Non-salariés » (cf. Insee Analyses Normandie n°11, juin 2016), 124 800 au 31 décembre 2011 et 126 900 au 31 décembre 2016 selon les « estimations localisées d’emploi ».
Pour en savoir plus
Moisan M., « Les emplois de plus en plus qualifiés en Normandie », Insee Analyses Normandie n°40, janvier 2018.
Bertran C., « Le revenu d’activité des non-salariés : plus élevé en moyenne dans les départements du nord que dans ceux du sud », Insee Première n°1672, novembre 2017.
Moisan M., « Les non-salariés : des effectifs en croissance », Insee Analyses Normandie n°11, juin 2016.
Omalek L., Rioux L., « Panorama de l'emploi et des revenus des non-salariés », Insee Références, février 2015.